Oecuménisme fantôme? – Revue Sources https://www.revue-sources.org Thu, 16 Feb 2017 10:39:49 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.3.1 Œcuménisme fantôme? https://www.revue-sources.org/oecumenisme-fantome/ https://www.revue-sources.org/oecumenisme-fantome/#respond Tue, 07 Feb 2017 15:54:56 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=2145 [print-me]Il fallait bien une année «Martin Luther» pour déclencher ou raviver le processus oecuménique.

«Œcuménisme, avez-vous dit ? On en parle encore? On l’avait oublié, pensant que tout était réglé. Bien sûr, ici et là, subsistent quelques singularités et nuances subtiles entre la façon catholique de vivre sa foi et le mode protestant de le faire. Les traditions familiales ou régionales sont si vivaces! Mais ne parlons plus de divisions et encore moins d’oppositions. Nos Eglises ont mieux à faire par les temps qui courent? Ne devraient-elles pas faire bloc contre un ennemi commun qui avance au pas de charge sur leurs terres?»

« L’œcuménisme est devenu comme un écheveau emmêlé. A force de tirer ses fils en tout sens, ils ont fini par se mélanger. »

J’ai l’impression de répercuter à haute voix ce que beaucoup de chrétiens pensent et susurrent autour de moi. J’en viens même à bénir Luther qui opportunément nous rappelle cette année que les choses ne sont pas si simples. L’œcuménisme est devenu comme un écheveau emmêlé. A force de tirer ses fils en tout sens, ils ont fini par se mélanger.

Le dossier que nous présentons dans ce numéro ne suffira pas à dévider l’écheveau. Mais ses divers articles pourraient y contribuer. Tout d’abord, nous avons fait place à des voix pluriconfessionnelles: catholiques, protestantes et orthodoxe. Elles parlent à partir de divers lieux: théologie, histoire, pastorale. Elles font également écho à des expériences vécues, positives ou négatives. A nos internautes de nouer la gerbe de ce riche contenu. Une conclusion? L’œcuménisme n’a rien d’un fantôme ou d’un revenant qui traîne ses chaînes dans les galetas de nos églises. Il demeure pour tous les chrétiens un programme passionnant.

Ce numéro contient, comme à l’accoutumé, d’autres rubriques. Mentionnons l’une d’entre elles dont le thème va nous accompagner tout au long de l’année. Luther n’est pas la seule vedette à figurer sur la liste des jubilaires. Cette année, les Suisses – et c’est une première – veulent commémorer dans un esprit œcuménique le 600e anniversaire de la naissance de Bruder Klaus ou Frère Nicolas de Flüe, né à une époque où les divisions confessionnelles ne partageaient pas leur pays. Une autre opportunité de se laisser propulser par le désir d’unité.[print-me]


Frère Guy Musy, dominicain, rédacteur responsable de la revue «Sources».

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Déchirement et rencontre https://www.revue-sources.org/dechirement-et-rencontre/ https://www.revue-sources.org/dechirement-et-rencontre/#comments Tue, 07 Feb 2017 15:50:45 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=2140 [print-me]Avec un petit sourire, j’ai repéré récemment cet intitulé mis en exergue dans une bonne page du quotidien romand Le Temps. Je vous le livre tel que je l’ai lu: «Vous êtes ouvert sur le monde, rationnel, libéral, vous prenez vos responsabilités, vous chérissez avant tout la liberté individuelle et l’esprit critique? Alors vous êtes protestant. Non? Eh bien si.»

A contrario, je déduis de cette étrange confession de foi que ceux qui ne sont pas protestants, catholiques en l’occurrence, sont des individus bornés et prélogiques, qu’il comptent au rang des intégristes rassis, qu’ils ne prennent aucune décision sans avoir préalablement consulté leur curé, ne savent que faire de leur liberté et détestent les gens qui réfléchissent. Si tel était le cas, il serait grand temps que je fasse un pèlerinage du côté de Wittenberg, ou, à la rigueur, que je ne lise plus «Le Temps».

Caricature partagée

Ces clichés ont la vie dure. Je me réjouis de les voir aujourd’hui démentis. Ou plutôt, je constate que la caricature franchit allègrement les frontières confessionnelles. Le cléricalisme, par exemple, n’est plus une marque déposée catholique. Je ne ferai pas le compte des pasteurs jaloux de leur autorité et de leur pouvoir ou des conseillers synodaux et paroissiaux qui se comportent en rois sacristains.

« Ce n’est pas l’évangile qui est devenue obsolète, mais la manière d’en parler et de le vivre »

Quant à la liberté de croyance, j’ai comme l’impression que subsistent dans la tradition réformée des Rubicon à ne pas franchir impunément. Ne serait-ce que la fameuse troïka: «Sola fide, Sola scriptura, Sola gratia». Ce dogme – car c’en est un – en vaut bien d’autres confinés dans le catéchisme catholique.

L’histoire nous rappelle aussi hélas le zèle mis en œuvre par certains pères fondateurs de la Réformation pour éliminer leurs contradicteurs. Allez le demander à Michel Servet à Genève, à Thomas Müntzer en Rhénanie ou aux anabaptistes noyés dans la Limmat à Zurich. Et que dire de Cromwell, bourreau des «papistes» irlandais, dont l’effigie figure sans honte sur un mur célèbre de la«ville de Calvin»?

Mieux vaut s’ignorer que s’étriper

Mais cessons d’additionner nos points. Que chacun balaye devant sa porte ou «broute sur son territoire», selon la formule judicieuse qui mit fin à la première empoignade à couteaux tirés entre catholiques et réformés sur le territoire helvétique.

Cela se passait à Kappel am Albis en 1529. Un pacte de non agression mutuelle ou un «gentlemen agreement» s’en suivit, au terme duquel les adversaires de la veille s’interdisaient de s’ingérer dans les affaires religieuses du voisin, mais restaient maîtres d’en définir chez eux la nature et la teneur. «Cujus regio ejus religio». Ce principe permit aux Confédérés suisses de cohabiter tant bien que mal pendant plusieurs siècles. La religion ne pouvait que les diviser et les opposer à moins de prendre le parti de ne pas en faire état dans leurs affaires communes.

Donc, «chacun chez soi, et les vaches seront bien gardées!» Ou encore: En deçà les «papaux», au-delà les «huguenots», comme le disaient les Payernois protestants et ma grand-mère catholique, habitant un village fribourgeois frontalier. A la rigueur, elle se rendait à la foire de ce bourg «huguenot» pour y vendre ses poules et ses cochons, mais surtout pas pour ramener chez elle des filles à marier par ses garçons. Pendant des siècles, la mixité confessionnelle fut considérée comme facteur de troubles et même comme une aberration religieuse. On vivait les uns à côté des autres, cloisonnés dans des ghettos confessionnels qu’on appellerait de nos jours «communautaristes». La paix civile était à ce prix.

Vreneli et Joël

La libre circulation des personnes à l’intérieur du territoire helvétique – présage de la libre circulation à l’intérieur de l’Europe – prit son temps pour bouleverser ce schéma rigoureux.

La première protestante que je rencontrai de ma vie s’appelait Vérène ou Vreneli, dans son parler bernois. Fille d’un paysan d’Oberland qui avait trouvé domaine dans un hameau de mon village, Vérène fréquentait notre école primaire.

Le second fut Joël, fils d’un pasteur vaudois des environs, avec qui je partageai quelques années plus tard le même banc d’école secondaire. De très bonnes personnes, en l’occurrence, en dépit de leur «bizarrerie» de s’affirmer protestant. Je découvris chez l’un et l’autre une humanité qui semblait faire fi de nos ukases confessionnels et m’obligeait à redéfinir dans mon paysage mes convictions catholiques. Je n’étais donc pas le seul à croire au Dieu de Jésus-Christ? Belle découverte! Mieux encore, la foi de ces amis interpellait la mienne, la purifiait, la développait tout en la rééquilibrant.

L’avènement de l’oecuménisme

Cette expérience fut partagée par ceux et celles que l’amour entraînait à jeter des passerelles par dessus les fossés confessionnels. Il a bien fallu que les Eglises s’y fassent, passant de l’interdiction absolue de célébrer des mariages mixtes à tolérer ces unions contractées dans le secret d’une sacristie (pour éviter le scandale!), puis, de nos jours, autoriser une cérémonie de mariage œcuménique au temple ou à l’église.

Le réveil biblique et conciliaire des années soixante généra une impulsion oecuménique extraordinaire dans le monde catholique. Il s’agissait de rattraper le temps perdu et reprendre le chant des ténors réformés qui dès le début du 20ème siècle avait entonné cette antienne. Ainsi se créèrent de multiples liens entre chrétiens d’obédiences diverses, heureux et étonnés de vivre les mêmes «fondamentaux» chrétiens, ceux-là même que les disputes confessionnelles avaient obscurcis et mis en berne.

Fin des clivages confessionnels?

Certains espéraient que ces rapprochements auraient pu relativiser et même supprimer les particularismes confessionnels. Au point de prendre leurs rêves pour réalité, d’autres s’imaginent que la question est désormais résolue et qu’il n’est plus nécessaire d’y accorder quelque importance que ce soit. Cette vision est partagée par certains offices étatiques, volontiers réducteurs et simplificateurs, heureux de n’avoir en face d’eux qu’une seule famille chrétienne, plutôt qu’un patchwork aux nuances multiples et indéfinissables.

Il faudrait se désoler si nos richesses confessionnelles respectives disparaissaient sous l’effet d’une globalisation qui ne rechercherait que le plus petit dénominateur commun, habituellement proche du néant. Notre patrimoine confessionnel respectif a pu nous diviser certes, mais il est aussi une richesse dont nous pouvons faire part à celui qui relève d’une autre tradition chrétienne. Pendant des décennies, les groupes «Foyers Mixtes» se sont donnés ce remarquable objectif. Je crains qu’ils ne soient désormais fatigués et qu’ils laissent tomber les bras face à l’indifférence religieuse de leurs propres enfants qui sur ce point ne sont pas différents de l’immense majorité des jeunes de leur génération.

Le rejet de toute appartenance religieuse est un phénomène récent qui affecte nos sociétés occidentales. Il lamine nos Eglises et communautés, réduit certains groupes à l’état de moignons, cruellement amputés des foules de fidèles auxquelles ils s’étaient habitués. La survie de certaines dénominations devient problématique. D’où le raidissement et la radicalisation de ces communautés, hantées par la perspective d’une prochaine disparition. Elles réaffirment leur identité confessionnelle originelle et originaire comme si elles voulaient conjurer ce péril.

Malheur ou Chance?

Je ne pense pas que cette voie soit une planche de salut pour sauver ces communautés à la dérive. Le temps n’est certainement pas à l’isolement qui ne ferait que précipiter leur ruine, mais à un nouveau rapprochement entre ceux et celles qui se réclament de Jésus de Nazareth et tentent de mettre leurs pas dans les siens. J’aimerais que ces hommes et ces femmes m’expliquent pourquoi leurs enfants se sont éloignés de la foi qu’ils voulaient leur transmettre. Pourquoi cette rupture de transmission? Ont-ils trahi, déformé le message qu’ils avaient eux-mêmes reçu? Ou alors, est-ce le message lui-même qui ne répond plus aux attentes des nouvelles générations? Si c’était le cas, la «bonne et joyeuse nouvelle» aurait cessé d’être universelle. Elle n’aurait concerné qu’une tranche périmée de l’histoire de l’humanité.

A dire vrai, ce n’est pas l’évangile qui est devenue obsolète, mais la manière d’en parler et de le vivre. Nos Eglises, jusque là glorieusement régnantes, sont devenues réfugiées et exilées sur leurs terres. Est-ce un malheur ou une chance? Le moment est venu de relire – ensemble – les prophètes de l’exil.

