Revue Sources

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Depuis quelques mois, un projet futuriste sème le trouble dans le landernau académique et politique fribourgeois. Il semblerait que les imams en fonction sur le territoire helvétique seraient désormais formés dans le cadre de la faculté de théologie de l’Université de Fribourg dont le Maître de l’Ordre des Prêcheurs est grand chancelier. Emoi jusque dans les rangs du Grand Conseil fribourgeois (assemblée législative) dont certains députés se scandalisent de voir détournés au profit de l’islam les objectifs et les fonds de cette institution reconnue jusque là comme catholique et soutenue par une collecte organisée dans les paroisses catholiques du pays. Une conférence de presse a même précisé que le projet serait mis en place progressivement à partir de la prochaine rentrée universitaire.

Dans le but de dissiper les malentendus, notre rédaction a préféré s’enquérir auprès du rectorat de l’Université. Cette charge repose depuis quelques années sur les épaules du frère dominicain Guido Vergauwen, lui-même professeur à la faculté de théologie. Nous reproduisons ci-dessous son éclairage et nous l’en remercions.

Le projet dont il est question a comme nom «Centre Suisse Islam et Société». Il ne s’agit donc pas d’un «centre de formation des imams» qui aurait nécessité une faculté qui enseigne le Coran et toutes ses traditions interprétatives. Nous parlons plutôt d’une formation continue, pour des imams certes, mais orientée vers leur intégration dans la société suisse, son histoire, ses traditions sociales et culturelles, et religieuses bien sûr.

Il ne s’agit donc pas d’un «centre de formation des imams».

Mais on songe aussi aux personnes qui accompagnent les communautés musulmanes, les professeurs de religion par exemple.

Les compétences de la faculté de théologie ne seront donc pas les seules à être sollicitées, mais aussi celles de nos juristes, de nos pédagogues, de nos sociologues… Ce sera un centre interfacultaire qui fédérera toutes ces compétences. Un coordinateur sera choisi disposant d’une formation théologique avec spécialisation en éthique sociale et connaissant très bien les enjeux de l’islam. Ce sont nos partenaires musulmans, ceux qui ont contribué à la conception de ce projet, qui ont insisté pour que le futur Centre comprenne un ou deux experts de dialogue théologique, mais ouverts aux questions sociales qui intéressent les communautés musulmanes de Suisse. Les musulmans résidant en Suisse proviennent pour une large part de l’immigration, mais commencent à se poser des questions d’insertion, en particulier ceux qui appartiennent à la deuxième et troisième génération. Il est donc important que le coordinateur du projet soit rattaché à la faculté de théologie.

Dans un premier temps, un enseignant musulman sera intégré au Centre avec le statut de professeur invité. Le coordinateur sera son partenaire direct de dialogue. Nous pourrons ainsi offrir aux non-musulmans intéressés des connaissances de première main sur l’islam. Leurs activités professionnelles les mettent déjà en contact permanent avec des musulmans, par exemple dans les hôpitaux, les prisons, le travail social ou l’administration publique. Cette présence musulmane permettra aussi à terme aux étudiants musulmans qui fréquentent notre université d’approfondir leur religion et même de produire des travaux de séminaire dans ce domaine. Nous ne voulons donc pas orienter ce Centre vers une approche «neutre» de l’islam, comme le feraient les sciences des religions déjà enseignées à l’université. Le projet a donc une coloration explicitement théologique, tant pour nos partenaires musulmans que pour certains enseignants de notre faculté de théologie appelés à contribuer aux activités du Centre.

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Le frère Guido Vergauwen

Le frère Guido Vergauwen

Guido Vergauwen, dominicain, est professeur ordinaire de théologie fondamentale. Depuis 2007, il est également recteur de l’Université de Fribourg.

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