Revue Sources

[print-me]Durant des décennies, des hommes et des femmes ont cherché un chemin d’œcuménisme au milieu des formes traditionnelles de nos Eglises: comment concilier l’accent mis sur l’exégèse et la réflexion du côté protestant avec l’insistance placée sur la liturgie et les sacrements du côté catholique?

Ensemble avec la Parole

Et puis, il y a déjà plus de vingt ans, on a vu apparaître un intérêt commun pour des formes de lecture priée de la Bible, dépassant les sensibilités confessionnelles habituelles: la lectio divina d’abord – en Suisse romande sous le nom d’«école de la Parole» -, puis les semaines de retraites spirituelles selon les Exercices ignaciens. Ces deux méthodes permettent de vivre une expérience: celle d’une proximité avec Dieu, de manière immédiate et sans autre intermédiaire que la Parole elle-même. On y développe une dynamique du cœur à cœur avec Dieu: Il me rencontre, Il me parle et je peux Lui répondre. Et quand on est sur le chemin d’une relation personnelle avec Dieu, on remarque vite qu’on est tous semblables et que les différences de nos appartenances confessionnelles n’ont plus d’importance.

« Est-ce que l’œcuménisme trouverait un nouveau souffle en-dehors même des institutions ou aux marges de celles-ci? »

Ces démarches sont d’ailleurs suivies tant par des catholiques que par des protestants réformés, et on y voit même de plus en plus des salutistes ou d’autres protestants de sensibilité évangélique. On peut donc se poser la question: Est-ce que la spiritualité serait le nouveau nom de l’œcuménisme en qui se retrouvent confondus les chrétiens appartenant aux diverses confessions?

On peut même aller plus loin: est-ce que l’œcuménisme trouverait un nouveau souffle en-dehors même des institutions ou aux marges de celles-ci? Je veux parler des nouvelles formes de spiritualité alternatives en lien avec la foi chrétienne. Quelques mots d’explication:

Spiritualités alternatives

Je ne suis pas le seul à constater que pour beaucoup de croyants les formes ecclésiales traditionnelles ont perdu de leur pertinence. Elles ne répondent plus à leurs besoins et ne sont plus suffisantes pour opérer un réel renouvellement de l’être. Elles ne nourrissent plus suffisamment leur cheminement, leurs questionnements et leur désir d’engagement. Beaucoup s’éloignent donc des institutions mais s’intéressent par contre à de nouvelles formes pour vivre leur spiritualité mettant en avant l’expérience personnelle: méditation (de pleine conscience), créativité, art, expression corporelle, pratiques thérapeutiques, éco-spiritualité, etc. que l’on peut qualifier de « formes de spiritualités alternatives » – et certains cherchent à les articuler à leur foi chrétienne.

Plutôt que de se laisser dépasser, il serait essentiel, à mon avis, que les Eglises investissent ensemble beaucoup plus de forces dans des propositions qui peuvent rejoindre ces personnes en recherche, ceci dans une logique « d’économie mixte » – c’est à dire sans pour autant déprécier les formes traditionnelles qui gardent toute leur valeur pour un certain public. Pour l’instant, les autorités de nos Eglises peinent encore à entendre et à comprendre cette évolution et à vraiment la prendre en considération. Pour les paroisses et les régions, c’est encore un « continent inconnu »… ou alors cela vient les bousculer dans leur identité et crée parfois des conflits.

Un atelier de spiritualité chrétienne

Même si nous le faisons encore beaucoup à partir d’intuitions et d’initiatives individuelles, nous sommes pourtant de plus en plus nombreux à tenter de proposer d’autres formes, d’autres activités plus en phase avec les attentes des « nouveaux chercheurs spirituels »: depuis quelques temps, j’anime chaque mardi un «atelier de spiritualité chrétienne» rassemblant pendant deux ans 25 personnes en recherche d’approfondissement de leur foi par l’assise en silence, la créativité et la lectio divina. Depuis six mois, un espace de spiritualité chrétienne, appelé la «maison bleu ciel» s’est ouvert au Grand-Lancy. D’autres proposent des journées d’éco spiritualité ou offrent la possibilité de vivre une spiritualité à travers la musique, le jardinage ou la créativité.

Réinventr l’avenir des Eglises

Depuis longtemps, les Eglises cherchent de nouveaux mots, de nouvelles formes de liturgie pour mieux rejoindre nos contemporains. Or, au lieu de les inventer soi-même, pourquoi ne pas reprendre les formes des spiritualités alternatives? Elles correspondent souvent à une redécouverte de formes plus anciennes de spiritualité chrétienne: la méditation silencieuse était pratiquée avec une grande expertise par les Pères du désert. Le corps avait beaucoup plus de place dans les formes liturgiques anciennes. Pour moi, il y a là une réponse rêvée de renouvellement de nos institutions, peut-être même une de celles que nous attendions depuis longtemps. Je crois que c’est peut-être là que va se réinventer l’avenir du Christianisme en Occident, un avenir où les différences confessionnelles n’auront simplement plus de sens.[print-me]


Nils Phildius est pasteur et formateur d’adultes de l’Eglise protestante de Genève. Il anime dans cette ville un «atelier de spiritualité chrétienne».

 

Je trouve la phrase « réinventer l’avenir des églises » très inquiétante. Les églises sont des communautés chrétiennes acceptant une certaine hiérarchie. Les membres de ces communautés doivent, en théorie, faire confiance à cette hiérarchie pour les guider. N »est-il pas le devoir des personnes au sommet pyramidal de ces hiérarchies de faire face à l’avenir ? Est-il nécessaire que les membres qui ne sont pas toujours d’accord avec la hiérarchie aille réinventer l’avenir en fondant de nouvelles approches communautaires comme celle proposée ici ? Si l’église à laquelle je décide de faire adhésion montre des fissures, c’est ma responsabilité de montrer du doigt ces fissures, et de contribuer à les réparer, sans quitter en tout hâte le bâtiment qui vieillit !


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