Ces graves et urgentes questions devraient préoccuper tous nos responsables d’Eglises et de communautés chrétiennes. Plutôt que fourbir des armes en vue de nouvelles croisades contre les «infidèles» de ce temps, plutôt que s’échiner à résoudre le mystère de la justification ou celui de la transsubstantiation. Même s’il fallait oublier pour un temps qu’il y eût un pape à Rome, un patriarche à Moscou ou Constantinople et Martin Luther à Wittenberg.[print-me]


Frère Guy Musy, dominicain, rédacteur responsable de la revue «Sources».

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Unité et désunion des chrétiens: état de la question https://www.revue-sources.org/unite-desunion-chretiens-etat-de-question/ https://www.revue-sources.org/unite-desunion-chretiens-etat-de-question/#comments Tue, 07 Feb 2017 15:44:04 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=2137 [print-me]Avec insistance Jésus demande au Père que ceux qu’il lui a donnés soient un. L’expression revient cinq fois dans le chapitre 17 de l’évangile de Jean. Elle en énonce la source: l’unité du Père et du Fils (v. 11,21 et 22) et les deux finalités: que ses disciples soient «un» «comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi» (v. 21) et «afin que le monde croie» (v. 21 et 23). Jésus demande que cette unité se réalise parfaitement (v.23), expression qui suggère un chemin à réaliser. Mais de quelle unité s’agit-il? Quelle est la part que le Seigneur réalise lui-même puisque c’est au Père que Jésus s’adresse? Et à quoi sommes-nous appelés nous-mêmes?

L’espace et le temps

Le récit de la Pentecôte insiste sur le fait que «chacun entend dans sa propre langue» (Actes 2, 6.8). Tout le livre des Actes des Apôtres suggère une diffusion de la Bonne Nouvelle rejoignant des cultures diverses. Cette «inculturation» est attribuée à l’Esprit, mais aussi à l’effort de chacun – ceux qui annoncent et ceux qui accueillent – pour que l’annonce soit à la fois recevable et bouleversante. Mais tout au long des Actes, c’est aussi le souci de communion qui se développe, même si le texte offre plus un objectif qu’une description. Quand il s’agit de décider pour tous, face à un possible affrontement, les Apôtres et les Anciens se réunissent (cf Actes 15,6). La lettre qui se fait l’écho de cette «réunion de Jérusalem» (il s’agit davantage d’une disputatio que d’un concile!) comporte une phrase de poids: «L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé…» (Actes 15 28). L’unité est l’œuvre de l’Esprit et de ceux qui ont eu à prendre la décision.

« Le chemin vers l’unité des chrétiens serait-il alors l’art de guérir les blessures de l’histoire? C’est bien sûr nécessaire, mais insuffisant. »

Pierre, Jacques, Jean, Paul et les autres; autant de manières de vivre une même fidélité au Christ. Puis, apparaissent des communautés aux profils différents, parce que de cultures diverses, mais gardant toujours le souci d’un lien de communion pour être ensemble «Corps du Christ». Devant des divisions qui s’insinuent Paul demandera: «le Christ est-il donc divisé?» (I Cor 1, 13).

Orient et Occident

Devenue «religion de l’empire», la foi des chrétiens doit s’exprimer dans son unité. Des conciles «œcuméniques» sont appelés à en préciser le contenu essentiel. La notion d’«hérésie» va alors prendre une importance nouvelle pour situer les limites de la fidélité et en tirer les conséquences pour ceux qui s’éloignent de l’«orthodoxie» de la foi. Cette nouvelle situation politique va mettre les chrétiens dans une situation à la fois favorable puisqu’à l’abris des persécutions et difficile parce que dépendants de projets politiques qui, bien que se réclamant d’inspiration chrétienne, ne le sont pas toujours.

C’est ainsi, par exemple, que pour comprendre la question du filioque, au-delà de sa dimension strictement théologique, il est bon de la resituer dans le contexte carolingien, inacceptable pour les orientaux puisque Byzance se considère comme l’unique héritière de l’empire romain. Cette même période verra aussi avec la «conversion de la Rus’» apparaître une «troisième Rome», ce qui ne sera pas avec le temps sans poser de problème.

Des univers culturels, politiques, économiques différents vont creuser petit à petit une distance qui attribuera une importance nouvelle aux sensibilité théologiques et spirituelles. Suite à des clarifications théologiques sur la question du filioque, certains ont parlé de «conséquences d’un contentieux affectif sur la théologie elle-même».De fait on y retrouve ce que le Père Congar appellera avec beaucoup de finesse un «estrangement» progressif entre l’Orient et l’Occident[1]. Des initiatives pour «reconstruire l’union» seront prises. Mais, comme l’illustre assez clairement, par exemple, le Concile de Ferrare Florence (1438-1439), chacun vient pour y défendre ses positions, mais aussi pour mettre en avant des questions non doctrinales et défendre des intérêts difficilement compatibles. En outre, si l’Orient chrétien ne veut s’appuyer que sur l’autorité des Pères, l’Occident propose un argumentaire que l’Orient ne peut recevoir. Bref, un dialogue de sourds, un compromis et très vite une remise en cause de l’ensemble de la démarche.

Avec le temps, le fossé ne fait que s’approfondir à tel point que la connaissance réciproque finit par faire défaut. Le dialogue devient difficile. Le 20ème siècle voit aussi un athéisme d’Etat mettre plusieurs églises orientales en difficultés, ainsi que ce que l’on appellera une «déchristianisation» donnant le ton d’après guerre à l’Occident. De chaque côté, on essaie de faire face au mieux. Non sans humour, le patriarche Athénagoras dira à Paul VIen 1966: «Nous sentons aujourd’hui que ce qui nous a séparés, c’était, avant tout, neuf siècles de séparations».

Le chemin vers l’unité pour les chrétiens consiste consisterait-il alors à revenir à une situation «des débuts»? Ce serait ne pas tenir compte des différences présentes dès le début. En ce sens, on peut aussi se demander si le retour à «l’église du premier millénaire» n’est pas de l’ordre d’un rêve plus que d’un projet…

Ecclesia semper reformanda

On a longtemps dit que la Réformation fut une cassure. Elle le fut! Mais ce n’était bien sûr pas son projet initial. Des lectures historiques polémiques y verront tantôt une critique de l’église romaine ayant perdu la fidélité à l’Evangile, tantôt une aventure schismatique ayant perdu le sens de l’Eglise. Certains mythes prendront la place d’une relecture historique sereine.

Heureusement, de nombreuses études récentes resituent les faits dans leur complexité. Elles montrent une chrétienté médiévale animée de nombreux courants théologiques et spirituels, elles relèvent l’impact d’une situation sociale, économique et culturelle complexe. Elles prennent acte aussi d’une évolution dans la pensée de Luther, de Zwingli, de Bucer, de Calvin et des autres. Elle ne passe pas sous silence les différences présentes et parfois les incompatibilités entre les divers mouvements de la réformation. L’agressivité de langage utilisée entre ces divers courants n’a rien à envier à la dureté du ton que l’on utilise pour parler de l’Eglise romaine. Ce qui voulait être un élan nouveau insufflé à la vie de l’Eglise va être à l’origine de cassures qui vont marquer l’histoire. Mais on a pu écrire récemment que «Luther eut du succès aussi et surtout à Rome»[2]. C’est tout un monde qui change, une relation au pouvoir politique, à la culture, à une société en pleine évolution. Et si le Concile de Trente va systématiser la réforme catholique, il n’en demeure pas moins que des questions fondamentales vont rester longtemps ouvertes.

Mais l’histoire ne se fige pas. On assistera dans les siècles qui suivirent à une évolution de part et d’autre, à tel point que de penser l’occident chrétien en terme de deux blocs, catholique et protestant, apparaît peu sérieux. Ce n’est pas tant sur le terrain théologique et spirituel qu’il faut prendre acte d’un éloignement progressif, mais culturellement, sur la place des croyants dans la société et les divers systèmes politiques. L’évolution des sociétés sera source de positions différentes, toutes soucieuses d’être fidèles à l’Evangile, mais souvent contradictoires entre elles.

Au cours des deux derniers siècles, on a assisté également à l’apparition de nouvelles formes de vie chrétienne. Différents mouvements, congrégations et communautés font leur apparition, en lien avec une certaine tradition, mais aussi avec le désir de ne partir que de la Parole de Dieu. Certaines cherchent le contact avec les autres chrétiens, d’autres le redoutent. Le chemin vers l’unité des chrétiens serait-il alors l’art de guérir les blessures de l’histoire? C’est bien sûr nécessaire, mais insuffisant.

La recherche de l’unité

Il serait injuste de ne pas relever les nombreux efforts déployés, surtout à partir du siècle dernier, pour avancer sur les chemins de l’unité. Le «mouvement œcuménique» prend de l’ampleur; une réalité comme le Forum mondial des Eglises rassemble aujourd’hui largement, l’Eglise catholique s’engage très officiellement sur le chemin de l’unité. Plus proche de nous, des lieux comme le «Groupe des Dombes» ose affronter des «questions qui fâchent» et trouver une manière de «parler ensemble». Des groupes de prière œcuméniques font leur chemin. Des réalités comme celles des «couples mixtes» offrent l’occasion d’un partage en profondeur. Mais ces nombreuses initiatives n’empêchent pas les chrétiens de continuer à s’éparpiller. Et elles posent la question: à quelle unité aspirons-nous? Qu’entendons-nous par l’expression «pleine unité»?

On peut aussi se poser une autre question: quel est l’impact réel de ces initiatives sur les «croyants de base? Et finalement quelle place les chrétiens ont-il à prendre ensemble dans nos sociétés qui souvent les ignorent?

Le chemin vers l’unité des chrétiens serait-il lié à une urgence, «pour que le monde croie» (Jean 17, 21.23)? Ce serait l’aveu d’une impuissance, en même temps que d’une nostalgie d’une «chrétienté». Certes, les chrétiens sont appelés à être «sel de la terre» (Mt 5,14), mais pas à transformer le monde en salière! La foi est don de Dieu, les chrétiens sont appelés à en témoigner…[print-me]


L’Abbé Marc Passera, curé de Chêne -Thônex à Genève, est délégué de l’Eglise catholique romaine dans le «Rassemblement des Eglises et Communautés Chrétiennes de Genève» (RECG).

[1] Cf. CONGAR, Y. Neuf cents ans, Chevetogne, 1954, pp.3-95

[2] SCHILLING, Heinz, Martin Luther, rebelle dans un temps de rupture, Paris, 2014, p.669

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Entre nos mains le suaire du Ressuscité https://www.revue-sources.org/entre-nos-mains-suaire-ressuscite/ https://www.revue-sources.org/entre-nos-mains-suaire-ressuscite/#comments Tue, 07 Feb 2017 15:29:54 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=2132 [print-me]Ayant dépassé (grâce à Dieu!) depuis peu le cap des quatre-vingts ans, je ne peux m’empêcher d’esquisser un bilan. Non pas de ma propre vie, mais des efforts des Eglises pour tisser leur unité, une tâche qui m’occupe depuis quelques décennies.

Comme d’autres artisans d’unité, une image me guida longtemps: la «tunique sans couture, tissée tout d’une pièce à partir du haut» évoquée par l’évangéliste Jean (19,23-24). Alors qu’ils se partageaient les vêtements du crucifié, cette tunique étonna les soldats: ils décidèrent de ne pas la déchirer, mais de la tirer au sort. C’était avant la mort de Jésus, la tunique était une. Au tombeau vide, Pierre ne découvrit que des bandelettes et le suaire roulé à part. (Jean 20,7) Il n’hérita pas de la tunique sans couture, devenue par le hasard propriété d’un obscur soldat.[1] Pierre hérita du suaire, si du moins il le prit. Comme si, dès le début, l’Eglise était revêtue, non pas de la tunique sans couture, mais du linceul marqué par les plaies, les larmes et le sang du Seigneur.

Tunique ou suaire?

La tunique sans couture était pour moi l’image de l’unité de l’Eglise, déchirée par nos mains malhabiles et nos cœurs étroits, tunique à raccommoder, à rafistoler, avec nos mains toujours malhabiles. Mais la tunique a disparu. Reste entre nos mains le suaire du Ressuscité. Devant le tombeau vide et ce suaire bien rangé, nous sommes, comme les Evangiles le disent des premiers témoins: Ou bien tremblants, troublés, tétanisés, ne disant rien à personne, car nous avons peur. (Marc 16,8) Ou hésitant entre peur et joie, nous l’annonçons. (Matthieu 28,8) Ou enthousiastes comme Marie de Magdala: «J’ai vu le Seigneur, et voici ce qu’il m’a dit.» (Jean 20,18) Ces contradictions évangéliques disent notre état à nous, aujourd’hui, entre pusillanimité et audace, nos divisions dans l’annonce du Christ ressuscité.

« Vivre la synodalité, c’est décider de marcher avec les autres, peut-être plus lentement qu’on ne le ferait seul, mais en se réjouissant que le Ressuscité accompagne les marcheurs »

Le suaire entre nos mains est un signe fort, plus que la tunique sans couture. Il dit aux Eglises: «Etes-vous capables de clamer au monde, ensemble, en même temps, d’une même voix: ‘Il est ressuscité, Celui qui fut crucifié et descendit aux enfers! Il vous invite tous et toutes, bons et mauvais, au festin du Royaume.’ Mais que fait là cet étranger, dans la salle du banquet, sans la tunique de fête? – ‘Je n’ai que mon suaire, Maître, dit l’intrus. Souviens-toi, j’étais tout près de toi sur la croix. Souviens-toi de moi dans ton Royaume!’»

Nous ajoutons aux taches du suaire

Chaque fois que nous fêtons Pâques séparés dans de multiples salles du Royaume, chaque fois que nous sommes ici ou là interdits de table au banquet eucharistique des autres, nous ajoutons aux taches du suaire.

Ne rêvons pas! Dès le début, l’unité de l’Eglise ne fut pas un trésor acquis à tout jamais qu’il suffit de conserver, voire de rabibocher, mais une communion à créer, entretenir, nourrir, un tissage à remettre sans cesse sur le métier.

Au premier millénaire de «l’Eglise indivise», les chrétiens se posaient peut-être la même question que nous: «Quand verrons-nous enfin l’Eglise une?» Conflits théologiques, rivalités des sièges primatiaux, interférences politiques, tentations du pouvoir chez les chefs d’Eglise: tel était le terreau humain, trop humain où devait tomber la bonne semence. Mais le meilleur du peuple de Dieu ne supportait pas ces chamailleries, moins encore l’indifférence qui tourne le dos aux autres. Moins encore la communion ecclésiale rompue qui blesse, une fois encore, le Corps du Christ.

L’histoire des Conciles œcuméniques, du 4e au 8e siècle, n’est pas un long fleuve tranquille où les évêques, de leur barque, se seraient contentés de proclamer: «Voyez qu’il est bon d’habiter ensemble comme des frères!» Chaque fois qu’une crise éclatait, l’impatience de quelques-uns tentait de construire une communion capable de témoigner de «ce qui est cru partout, toujours et par tous».[2]

Des îles à l’archipel

Aujourd’hui, c’est une autre image, moins tourmentée, qui occupe mon esprit. Depuis quelques mois tournent dans ma tête ces vers du poète anglais John Donne, mort en 1631:

«Nul n’est une île en soi suffisante.
Tout homme est une parcelle de continent,
une partie du tout.»

Comme certains d’entre vous, je les ai découverts il y a longtemps, en 1956, au début d’un livre de Thomas Merton. Leur petite musique me revient inlassablement chaque fois que j’évoque la situation de l’Eglise, de nos Eglises.

Iles éparses, les Eglises sont à la surface de l’eau des nénuphars épanouis ou flétris, isolés. Tantôt elles se tournent le dos, s’éloignent ou feignent de se rapprocher, dans un lent ballet dont nos yeux peinent à discerner le sens. L’écume des jours ressemble à un jeu de rôles: les cathos, les orthos, les protos, sans oublier les évangélos, selon le langage familier des sacristies. Ou des jeux de miroirs, quand nous croyons percevoir chez l’autre l’image que nous nous en faisons. Ou des jeux de langage, quand les mots de la tribu dissimulent les réalités. Or, les nénuphars plongent leurs rhizomes, ce qui est enraciné, dans une terre commune, quoique invisible. De même, les îles communiquent entre elles, sans qu’on le voie, dans la paix des profondeurs, dans un fond commun, l’Evangile et le baptême dans la foi.

S’il est illusoire, aujourd’hui, de réunir les Eglises en un continent sans visas, sans limites, sans exclusion, comment ne pas vouloir qu’un archipel les rapproche? La mondialisation interdit aux Eglises le quant-à-soi, l’autarcie. Des Eglises autonomes, autosuffisantes, autocéphales deviennent des Eglises autologales, chacune dans son coin parlant d’elle-même, selon ses propres règles, son propre code de valeurs. Réunir «la Parole en archipel» (si l’on peut détourner ce titre de René Char), c’est reconnaître que «nul n’est une île en soi suffisante».

«N’oubliez pas l’hospitalité

On peut aimer être un insulaire. L’actualité récente le montre. Mais quand on vit en Eglise, de l’Eglise, c’est une illusion mortifère. Ce que j’aime dans l’Eglise – dans mon Eglise quand elle ouvre ses portes – c’est son hospitalité. Quand elle se souvient des mots de la Lettre aux Hébreux: «Que demeure l’amour fraternel! N’oubliez pas l’hospitalité: grâce à elle, sans le savoir, quelques-uns ont accueilli des anges.» (Hébreux 13,1-2) L’auteur fait allusion à Abraham et Sara qui, sans le savoir, accueillirent sous le chêne de Mambré des messagers du Seigneur, le Seigneur lui-même. (Genèse 18,1-17) J’aime mon Eglise quand elle se souvient qu’elle a fait de l’hospitalité d’Abraham l’icône de la Trinité. Et donc l’icône de l’Eglise.

Mais la douleur est grande quand dans mon Eglise trop d’orthodoxes crient à l’hérésie, au schisme, discréditent ces chrétiens hétérodoxes qui ne pensent pas en tout comme eux, qui ne s’organisent pas ou ne prient pas comme eux, qui ne tirent pas de l’humus commun les mêmes éléments nutritifs. La douleur est grande quand ailleurs l’autorité exacerbée annihile le sacerdoce commun des baptisés. La douleur est grande quand des Eglises font chambre à part, hasardant leur destin isolé sur des terres incertaines où seule l’aide des autres permet de progresser.

Rétablir la conciliarité dans l’Eglise du Christ, c’est choisir la concertation plutôt que l’aventure solitaire. Vivre la synodalité, c’est décider de marcher avec les autres, peut-être plus lentement qu’on ne le ferait seul, mais en se réjouissant que le Ressuscité accompagne les marcheurs, «leur expliquant ce qui est dit de lui dans les Ecritures». Pouvoir se dire l’un à l’autre, d’une Eglise à l’autre: «Notre cœur n’était-il pas tout brûlant en nous lorsqu’il nous parlait en chemin?» Il fallut que la fraction du pain révélât le compagnon mystérieux. (Luc 24,24-32)

Que le dialogue entre les chrétiens, entre leurs Eglises se fasse dans la vérité et la charité! Que la charité préside à tout! J’aime bien que la charité devienne amitié, quand «l’amour fraternel et tendre nous lie dans une estime réciproque» (Romains 12,10). Il arrive que les grands chefs de grandes Eglises nous en donnent le goût. Que les rencontres plus modestes entre croyants de tous les crus en répercutent la saveur.[print-me]


Noël Ruffieux, laïc orthodoxe, fut longtemps responsable de la Paroisse orthodoxe de Fribourg et président de la Commission œcuménique de la région de Fribourg.

[1] Sur la destinée historique ou légendaire de la tunique, la page Sainte tunique de Wikipédia donne des informations intéressantes.

[2] Vincent de Lérins (5e siècle), Commonitorium I, 2.

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Luther face à Cajetan https://www.revue-sources.org/luther-face-a-cajetan/ https://www.revue-sources.org/luther-face-a-cajetan/#comments Tue, 07 Feb 2017 15:23:00 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=2126 [print-me]Pendant la diète d’Augsbourg en 1518 Martin Luther a rencontré à trois reprises le Cardinal dominicain Thomas de Vio, surnommé Cajetan (selon son lieu de naissance Gaeta). Les deux hommes sont mus par le souci de la réforme de l’Eglise.

Cajetan a 50 ans. Il est professeur de théologie et commentateur de l’œuvre de saint Thomas d’Aquin. Comme ancien procureur général de l’Ordre des Prêcheurs et maître de l’Ordre de 1508 à 1518, il encourage le retour aux sources de la vie dominicaine, l’étude, la pauvreté apostolique et la vie communautaire. Prédicateur à la cour papale devant Alexandre VI et Jules II, il défend l’autorité papale au 5ème concile du Latran, tout en rappelant que la puissance papale vise à défendre l’unité de l’Eglise et qu’elle s’exerce par la miséricorde. Cajetan fut le plus important théologien catholique de son époque.[1]

Nommé cardinal-légat à la diète, mandaté par le pape Léon X pour intervenir dans les pourparlers politiques autour de la succession de l’empereur Maximilien, il dut avant tout gagner les Etats de l’empire pour donner leur soutien financier – un impôt de croisade – pour le projet papal qui visait à sauver l’Europe des dangers d’une invasion ottomane. Le résultat des efforts de sa légation fut décevant. Trop fortes étaient les irritations des princes allemands. Ils attendaient plutôt de Rome des réformes qui auraient dû alléger le poids des impôts ecclésiastiques et des autres exigences curiales qui rognaient les caisses des Etats et des diocèses.

« Un pur thomiste est un vrai âne, qu’il soit Italien ou allemand ». Martin Luther

L’autre, Martin Luther, est âgé de 35 ans. Il est docteur en théologie, ermite de Saint Augustin, professeur d’exégèse biblique à la jeune université de Wittenberg, la fierté du prince-électeur de Saxe, Frédéric le Sage. Luther est en quelque sorte son protégé. Le 31 octobre 1517 Martin Luther avait envoyé ses 95 thèses sur les indulgences à Albrecht de Brandebourg, archevêque de Mayence et de Magdebourg.[2] La Curie romaine était alertée par l’archevêque, qui avait envoyé les thèses ainsi que d’autres écrits de Luther à Rome, en demandant d’intervenir et d’empêcher Luther à protester contre la prédication des indulgences, menée avant tout par le dominicain Johannes Tetzel et ses confrères.

Luther avait l’intention de lancer une dispute sur la base de la Sainte Ecriture, les Pères de l’Eglise et les traditions ecclésiales sur la pratique ecclésiale de la vente des indulgences, une matière qui selon lui n’avait pas été fixée définitivement par le magistère de l’Eglise. Sa critique portait aussi sur l’autorité papale concernant l’interprétation des Ecritures et la « gestion » du trésor des mérites du Christ, distribués aux fidèles sous la forme d’indulgences. Luther appelait à une vraie vie de pénitence et de conversion chrétienne qui favorise la croissance dans la charité sous l’impact de la grâce divine.

Le début d’une « cause »

Suite à la dénonciation à Rome, une lettre papale du 3 février 1517 demande aux supérieurs religieux de Luther de prendre des mesures disciplinaires à son égard. Ceux-ci essaient de donner suite à la demande romaine, mais une intervention du prince-électeur de Saxe bloque les mesures envisagées par les autorités de l’Ordre des Ermites de Saint Augustin. Sans tarder, Luther avait entretemps développé sa position théologique et il s’explique en rédigeant une série de « résolutions ». Il y insiste entre autres sur sa conviction que le fruit ou l’efficacité du sacrement de la pénitence se situe dans la consolation, la paix de la conscience, à condition que le pénitent ait la certitude personnelle que ses péchés sont pardonnés et qu’il est dans l’état de grâce.

La conviction réfléchie concernant le pardon reçu par Dieu devient donc une partie essentielle de la foi au sacrement. Luther qui demande l’imprimatur de son évêque avant de publier les clarifications, les fait envoyer à Rome par son supérieur religieux avec une lettre personnelle au pape datée du 30 mai 1518. Tout en affirmant qu’il ne peut pas révoquer, il exprime son adhésion aux décisions du Saint Siège, demande au pape un jugement sur ses enseignements et il conclut: « confirme ou rejette, comme il vous plaît. Je reconnaîtrai la voix du Christ qui est présente et parle dans ta voix ». Les « résolutions » ainsi que deux sermons de Luther, sur la pénitence et sur l’excommunication, vont jouer un rôle essentiel dans la rencontre entre Luther et Cajetan en octobre 1518. Cajetan les a étudiés et il a préparé une série d’opuscules qui devaient répondre aux positions de Luther. Cajetan avait d’ailleurs, lui aussi et indépendamment des remous autour de la position de Luther, élaboré fin 1517 un traité théologique sur les indulgences dont la réception aurait pu corriger les pratiques et les opinions populaires

Luther et ses adversaires

La « cause de Luther » avait déjà pris son cours et le procès était lancé. La rédaction d’une expertise avait été confiée à un autre dominicain, Sylvester Prierias, théologien de la cour papale.[3] Celui-ci déposait son rapport en mai 1518 sans avoir pu prendre connaissance des « résolutions » que Luther avait rédigées. L’expertise affirmait l’autorité infaillible du pape sur l’Eglise universelle, aussi en matière d’interprétation des Ecritures. Prierias accusait nettement Luther d’hérésie étant donné que celui-ci parlait mal de l’enseignement et de la pratique de l’Eglise. Luther fut sommé à comparaître à Rome dans les soixante jours, pour qu’on lui fasse un procès. Luther répond dans un délai de quelques jours de manière circonstanciée mais très directe aux accusations de Prierias, qu’il considère à la fois très sévères et tout à fait italiennes et thomistes. [4] Ces deux adjectifs ont globalement une signification péjorative chez Luther. Dans un écrit contre Ambrosius Catharinus o.p. il dira plus tard: « un pur thomiste est un vrai âne, qu’il soit Italien ou allemand.[5]

Luther reproche à Prierias de détruire sa bonne réputation auprès du Pape. Il dit explicitement qu’il tient au caractère normatif de la règle de foi de l’Eglise romaine qui est contraignante pour tous les chrétiens, car c’est grâce au Christ que l’Eglise est gardée dans la vérité et la continuité avec les expressions originelles de la foi chrétienne. On ne peut pas exclure que c’étaient des dominicains allemands qui ont contribué à faire connaître dans les milieux romains la pensée « dangereuse » de Luther. Luther a dû se sentir poussé dans ses derniers retranchements par les dominicains, ce qui n’était pas un bon point de départ pour ses futurs entretiens avec Cajetan, lui aussi dominicain et thomiste renommé. « Non seulement les augustins n’étaient pas thomistes, mais Luther lui-même a gardé de sa propre formation une animosité contre la scolastique qui ne fait pas bien la différence entre la scolastique non-thomiste qu’il connaît et la scolastique thomiste de Cajetan. »[6]

« Le 15 juin 1520 la Bulle Exsurge Domine de Léon X condamne les positions de Luther comme hérétiques. »

Dans son appel au Pape du 26 octobre 1518, Luther dit que les confrères dominicains de Prierias – les thomistes – se solidarisent contre lui. Comme Prierias, ils ne connaissent que la théologie scolastique, incapables d’argumenter à partir de l’Ecriture sainte et les Pères de l’Eglise. Et dans son appel au concile du 28 novembre 1518 il rappelle que Cajetan, qui comme légat avait traité sa cause, appartient à l’Ordre des Prêcheurs et à la fraction thomiste, donc adversaire.[7] Dans des lettres du 8 et 21 août 1518 à son ami et confident Spalatin, Luther avait déjà remarqué que les dominicains (et tout spécialement Sylvester Prierias) agissent à son égard de manière rusée et malicieuse en vue de sa perte. Il les appelle des meurtriers. Ils excitent les princes contre lui.

Le mandat de Cajetan

Par une lettre du 5 août 1518, l’empereur Maximilien avait demandé au pape d’intervenir contre le professeur de Wittenberg, dont les écrits ainsi que les prédications contre les indulgences et la discipline ecclésiale causaient de plus en plus des difficultés. Le pape demande à son légat Cajetan, dans une lettre officielle du 23 août 1518, de s’occuper du cas de ce Martin Luther. Le cardinal doit le voir personnellement et lui demander de revenir à l’unité avec l’Eglise. Il doit l’accueillir avec bénignité. En cas de refus, Luther (y compris ceux qui le suivent ou le soutiennent) devra être publiquement considéré comme hérétique excommunié. Mais, dans un entretien avec le prince Frédéric de Saxe, Cajetan fait savoir qu’il se distingue des dominicains qui veulent voir condamner Luther, qu’il est plus tolérant et souple dans cette affaire, qu’il garantit un examen sérieux des affirmations de Luther.

Après les entretiens, dans une lettre du 25 octobre 1518 au prince de Saxe, Cajetan assure qu’il a entendu Luther avec bienveillance et qu’il l’a traité paterne tamen, non iudicialiter, comme un père, non comme un juge. Le prince a donc saisi que, lors de l’entretien entre Cajetan et Luther, Il n’y aurait pas de jugement définitif et que la cause serait traitée tout d’abord en Allemagne. Luther pouvait donc être interrogé sur place et non pas à Rome. On devrait parvenir à une sorte de compromis diplomatique qui sauverait les intérêts de toutes les parties (religieux et politiques) et qui devrait éventuellement clore la cause, si possible en réconciliant Luther avec l’Eglise de Rome. Toutefois, Luther écrit à son ami Spalatin, le 10 octobre 1518, quelques jours avant le premier interrogatoire de Cajetan, qu’il est suspendu entre espoir et peur. Le Cardinal est en effet redoutable aux yeux de Luther, qui connaissait les compétences théologiques et les plein pouvoirs ecclésiastiques du Cardinal dominicain. Mais dans un rapport que Luther rend publique après les rencontres, Luther souligne quand même l’attitude assez bienveillante et respectueuse du Légat. Il voit en lui un homme tout à fait différent des autres « frères chasseurs très robustes ».[8]

Cajetan se prépare

Cajetan se préparait soigneusement aux entretiens en se procurant les « résolutions » et d’autres textes de Luther. Il rédigeait, dans le délai d’un mois, 14 traités. Cajetan analysait à fond la pensée de Luther en adoptant méthodiquement le style de la dispute médiévale, qui donne d’abord respectueusement sa place à la position de l’adversaire tout en la réfutant par après de manière argumentative. Une place centrale occupe le traité X du 26 septembre 1518 sur la question « La foi est-elle nécessaire à l’absolution sacramentelle fructueuse ? » Luther était d’avis que le pénitent devait avoir la certitude subjective d’être dans l’état de grâce après avoir reçu l’absolution pour que le sacrement porte vraiment ses fruits.

Pour Cajetan, ceci est une nouvelle invention qui est étrangère à la doctrine de l’Eglise. L’Eglise nous donne la garantie que le sacrement a son effet, mais nous ne pouvons pas, de notre point de vue, faire dépendre cet effet de la certitude subjective, psychologique, du pénitent. Car ainsi on ferait du sacrement une œuvre humaine. Il ne peut y avoir des doutes par rapport à la miséricorde divine. En accédant au sacrement, l’homme doit toujours – en ce qui concerne sa propre situation – dire:« je ne suis pas digne ». Faire dépendre les effets du sacrement de la certitude subjective humaine, « cela revient en fait à construire une nouvelle Eglise » (hoc est enim novam ecclesiam construere) – selon les mots célèbres de Cajetan. Dans sa démarche analytique, le Cardinal ne condamne pas, mais il compare les positions de Luther de manière critique avec l’Ecriture Sainte, la doctrine et la tradition de l’Eglise, la raison humaine, les positions connues des théologiens et surtout avec le sens de l’Eglise, la foi commune et reçue dans la communauté des fidèles.

Cajetan, en tant que théologien rigoureux et habitué à une conceptualité systématique, n’avait peut-être pas assez de sensibilité pour les soucis pastoraux et fortement émotifs qui habitaient Luther dans sa lutte contre la pratique abusive des indulgences. Mais il s’était aperçu très vite que la forte tendance de Luther – contrairement à ce qu’il affirmait – de faire dépendre de la certitude subjective d’être sauvé, la justification donnée par le Christ à travers la prédication de la Parole de Dieu et les sacrements de l’Eglise, renversait la théologie catholique des sacrements. Bien préparé, Cajetan devrait pouvoir arriver à ce que Luther reconnaisse la divergence entre certaines de ses thèses et l’enseignement de l’Eglise et qu’il revoie sa position.

Les trois rencontres

Des différentes rencontres nous avons des rapports à la fois de Cajetan, par une lettre à Frédéric le Sage et de Luther dans des lettres à ses amis et au prince de Saxe. La première rencontre avait lieu le 12 octobre 1518. Cajetan parle d’abord de la position de Luther sur les indulgences, concrètement de son refus d’accepter la Bulle Unigenitus du Pape Clément VI (1343), qui explique ce qu’est le fondement des indulgences, c’est à dire le trésor des mérites du Christ et des saints qui est confié au pouvoir des clefs de l’Eglise, de Pierre et de ses successeurs. Ils peuvent de ce fait pardonner les péchés et remettre les peines pour les péchés par la voie des indulgences. L’autre thème de la rencontre était justement la question de la certitude concernant le pardon et l’état de grâce, qui serait selon Luther la condition de l’efficacité du sacrement de pénitence. Une dispute se déclenche dans laquelle Cajetan demande que Luther retire ses affirmations erronées. Luther répond que ses positions sont basées sur l’Ecriture sainte qui est plus contraignante que les enseignements des autorités ecclésiastiques. Cajetan de son côté insiste sur le fait que c’est la suprême autorité papale qui interprète de manière authentique les Ecritures. Cette autorité est plus haute que celle d’un Concile – une idée chère à Cajetan et fortement contestée par Luther, qui enfin demande un temps de réflexion.

Le lendemain Luther revient, cette fois accompagné d’un notaire, de quatre conseillers, d’autres témoins ainsi que de son supérieur religieux local, Johann von Staupitz. Luther déclare qu’il veut suivre l’Eglise catholique dans ses propos et ses actes, mais qu’il ne peut pas révoquer ses positions sans avoir été entendu et sans arguments convaincants. Car sa position est en conformité avec l’Ecriture Sainte, les Pères de l’Eglise, les documents pontificaux de la tradition catholique et la droite raison humaine. Il est conscient qu’il peut se tromper, étant un être humain, mais il est prêt à faire une dispute et rendre compte publiquement de ce qu’il a dit. Il est aussi prêt à soumettre ses opinions au jugement des universités de Bâle, Fribourg-en-Brisgau, Louvain et Paris. Cajetan répète ses objections du jour précédent, Luther se tait et on lui donne la possibilité de réagir par écrit aux différences principales que le Cardinal avait fait valoir, à savoir la notion du trésor des indulgences grâce aux mérites du Christ et des Saints qui est mis à disposition de l’autorité papale selon la Bulle Unigenitus et la question de la certitude subjective du pénitent d’être pardonné et d’avoir reçu la grâce dans la confession.

Le 14 octobre, Luther soumet un long document écrit qui prend position sur ces deux points et dans lequel il confirme sa position divergente. Luther demande au Cardinal de respecter cette prise de position, car il cherche la vérité et doit suivre sa conscience, sachant qu’il faut plutôt obéir à Dieu qu’aux hommes. Il assure qu’il n’est pas arrogant, ne cherche pas la vaine gloire, mais qu’il ne devrait pas être forcé de révoquer et d’agir contre sa conscience. Pendant l’entretien Cajetan insiste sur une révocation, car il considère l’argumentaire de Luther comme totalement impertinent et faux, comme il écrira plus tard au prince de Saxe.

Après la troisième rencontre, Luther rapporte à son ami Spalatin que Cajetan est resté inflexible. Il refusait une dispute tant publique que privée avec Luther, il attendait que Luther reconnaisse son erreur, il lui fit un long sermon avec des « racontars » tirés de Saint Thomas d’Aquin. A dix reprises Luther aurait essayé de parler et chaque fois Cajetan l’en empêcha. Seul, Cajetan dominait l’entretien. A un certain moment le Cardinal aurait perdu son assurance en confrontant le texte de Unigenitus avec l’interprétation de Luther. Car le texte ne dit pas en effet – ce que pensait Cajetan – que les mérites du Christ sont le trésor des indulgences, mais que le Christ les a acquis. Cajetan essaie de changer de sujet, Luther persiste sur son interprétation et aurait souligné – comme il écrit à Spalatin le 14 octobre – que lui aussi, bien qu’allemand, connaît sa grammaire latine. Selon la lettre de Luther au Prince-Electeur de novembre 1518, Cajetan aurait dit à la fin: »va-t’en et ne reviens plus vers moi, sauf si tu veux révoquer ». Dans sa lettre à Spalatin immédiatement après le dernier entretien, Luther avoue ne plus pouvoir espérer ou avoir confiance en Cajetan. Le même jour, Luther fait rapport de l’entretien à son collègue et compagnon de combat, Andreas Carlstadt. Luther est d’avis que le Légat n’est pas la personne indiquée pour traiter sa cause. Il est peut-être un thomiste connu, mais il est un théologien obscur qui ne montre aucune compréhension, incapable de reconnaître et de juger son cas comme « un âne jouer de la harpe ». Luther a perdu confiance, il est d’avis que sous une apparence gentille – « il m’appelle toujours son cher fils et à mon supérieur religieux il dit que je n’ai pas de meilleur ami que lui » – le Cardinal ne veut rien d’autre que Luther reconnaisse son erreur. Et il confie à son collègue: « Je ne veux pas devenir un hérétique en entrant en contradiction avec une opinion grâce à laquelle je suis devenu chrétien ».

L’échec et les suites

Luther fait alors le 16 octobre 1518 officiellement appel au Pape Léon X. Il est d’avis que celui-ci est mal informé, qu’il doit être mieux informé. Luther affirme qu’il ne veut rien d’autre qu’entendre et suivre l’Eglise. Mais les dominicains qui sont intervenus dans sa cause lui veulent du mal. Comme thomiste et dominicain, Prierias avait de toute manière une profonde inimitié contre lui et il était incapable d’argumenter sur la base de l’Ecriture et des Pères de l’Eglise; Cajetan qu’il considère comme un homme très savant et très humain n’a pourtant pas fait valoir les arguments de son interlocuteur. Il lui a simplement et sèchement (simpliciter et nude) demandé de révoquer et l’a menacé avec une excommunication.[9] Le lendemain, Luther écrit encore à Cajetan promettant de rester tranquille sur la matière des indulgences, mais il ne veut pas se soumettre tant que l’exigence de sa soumission ne sera fondée que sur des positions de Thomas d’Aquin. La cause sera donc dans les mains du Pape et Luther tire sa révérence.

Dans la nuit du 21 au 22 octobre, il quitte Augsbourg. Cajetan de sa part demande au Pape de promulguer une déclaration officielle sur les indulgences, dont il prépare lui-même l’ébauche. Elle fut publiée sous le titre Cum postquam le 9 novembre 2018. Dans le bilan qu’il écrit à Frédéric de Saxe, Cajetan se dit grandement frustré (maxime sum frustratus) par l’attitude de Luther. Il affirme que certains écrits de Luther pourraient faire l’objet d’une dispute, mais ce qu’il prêche est en partie contre la doctrine du Saint Siège. Il conseille au prince d’envoyer Luther à Rome ou au moins de l’expulser de son territoire.

De son côté, Luther écrit longuement, fin novembre, au prince en demandant sa protection, et il met en circulation publique un rapport sur les événements. Il se justifie et il relativise la question des indulgences, mais insiste sur la question de la certitude concernant l’efficacité du sacrement. Là, il s’agit vraiment du thème de la justification par la foi en la parole de grâce et du pardon. C’est le cœur de sa position et c’est bien là que les esprits se sont divisés dès le début. Ou, comme Cajetan l’avait prédit, cela revient en fait à construire une nouvelle Eglise.

Le 15 juin 1520 la Bulle Exsurge Domine de Léon X condamne les positions de Luther comme hérétiques. Des ultimes efforts de médiation échouent. Luther donne la faute à Cajetan. Ce dernier aurait voulu l’éloigner de la foi catholique, écrit-il à Jean Eck. Dans une lettre au Pape du 6 septembre 1520, Luther appelle Cajetan « ton légat imprudent, malheureux et, plus encore, infidèle ». Selon lui, Cajetan aurait dépassé ses compétences et tout ce qui s’est passé après les rencontres, c’est Cajetan qui en porte la faute (Cajetani tota culpa est).[10] Le souvenir des rencontres avec Cajetan ont accompagné Luther pendant toute sa vie. Quand Cajetan eut plus tard des ennuis avec la Sorbonne à cause de commentaires bibliques rédigés entre 1527 et 1534, Luther ne manqua pas de se moquer de lui dans une de ses Tischreden: « Cajetan est enfin devenu luthérien ! »[11]

Conclusion

L’échec des rencontres entre Cajetan et Luther a fait l’objet de beaucoup d’analyses historico-politiques et théologiques.[12] Les deux hommes voulaient une vraie réforme dans l’Eglise quand ils insistaient sur l’origine du salut qui nous vient de la grâce salvifique du Christ. La conversion, une vie dans la foi et la charité font nécessairement partie de l’efficacité du sacrement. Dans le sacrement cette grâce nous est donnée « de l’extérieur », mais elle doit devenir aussi « pour moi » le fondement d’un nouvel agir, d’une nouvelle pensée. La certitude subjective d’être sauvé ne peut jamais devenir une condition qui détermine les effets salvifiques en nous. Car ainsi la foi deviendrait une œuvre humaine contrairement à l’affirmation que c’est seulement la grâce et la foi au sacrement qui justifient. Le langage théologique et le niveau argumentatif entre les deux personnages étaient trop différents pour leur permettre de s’entendre.[print-me]


Le frère dominicain Guido Vergauwen, provincial des Dominicains suisses, fut recteur de l’Université de Fribourg et professeur de théologie fondamentale dans cette même institution.


[1] Pour une analyse historique et théologique de la rencontre entre Cajetan et Luther voir: Charles Morerod OP, Cajetan et Luther en 1518. Edition, traduction et commentaire des opuscules d’Augsbourg de Cajetan. 2 Tomes. Fribourg 1994 (Cahiers œcuméniques 26); Barbara Hallensleben, Communicatio. Anthropologie und Gnadenlehre bei Thomas de Vio Cajetan. Münster 1985; Erwin Iserloh/Barbara Hallensleben, Cajetan de Vio, dans: TRE Bd. 7, 538-546; Jared Wicks, Cajetan und die Anfänge der Reformation, Münster 1883; J.F. Groner o.p., Kardinal Cajetan. Eine Gestalt aus der Reformationszeit. Fribourg 1951.

[2] Voir e.a. Marc Lienhard, Genève 2017; Volker Reinhardt, Luther der Ketzer. Rom und die Reformation. München 2016.

[3] Sur Prierias voir: Michael Tavuzzi, Prierias. The Life and Works of Silvestro Mazzolini da Prierio, 1456-1527. Durham 1997.

[4] WA 1, 647.

[5] WA 7, 706.

[6] Charles Morerod, Cajetan et Luther en 1518, Tome I, 40.

[7] Cf. WA 2, 38.

[8] WA, 7.

[9] Cf. WA 2, 32.

[10] WA 7, 46.

[11] WATr 597. n° 2668b.

[12] Pour une évaluation globale, voir: Charles Morerod, 75-81; J. Wicks, 109-135. B. Hallensleben, « Das heisst eine neue Kirche bauen », Catholica 39 (1985) 217-239.

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Le Jubilé de la Réforme à Lund https://www.revue-sources.org/jubile-de-reforme-a-lund/ https://www.revue-sources.org/jubile-de-reforme-a-lund/#comments Tue, 07 Feb 2017 15:15:01 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=2121 [print-me]La visite du pape à Lund à l’occasion de l’ouverture du jubilé du 500ème anniversaire de la Réformation a de quoi surprendre. L’événement que représente la visite du pape François et la commémoration commune à la cathédrale de Lund du jubilé de la Réformation et du 70ème anniversaire de création de l’Alliance Luthérienne Mondiale en 1947 permet de mesurer le chemin parcouru dans le dialogue luthéro-catholique, depuis l’excommunication prononcée le 3 janvier 1521 contre Martin Luther par le pape Léon X. Il aura fallu attendre 1967 pour que catholiques et luthériens reprennent le dialogue.

Cinquante ans de dialogue

Depuis le début, l’objectif du dialogue luthérien-catholique est la recherche de l’unité visible de l’Église. La première phase du dialogue (1967–1971) avait porté principalement sur l’Évangile et l’Église. La seconde phase (1973–1984) s’était penchée sur la question de l’Eucharistie et du Ministère dans l’Église. La troisième phase (1986–1993) eut pour thème l’Église et la Justification. La quatrième phase (1995–2006) est marquée par l’année 1999 avec la Déclaration conjointe sur la Doctrine de la Justification, solennellement signée à Augsbourg, en Allemagne par la Fédération luthérienne mondiale et l’Église catholique. La Commission a poursuivi son travail en abordant le thème de l’apostolicité de l’Église.

Et maintenant?

Dans la phase actuelle du dialogue (2009 – 2017), la Commission internationale a publié en 2013 un document intitulé Du conflit à la communion: commémoration luthéro-catholique commune de la Réforme en 2017. Ce document porte sur la commémoration de 2017. Il invite les luthériens et les catholiques à relever le défi de dialoguer en débattant des questions soulevées par la Réforme de Wittenberg liées à la personne et à la pensée de Martin Luther. Une invitation à développer des propositions pour une commémoration et une appropriation de la Réforme aujourd’hui. Le programme de réforme de Luther représente un défi spirituel et théologique pour les catholiques comme pour les luthériens de notre temps. (cf. Introduction du Document §3)».

« La chance d’être une Église minoritaire est que nous découvrons la nécessité d’aller vers les autres chrétiens »

Et le Document de conclure: «Ce sera une célébration légitime des débuts de la Réforme lorsque luthériens et catholiques écouteront ensemble l’Évangile de Jésus-Christ, et se laisseront entraîner à une communion renouvelée avec le Seigneur. Ils se rassembleront alors dans une mission commune que la Déclaration commune sur la doctrine de la justification définit ainsi: «Ensemble, luthériens et catholiques ont pour but de confesser partout le Christ, de placer en lui seul leur confiance, car il est le seul Médiateur (I Tm 2,5), par lequel Dieu se donne lui-même dans l’Esprit Saint et offre ses dons» (cf. Document § 18 et §245).

Impact local de cette commémoration

Je voudrais témoigner pour ma part de l’impact local qu’a eu cet événement. La communauté catholique de Lund dans laquelle je vis comme frère dominicain comprend environ 5000 membres, la plupart issus de l’immigration. Nous sommes une Eglise jeune et très multiculturelle, avec une minorité de Suédois convertis du luthéranisme. Pour exemple, le dimanche nous célébrons la messe en suédois, en anglais, en espagnol et en polonais. Pour animer cette paroisse, nous sommes une communauté dominicaine de cinq frères. A Rögle, à dix kilomètres de Lund, se trouve aussi un monastère de dominicaines comprenant cinq sœurs.

Vêpres oecuméniques au monastère de Rögle

Le 2 octobre dernier, les Moniales de Rögle ont invité les chrétiens des églises issues de la Réforme (Église de Suède, Pentecôtistes, Baptistes, Adventistes, Anglicans) à les rejoindre pour célébrer des Vêpres œcuméniques et partager un repas. Nous étions une soixantaine à répondre à cette invitation. Ce fut à la fois le temps de la prière sous le conduite de l’Esprit Saint et celui de la réconciliation. Les participants ont pu mieux se connaître et apprécier les dons que nous pouvons nous offrir mutuellement. Le repas a été marqué par un échange fructueux sur la place de la prédication dans nos vies.

Paroissiens catholiques à la cathédrale luthérienne

Le dimanche 30 octobre à Lund, veille de la célébration œcuménique à la cathédrale, à la fin de leur messe, les paroissiens ont quitté en procession l’église catholique St. Thomas d’Aquin pour rejoindre la cathédrale (luthérienne) St. Laurent) de Lund. Nous avons été accueillis par sa rectrice, à la fin de la messe luthérienne. Ensemble, catholiques et luthériens, nous avons prié avec le président de l’Alliance luthérienne mondiale, l’évêque luthérien de Jérusalem Mounib Younan. Puis, sur le parvis, nous avons reçu la bénédiction de l’évêque luthérien de Lund Johan Tyrberg. Une première depuis la Réformation ! Nous répondions ainsi déjà à l’appel qui sera lancé le lendemain: «Nous lançons un appel à toutes les paroisses et à toutes les communautés luthériennes et catholiques pour qu’elles soient audacieuses et créatives, joyeuses et pleines d’espérance dans leur engagement à poursuivre la grande aventure devant nous. Au lieu des conflits du passé, le don de Dieu de l’unité entre nous devrait guider notre coopération et approfondir notre solidarité. En nous rapprochant dans la foi au Christ, en priant ensemble, en nous écoutant les uns les autres, en vivant l’amour du Christ dans nos relations, nous, Catholiques et Luthériens, nous nous ouvrons nous-mêmes à la puissance du Dieu Trinitaire. Enracinés dans le Christ et en témoignant de lui, nous renouvelons notre détermination à être des hérauts fidèles de l’amour sans limite de Dieu envers toute l’humanité[1]

Les réfugiés agents de réconciliation

Ces deux événements sont le fruit de quelque chose qui se vit déjà à Lund entre les communautés chrétiennes: la coopération pour venir en aide aux réfugiés. La Suède fait partie des pays européens qui ont accueilli le plus de réfugiés suite à la crise en Irak et en Syrie. Et les Églises se sont regroupés pour les aider à s’installer en Suède. Cette coopération nous a permis de franchir le pas et d’aller au-delà de nos préjugés pour prier ensemble. Lors de la soirée œcuménique chez les sœurs dominicaines, un des pasteurs pentecôtistes de Malmö me disait que jamais il n’aurait imaginé emmener un jour son équipe pastorale faire une retraite chez des sœurs catholiques et participer à leur liturgie. Cela rejoint ma conviction que le dialogue théologique ne peut se faire sans l’amitié spirituelle et missionnaire.

Cette amitié spirituelle continuera avec les Vêpres œcuméniques qui seront célébrées tous les quinze jours le samedi soir tantôt en la cathédrale luthérienne St. Laurent, tantôt en l’église catholique St-Thomas.

La chance d’être une Église minoritaire est que nous découvrons la nécessité d’aller vers les autres chrétiens et que, ce faisant, de participer à l’unité pour laquelle le Christ Jésus a prié.[print-me]


Le frère Pierre-André Mauduit est membre de la communauté dominicaine de Lund, dans le sud de la Suède. Un couvent fut fondé dans cette ville en 1221, supprimé en 1536 et rétabli comme «maison» en 1947.

[1] Déclaration conjointe à l’occasion de la commémoration commune luthéro-catholique de la Réforme, Lund 31 octobre 2016.

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Les spiritualités alternatives: nouveau nom de l’œcuménisme? https://www.revue-sources.org/spiritualites-alternatives-nouveau-nom-de-loecumenisme/ https://www.revue-sources.org/spiritualites-alternatives-nouveau-nom-de-loecumenisme/#comments Tue, 07 Feb 2017 15:03:52 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=2117 [print-me]Durant des décennies, des hommes et des femmes ont cherché un chemin d’œcuménisme au milieu des formes traditionnelles de nos Eglises: comment concilier l’accent mis sur l’exégèse et la réflexion du côté protestant avec l’insistance placée sur la liturgie et les sacrements du côté catholique?

Ensemble avec la Parole

Et puis, il y a déjà plus de vingt ans, on a vu apparaître un intérêt commun pour des formes de lecture priée de la Bible, dépassant les sensibilités confessionnelles habituelles: la lectio divina d’abord – en Suisse romande sous le nom d’«école de la Parole» -, puis les semaines de retraites spirituelles selon les Exercices ignaciens. Ces deux méthodes permettent de vivre une expérience: celle d’une proximité avec Dieu, de manière immédiate et sans autre intermédiaire que la Parole elle-même. On y développe une dynamique du cœur à cœur avec Dieu: Il me rencontre, Il me parle et je peux Lui répondre. Et quand on est sur le chemin d’une relation personnelle avec Dieu, on remarque vite qu’on est tous semblables et que les différences de nos appartenances confessionnelles n’ont plus d’importance.

« Est-ce que l’œcuménisme trouverait un nouveau souffle en-dehors même des institutions ou aux marges de celles-ci? »

Ces démarches sont d’ailleurs suivies tant par des catholiques que par des protestants réformés, et on y voit même de plus en plus des salutistes ou d’autres protestants de sensibilité évangélique. On peut donc se poser la question: Est-ce que la spiritualité serait le nouveau nom de l’œcuménisme en qui se retrouvent confondus les chrétiens appartenant aux diverses confessions?

On peut même aller plus loin: est-ce que l’œcuménisme trouverait un nouveau souffle en-dehors même des institutions ou aux marges de celles-ci? Je veux parler des nouvelles formes de spiritualité alternatives en lien avec la foi chrétienne. Quelques mots d’explication:

Spiritualités alternatives

Je ne suis pas le seul à constater que pour beaucoup de croyants les formes ecclésiales traditionnelles ont perdu de leur pertinence. Elles ne répondent plus à leurs besoins et ne sont plus suffisantes pour opérer un réel renouvellement de l’être. Elles ne nourrissent plus suffisamment leur cheminement, leurs questionnements et leur désir d’engagement. Beaucoup s’éloignent donc des institutions mais s’intéressent par contre à de nouvelles formes pour vivre leur spiritualité mettant en avant l’expérience personnelle: méditation (de pleine conscience), créativité, art, expression corporelle, pratiques thérapeutiques, éco-spiritualité, etc. que l’on peut qualifier de « formes de spiritualités alternatives » – et certains cherchent à les articuler à leur foi chrétienne.

Plutôt que de se laisser dépasser, il serait essentiel, à mon avis, que les Eglises investissent ensemble beaucoup plus de forces dans des propositions qui peuvent rejoindre ces personnes en recherche, ceci dans une logique « d’économie mixte » – c’est à dire sans pour autant déprécier les formes traditionnelles qui gardent toute leur valeur pour un certain public. Pour l’instant, les autorités de nos Eglises peinent encore à entendre et à comprendre cette évolution et à vraiment la prendre en considération. Pour les paroisses et les régions, c’est encore un « continent inconnu »… ou alors cela vient les bousculer dans leur identité et crée parfois des conflits.

Un atelier de spiritualité chrétienne

Même si nous le faisons encore beaucoup à partir d’intuitions et d’initiatives individuelles, nous sommes pourtant de plus en plus nombreux à tenter de proposer d’autres formes, d’autres activités plus en phase avec les attentes des « nouveaux chercheurs spirituels »: depuis quelques temps, j’anime chaque mardi un «atelier de spiritualité chrétienne» rassemblant pendant deux ans 25 personnes en recherche d’approfondissement de leur foi par l’assise en silence, la créativité et la lectio divina. Depuis six mois, un espace de spiritualité chrétienne, appelé la «maison bleu ciel» s’est ouvert au Grand-Lancy. D’autres proposent des journées d’éco spiritualité ou offrent la possibilité de vivre une spiritualité à travers la musique, le jardinage ou la créativité.

Réinventr l’avenir des Eglises

Depuis longtemps, les Eglises cherchent de nouveaux mots, de nouvelles formes de liturgie pour mieux rejoindre nos contemporains. Or, au lieu de les inventer soi-même, pourquoi ne pas reprendre les formes des spiritualités alternatives? Elles correspondent souvent à une redécouverte de formes plus anciennes de spiritualité chrétienne: la méditation silencieuse était pratiquée avec une grande expertise par les Pères du désert. Le corps avait beaucoup plus de place dans les formes liturgiques anciennes. Pour moi, il y a là une réponse rêvée de renouvellement de nos institutions, peut-être même une de celles que nous attendions depuis longtemps. Je crois que c’est peut-être là que va se réinventer l’avenir du Christianisme en Occident, un avenir où les différences confessionnelles n’auront simplement plus de sens.[print-me]


Nils Phildius est pasteur et formateur d’adultes de l’Eglise protestante de Genève. Il anime dans cette ville un «atelier de spiritualité chrétienne».

 

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La pastorale des foyers mixtes https://www.revue-sources.org/pastorale-foyers-mixtes/ https://www.revue-sources.org/pastorale-foyers-mixtes/#comments Tue, 07 Feb 2017 14:53:06 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=2111 [print-me]Jean-Baptiste Lipp s’est marié en 1987 avec Dominique Lehner, pianiste de confession catholique, qui lui donnera trois enfants. La même année, il recevait la consécration pastorale à Lausanne et prenait son premier poste à la paroisse réformée de Fribourg … jusqu’en 2004, année du déménagement de la famille à la cure de Belmont-sur-Lausanne. En marge de son ministère en paroisse, le pasteur Lipp découvre, avec son épouse, le mouvement des Foyers Mixtes, et s’y engage, notamment à l’école du Père René Beaupère du Centre Saint-Irénée de Lyon.

A la suite du 2ème Rassemblement mondial des Familles interconfessionnelles à Rome en 2003, dont il a été l’un des animateurs, il est appelé à devenir l’aumônier protestant de l’AFI-CH (Association des Foyers Interconfessionnels de Suisse).

Et voici qu’en fin d’année 2016, Jean-Baptiste Lipp nous fait savoir que l’Association de Familles Interconfessionnelles dont il est co-fondateur et aumônier protestant envisage sa disparition. Nos Eglises, constate-t-il avec une certaine amertume, n’ont plus aucun intérêt sur la question et les couples non plus…

Sur sa proposition, nous nous proposons de reprendre ce qu’il a rédigé en 2013 pour la revue Itinéraires, sous forme de thèses et antithèses, laissant encore ouvertes des réponses pour l’heure inaudibles.


Lépreux oubliés!

Avril 2008. Le Comité de l’Association des Familles Interconfessionnelles de Suisse a franchement l’impression de «pédaler dans le yoghourt», après quatre années d’existence. Il devient urgent … de s’arrêter! Retraite du Comité au Monastère œcuménique de Bose. Frère Guido nous encourage à persévérer dans un esprit de non rentabilité… Je joue les prolongations de cette retraite de couples, en passant une semaine de retraite individuelle au Monastère de la Maigrauge. Ce d’autant qu’un Conseiller synodal de mon Eglise m’a interpellé, en ces termes, sur l’affaire des foyers mixtes: «Explique-moi ce dossier? N’est-ce pas trop tard? N’a-t-on pas manqué quelque chose dans nos Eglises?

Je rédige, en dix points, les raisons de tout arrêter en matière de pastorale et de mouvement des foyers mixtes. Un inventaire et un argumentaire de deux pages! C’est comme une croix faite sur un idéal. Puis je riposte, point par point, et trouve, dix raisons de continuer. Quatre pages. Je partage le résultat de mon bilan avec mon Comité de l’AFI-CH, mon Conseiller synodal et quelques oecuménistes. On ne me donnera pas pour autant un mandat officiel pour creuser ou défendre le dossier… Une collègue aura cette jolie formule pour éclairer le silence institutionnel autour des foyers mixtes: «L’œcuménisme et l’interreligieux, c’est un peu comme la lèpre et le sida. Depuis qu’il y a la nouveauté des défis autour du sida, on oublie ceux de la lèpre…» Les foyers mixtes seraient-ils donc ces lépreux oubliés, à l’ombre des couples interreligieux? Extraits choisis et retravaillés de quelques thèses et antithèses.

La reconnaissance mutuelle du baptême

Thèse

Les Eglises catholique et protestantes de Suisse peuvent considérer qu’elles ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour faciliter les choix et la vie des foyers mixtes. Et c’est en effet énorme: reconnaissance mutuelle du baptême (1973), assouplissement du Droit canon qui demande au conjoint catholique de faire tout son possible pour que les enfants soient baptisés et éduqués dans l’Eglise catholique. Dans la bonne tradition helvétique de la paix confessionnelle, les Eglises contribuent à une certaine «paix des ménages» pour les mariages mixtes. Mais elles cherchent également à garantir la paix de leurs ménages à elles, en enjoignant les foyers mixtes d’insérer leurs enfants dans une seule confession (1987)*.

Antithèse

En ces temps d’oubli des acquis œcuméniques et de retours identitaires – et ce malgré le «supermarché du religieux» où chacun se recompose son itinéraire spirituel – il n’est pas certain du tout que les couples mixtes soient dûment informés, par leur prêtre et/ou leur pasteur, de la reconnaissance mutuelle du baptême! Pas davantage de l’adaptation du Droit canon en Suisse! Il n’est pas impossible que la mixité confessionnelle soit même l’une des causes d’abandon du projet de baptiser et d’éduquer dans la foi chrétienne: «C’est notre enfant qui choisira!». Il vaut donc la peine de revisiter le potentiel œcuménique de la reconnaissance mutuelle du baptême. Ce que la Fédération des Eglises Protestantes de Suisse et la Conférence des Evêques Suisses ont récemment décidé de faire au sein de leur Commission de dialogue. Il s’agira non seulement de faire sortir cet accord d’un certain oubli, mais encore d’en dégager de possibles extensions: si le baptême est vraiment reconnu d’une Eglise à l’autre, que reste-t-il à reconnaître, par exemple dans les domaines de l’Eucharistie ou des Ministères? Les couples mixtes peuvent-ils officiellement communier ensemblesans transgresser ?

D’une Eglise à l’autre

Thèse

La pastorale auprès des foyers mixtes devrait, aux yeux des Eglises, se limiter à l’accompagnement temporaire de couples aux prises avec une décision ponctuelle. Pour des raisons ecclésiologiques, la meilleure nouvelle qui soit, pour les institutions, c’est qu’un couple finisse par se décider pour une seule Eglise. Pour des raisons pratiques, ayant de plus en plus de travail sur le terrain et de moins en moins de forces pour l’accomplir, les Eglises n’ont plus de temps à perdre en déléguant des prêtres et des pasteurs dans le suivi de gens qui voudraient cultiver une quelconque double appartenance ou explorer des voies non prévues. Les priorités des Eglises sont ailleurs. Celles des couples mixtes aussi, pour qui la question œcuménique est trop complexe ou alors non pertinente.

Antithèse

Si les Eglises ont pris la co-responsabilité de célébrer des mariages, n’ont-elles pas à en assumer la suitedans la durée? Les Eglises sont censées offrir des outils aux couples mixtes pour les «temps de crise» (krisis = décision): où et comment se marier? où et comment baptiser? etc… Mais qu’en est-il du chemin de vie et de foi entre les temps forts: fréquentation du culte et/ou de la messe? catéchisme? Dans le Canton de Vaud, les deux Eglises ont développé une confiance mutuelle telle, qu’elles admettent des missions communes dans certains secteurs (aumôneries, etc…). Pourquoi ne pas officialiser une sorte de «mission commune» pour les foyers mixtes? Pourquoi ne pas reconnaître pleinement une «mission commune» par les foyers interconfessionnels, considérés, sans gêne ni honte, comme capables d’aller et venir d’une Eglise à l’autre, avec la liberté prophétique des brebis du bon Berger (Jean 10, 9)?

Bilingue de la foi?

Thèse

L’idée selon laquelle une famille pourrait être bi-confessionnelle est fallacieuse! Surtout chez les enfants. Les «yeux vairons» sont une anomalie! Les lois des Eglises, tout comme celles de la nature, démontrent bien que l’identité chrétienne doit être assumée dans le choix d’une seule confession. Le projet de faire d’un enfant un «bilingue de la foi» est voué à l’échec. Dans le meilleur cas, il finira pour vouloir camper – et parfois dans l’oubli ou le déni de l’autre confession parentale – dans une identité confessionnelle unique et claire. Ce qui arrange bien les Eglises…

Antithèse

Les Eglises pensent rendre service aux couples en leur demandant de ne pas placer leurs enfants «entre deux chaises» (cf Document cité en note. Dans bien des cas, le conseil s’avère utile et pratique. Cependant, aussi longtemps que les mêmes Eglises demandent aux futurs parents de faire un choix confessionnel clair pour les enfants à venir, tout en leur demandant de sensibiliser leur progéniture à l’autre confession, il est non seulement légitime, mais encore souhaitable que soient tentées et même encouragées des expériences de double catéchèse ou de double insertion. Cela permettrait aux enfants de se sentir à la maison dans l’une et l’autre Eglise, y apprenant règles, rites et langages propres. De telles expériences devraient pouvoir être encouragées par les pasteurs et par les prêtres, à condition de pouvoir eux-mêmes s’appuyer sur le soutien de leurs Eglises…

Un rôle: «grandeur nature» 

Thèse

Il est illusoire de penser que les foyers mixtes de type interconfessionnel pourraient être un moteur de l’œcuménisme. Que peut la cellule, ou un petit amas de cellules, par rapport à l’unité d’un corp soit disant malade? L’œcuménisme est une chose trop sérieuse, institutionnelle et théologique pour le laisser prendre en charge par de simples laïcs. Les foyers mixtes n’ont plus aucune contribution originale à apporter au mouvement œcuménique.

Antithèse

Nos Eglises font comme si leurs tissus étaient homogènes, ce qu’ils sont de moins en moins. Si l’Eglise catholique a tendance à problématiser la question des mariages mixtes sans penser pouvoir leur donner davantage de solutions au nom d’une ecclésiologie haute et auto satisfaisante (notamment en matière d’hospitalité eucharistique), les Eglises réformées ont tendance à considérer que le problème n’en est plus un, et cela, au nom d’une ecclésiologie basse et également auto satisfaisante. Or il est de plus en plus insoutenable, pour certaines familles inter-confessionelles conscientes de leur identité d’«Eglises domestiques», de ne pas être reconnues à part entières dans leur ecclésialité par les uns, et de voir que les autres banalisent la pertinence du débat ecclésiologique. Les familles inter-confessionnelles et leurs associations ne seront toujours que des seconds rôles dans le grand et long drame du mouvement œcuménique, mais ils n’en ont pas moins un rôle à jouer: un rôle … grandeur nature!

Note.- Document de la Fédération des Eglises Protestantes de Suisse et de la Conférence des Evêques Suisses intitulé «Baptême et insertion ecclésiale»[print-me]

(Texte repris de la revue Itinéraires, No.69, 209-2010)


Jean-Baptiste Lipp

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Genève: la perspective œcuménique de l’AOT https://www.revue-sources.org/geneve-perspective-oecumenique-de-laot/ https://www.revue-sources.org/geneve-perspective-oecumenique-de-laot/#comments Tue, 07 Feb 2017 14:46:41 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=2107 [print-me]L’Atelier œcuménique de théologie a été fondé en 1972 par des théologiens protestants et catholiques, dans le souffle qu’a apporté Vatican II. Leur projet fut de rendre la théologie au peuple de Dieu, ensemble, dans un projet œcuménique. Ainsi fut créé l’AOT, qui offre à des croyants de toutes les confessions une formation théologique de base sur deux ans, à raison de deux heures par semaine.

En septembre 2017 va s’ouvrir la 23ème volée de formation, sur le thème «En quête de sens, d’identité… de Dieu?».

«A» comme Atelier

La force de l’AOT, c’est d’être en perpétuel chantier: d’où l’importance de ce mot «Atelier». En effet, lors de rencontres bimensuelles, les enseignants partagent leurs réflexions théologiques et leurs idées; ils réfléchissent ensemble et élaborent leurs programmes (différents pour chaque volée) ainsi que leurs cours.

« l’AOT est un lieu privilégié où des chrétiens de diverses confessions peuvent penser ensemble »

Les participants font eux aussi «Atelier» lorsque leurs représentations de Dieu, de la Bible, de la théologie et des Eglises sont questionnées et bouleversées. En effet, durant leur parcours de formation, l’AOT leur propose une alternance entre grands groupes et petits groupes qui permet à chacun de creuser des thématiques et de participer activement au chantier.

«T» comme Théologie

L’Atelier des fondateurs connut des dialogues épiques et des confrontations, l’ecclésiologie des uns venant se cogner à celle des autres. Les controverses étaient fréquentes produisant quelques étincelles mémorables, mais le projet était d’arriver au dialogue et de faire de la théologie ensemble.

Or, qu’est-ce que faire de la théologie? N’est-ce pas élaborer une parole sur Dieu, sur l’être humain et sur son lien à Dieu?

Toute théologie étant contextuelle, l’AOT permet à chacune et à chacun de questionner sa foi – ou son manque de foi – et son lien au Dieu de la Bible. Il offre un lieu de partage et de questionnement. Il donne des outils pour chercher à comprendre ce que peut bien vouloir dire la Bible à l’être humain. Il permet d’acquérir des connaissances théologiques de base pour comprendre comment et pourquoi les concepts théologiques ont évolué au cours de l’Histoire de l’humanité.

«O» comme Œcuménisme

Dès le début de l’aventure, l’AOT a surfé sur la vague des expériences acquises par la formation et le fonctionnement du Conseil œcuménique des Eglises et celle des ouvertures du Concile Vatican II, pour développer une réflexion de fond sur l’œcuménisme et sur l’identité de chaque confession.

Il s’agit pour les participants de quitter des préjugés sur l’«autre», mais aussi de questionner ses propres racines. Tout cela se vit dans un grand respect pour la diversité des traditions de chacun.

Quant aux enseignants, fonctionnant toujours en binômes de confession différente, ils cherchent ensemble, dans un dialogue constructif, même s’il est parfois musclé. Ensemble, ils approfondissent les points de friction pour comprendre et chercher à faire comprendre pourquoi le christianisme est si divers depuis les origines, et pourquoi l’unité n’est pas encore une réalité…Ils ne travaillent plus aujourd’hui dans la confrontation des débuts, mais dans une recherche commune de compréhension, en cherchant notamment à analyser les facteurs qui ont amené les divisions. Où en est l’AOT actuellement dans son projet œcuménique?

Où en est l’œcuménisme aujourd’hui?

Au début du mouvement oecuménique, des idéalistes visionnaires ont pensé pouvoir régler très vite les différents existants entre les Eglises. Avec beaucoup d’espoir ils ont été des pionniers, espérant voir se réaliser rapidement une unité visible. Ces premiers ouvriers de l’œcuménisme se sont mis en route pour que les différentes Eglises non seulement se côtoient, mais se parlent. Aujourd’hui ils sont déçus, car ils mesurent la réalité à leurs attentes: l’unité visible n’est pas réalisée…

Jean-Paul II et Benoît XVI ont introduit une lecture moins ouverte et courageuse des textes de Vatican II. Le protestantisme a connu des luttes intestines entre une lecture traditionnelle et une lecture plus libérale de sa doctrine et de sa pratique. Les Eglises orthodoxes ont oscillé entre une ouverture vers le monde chrétien et une crispation sur leur propre ecclésiologie. Tout cela a mis des limites au développement oecuménique et créé des mouvements de replis identitaires dans toutes les Eglises. Actuellement l’œcuménisme n’est qu’une option face à des mouvements conservateurs.

Pourtant, de nombreuses expériences œcuméniques à différents niveaux font sens pour les chrétiens. L’œcuménisme est un donné au-delà des discussions théologiques et des écueils.

La Commission Foi et Constitution du COE et le groupe des Dombes, par exemple, ont élaboré des documents prophétiques, comme le BEM (Baptême-Eucharistie-Ministère), documents qui ont été très loin dans les propositions théologiques concrètes. Dans le monde protestant, ces documents ont permis des accords entre certaines traditions. Des dialogues bilatéraux ont permis d’obtenir des résultats incroyables…Il suffit de penser à l’accord sur la justification entre catholiques et luthériens.

Mais, malgré ces succès, le dialogue semble aujourd’hui bloqué. L’Histoire reste encore et toujours un obstacle, et les héros des uns demeurent les hérétiques des autres…

Quel œcuménisme à l’AOT?

Dans ce contexte, l’AOT est un lieu privilégié où des chrétiens de diverses confessions peuvent penser ensemble, élaborer ensemble, dans une vivifiante vitalité du quotidien.

L’AOT est un microcosme dans le paysage chrétien et œcuménique actuel. Il a suivi le chemin de l’œcuménisme global et mondial qui n’est plus à la recherche d’une unité uniforme, mais d’une unité dans la diversité. Ainsi la recherche d’une diversité réconciliée permet de s’émerveiller de la richesse des autres. En ce temps où aucune Eglise n’est capable de reconnaître l’ecclésiologie de l’autre, l’AOT est un lieu où la reconnaissance du charisme de l’autre devient possible, dans une réflexion sur ce que ce charisme dit de l’ecclésiologie de l’autre.

L’AOT est un laboratoire de sens où, tant les enseignants que les participants, font l’expérience de l’autre, posent des questions pertinentes et impertinentes, mais où personne ne cherche à donner une solution œcuménique finale.

C’est une école qui bouleverse. Et parfois ce bouleversement rend compliqué le retour des participants dans certaines paroisses qui ne répondent plus à leurs attentes, suite aux découvertes qu’ils ont faites durant leur parcours. Beaucoup s’engagent alors dans des lieux ecclésiaux divers et y témoignent de la richesse de leur expérience.

Aujourd’hui, l’AOT continue à défricher des chemins et à accompagner des personnes en recherche, à tisser des liens entre les chrétiens, à permettre un dialogue toujours plus riche et respectueux, à vivre une réelle expérience œcuménique.

Et le projet œcuménique de l’AOT?

Parler de Dieu…parler sur Dieu… parler à Dieu… ensemble
Parler de ses représentations de Dieu… ensemble
Parler de sa rencontre avec des textes qui parlent de Dieu…ensemble
Parler de son expérience de Dieu, du Dieu de Jésus-Christ… ensemble
Ecouter ensemble… un Dieu qui parle à l’être humain… ensemble
Ecouter ensemble…des théologiens qui parlent de Dieu… ensemble
Ecouter l’autre partager son expérience de Dieu… ensemble
Dialoguer ensemble, se questionner ensemble, célébrer ensemble[print-me]


Les inscriptions pour la 23ème volée sont ouvertes.
Plus d’information sur le site internet www.aotge.ch.


Anne Deshusses-Raemy et Georgette Gribi sont les deux co-directrices, catholique et protestante, de l’Atelier Oecuménique de Théologie (AOT) de Genève.

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Œcuménisme: un chemin genevois https://www.revue-sources.org/oecumenisme-chemin-genevois/ https://www.revue-sources.org/oecumenisme-chemin-genevois/#respond Tue, 07 Feb 2017 14:32:22 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=2102 [print-me]Quel chemin prendre ensemble pour aller vers l’unité? J’ai le sentiment que l’on ne peut répondre à cette question que de manière locale. Or Genève est un «laboratoire» particulier. Pour toutes sortes de raisons, des populations du monde entier y sont présentes. Dans ce creuset de cultures, beaucoup de chrétiens. Si trois Eglises sont reconnues officielles, aujourd’hui les communautés présentes à Genève sont beaucoup plus nombreuses et avec des vitalités différentes.

La joie des retrouvailles

Il n’est pas si loin le temps où, à Genève, on s’ignorait et parfois même on se combattait. Chacun, convaincu d’être dans le vrai, ne s’intéressait guère à ceux qui se trouvaient dans l’erreur. Puis, vint le temps de la découverte réciproque. Des initiatives étaient prises ensemble. Pour se connaître d’abord.

« Y a-t-il aujourd’hui au sein des Eglises un «travail théologique» qui ose affronter des thèmes de fond et pas seulement des questions pastorales ou morales? »

Je me souviens des «pique-niques œcuméniques»: sortie, détente et un temps de prière commune. Puis vint la nécessité d’organiser ensemble des présences d’aumôneries, suivies de l’initiative audacieuse d’un centre de catéchèse œcuménique. Dans les paroisses ce fut le souci commun de venir en aide aux personnes en difficulté ou d’être présent dans des milieux de moins en moins intéressés par une vie de foi. Ce furent des années d’enthousiasme, une respiration nouvelle. Pour les catholiques, dans l’élan du Concile Vatican II, un engagement à une présence commune dans la société. Numériquement majoritaires, mais culturellement minoritaires, nous sentions qu’ensemble nous tirions à la même corde. Des rencontres fraternelles et chaleureuses nous donnaient l’impression d’avoir dépassé des siècles de tensions inutiles. On en vint à penser que plus rien ne nous divisait.

 Le temps du questionnement

Cet enthousiasme est retombé. Certes, quantité d’initiatives continuent d’exister, mais l’enthousiasme n’est plus là. Beaucoup d’activités communes se poursuivent naturellement, mais des signes de fatigue se font sentir. Des groupes ont peine à se renouveler et donc à survivre. Y a-t-il encore des moments et des lieux privilégiés où les chrétiens de cette ville aiment se retrouver? Dans certains quartiers, les lieux de cultes se côtoient sans que les fidèles ne se rencontrent. En prenant un peu de distance, ne doit-on pas se réjouir malgré tout du chemin parcouru et de voir naître de nouvelles initiatives communes au service de nos quartiers et de la cité? Peut-on imaginer de nos jours un service d’accueil de réfugiés qui ne serait pas interconfessionnel?

Des chrétiens de partout

L’élément nouveau est la présence et l’organisation progressive de diverses Eglises et communautés chrétiennes nouvelles venues dans le paysage genevois. La présence chrétienne à Genève est donc infiniment plus diversifiée aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a cinquante ans. Les Eglises chrétiennes historiques doivent cohabiter avec les nombreuses communautés évangéliques. Les langues pratiquées pour la prière et la prédication sont, elles aussi, nombreuses. La question culturelle se pose de manière nouvelle. Avec un souci d’intégration, mais aussi avec le désir de ne pas perdre des racines importantes pour vivre et exprimer sa foi.

Le temps de l’approfondissement

Le risque identitaire existe toujours dans l’expression de la foi. Mais des rencontres fraternelles et chaleureuses entre chrétiens de diverses entités sont aussi concrètement vécues dans le contexte genevois. Le RECG (Rassemblement des Eglises et Communautés Chrétiennes de Genève) réunit 27 communautés chrétiennes dans un climat de confiance et avec un grand désir de cheminer ensemble. Mais si ce qui unit est plus grand que ce qui divise, il n’en demeure pas moins que certaines clarifications sont indispensables. Un mois avant sa mort, Paul VI se réjouissait d’avoir vu le «dialogue de communion se développer», mais il se réjouissait encore plus de «pouvoir commencer le vrai dialogue théologique»[1].

Où se fait-il ce dialogue théologique? Au niveau des autorités des Eglises, selon leur compétence, au niveau des théologiens et des spécialistes, mais encore au niveau de ceux qui se sont engagés à la suite du Christ dans une vie de prière, de service et de prédication, chacun selon sa vocation. Enfin, ce dialogue est celui du peuple de Dieu qui s’enrichit des différences, tout en restant fidèle à des traditions dans lesquelles il voit l’action de l’Esprit. Pourtant, la question reste posée: y a-t-il aujourd’hui au sein des Eglises un «travail théologique» qui ose affronter des thèmes de fond et pas seulement des questions pastorales ou morales? Des thèmes comme celui de l’Eglise ou de l’«Eucharistie» ou de la «Cène» ou – pour éviter les problèmes – du «Repas du Seigneur» (I Cor 11,20) sont-ils envisageables dans nos rencontres? A Genève, des initiatives comme celle de l’Atelier Œcuménique de Théologie (AOT) relèvent ce défi. Elles rejoignent quantité d’autres démarches qui, proches de nous, donnent le ton de manière prophétique et persévérante, comme celle de Taizé ou de Bose, pour ne citer que les plus connues.

Il est probable qu’il nous faille changer de mentalité face au chemin qui se dessine devant nous. Il ne s’agit pas tant de chercher l’unité des chrétiens que l’unité chrétienne, celle que Jésus demande au Père pour que nous soyons «un», «comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi». L’unité n’est pas l’uniformité, mais un mystère de communion. A ce niveau, rien n’est négociable, mais tout peut être partagé.[print-me]


Marc Passera est né et a grandi à Genève, ville où il exerce la charge de curé de la paroisse de Chêne-Thônex.

[1] MAHIEU, Frère Patrick, Paul VI et les orthodoxes, Cerf, Paris, 2012, p. 234

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