Revue Sources

Le discernement vocationnel est au cœur du document préparatoire en vue du prochain synode des évêques. Il est intéressant de relever que le titre de ce document porte sur le «discernement vocationnel» et non pas la «pastorale des vocations», vocabulaire auquel recourent les différents textes abordant le sujet de la vocation. Il s’agit donc d’envisager la pastorale vocationnelle comme un accompagnement des jeunes, accompagnement qui offre les outils et le contexte favorisant un vrai discernement.[print-me]

Cette différence de vocabulaire nous invite à repenser la pastorale des vocations sous un nouvel angle. La pastorale des vocations est parfois réduite à la simple interpellation; elle considère comme acquis le fait que la communauté chrétienne, le plus souvent la communauté paroissiale, offre les fondamentaux que sont la transmission de la foi et l’expérience ecclésiale, terreau indispensable à l’éveil des vocations.

Consciente de ces exigences fondamentales, la pastorale de vocations est d’ailleurs tentée d’identifier les différents lieux ecclésiaux dans lesquels il vaut la peine de chercher les vocations; cela peut d’ailleurs tourner à l’émergence de «réseaux vocationnels». Peut apparaître alors le danger de réduire les critères de discernement aux seules caractéristiques des jeunes appartenant à ces milieux identifiables.

« L’Eglise veut veiller sur les jeunes qui sont en situation de croissance et de construction de soi »

Or le document préparatoire change cette perspective: la pastorale des vocations n’a pas à se contenter d’adresser un appel à des jeunes à peu près préparés à répondre, mais elle doit offrir un discernement à tous les jeunes qu’elle rencontre pour leur permettre d’ouvrir leur cœur à l’accueil de la volonté de Dieu, quelle que soit la forme dans laquelle cette volonté divine s’exprimera concrètement. Il n’est pas question d’opposer la vocation au mariage et la vocation à la vie consacrée, il n’est pas question non plus d’opposer la vocation baptismale à la vocation presbytérale ou religieuse: il s’agit bien d’envisager l’existence de chaque jeune comme le lieu d’accueil de la vocation que Dieu veut lui donner. Cette nouvelle perspective repose sur deux principes auquel le pape François se réfère souvent[1]: la temps est supérieur à l’espace, la réalité est plus importante que l’idée.

Un accompagnement, pourquoi?

Cela suppose alors que la pastorale de l’Eglise auprès des jeunes se comprenne comme un accompagnement dans le temps et non pas comme la proposition d’événements ponctuels dont on mesurerait le succès au nombre de participants. Un processus d’accompagnement apparaît pertinent dans un monde qui – ainsi que le relève le document préparatoire[2]– expose les jeunes à milles solitudes et exclusions par le contexte de fluidité et d’incertitude qui caractérise les milieux dans lesquels ils grandissent.

Dans ce contexte, la pastorale a pour mission de familiariser les jeunes avec le mystère de communion qu’est l’Eglise et de les inviter à poser un regard intégral sur la réalité. L’Eglise veut veiller sur les jeunes qui sont en situation de croissance et de construction de soi: c’est une œuvre d’éducation qui ne se réalise que dans le moyen et long terme. C’est le regard de la foi qui est à la source du discernement des vocations: dans ce contexte l’Eglise a à retrouver un langage qui sache manifester la cohérence de la foi et de la vie chrétienne.

Enfin, l’accueil d’une vocation se fait progressivement: il a lieu au cœur même des facultés de l’être humain et dans les dimensions intimes et existentielles de la vie: intelligence, volonté, affectivité, découragements, attachements, des réalités qui sont très sollicitées par d’autres «esprits» dans la société[3]. La construction de ces différentes dimensions s’opère dans le temps.

Les enjeux du synode

Ainsi apparaissent plusieurs enjeux à la lecture du document préparatoire au synode. Le premier est de former des prêtres, religieux et agents pastoraux laïcs qui soient des accompagnateurs. Non seulement en leur donnant les différents outils que proposent les différentes formes d’accompagnement qui existent déjà dans la pastorale, mais en fondant la formation à l’accompagnement sur l’écoute – écoute de la Parole de Dieu et écoute des autres – et en référence constante à sa propre expérience d’être ou d’avoir été accompagné. Celles et ceux qui sont actifs dans la pastorale avec les jeunes doivent concevoir leur ministère d’accompagnement dans l’élan du don de soi qui caractérise la charité pastorale afin de ne pas s’emparer de la foi et de la vocation de jeunes, mais bien de l’accompagner: il s’agit d’un accompagnement spirituel. Le document préparatoire évoque des «croyants qualifiés» et des pasteurs.

Le deuxième enjeu pourrait être celui de «sortir des schémas préétablis»[4], notamment pour «apprendre le style de Jésus qui passe dans les lieux de la vie quotidienne, qui s’arrête sans hâte»[5]. Un pasteur contribue à l’édification d’une communauté chrétienne en cheminant et non en s’installant. Le thème est cher au pape François[6] qui invite les disciples missionnaires à «sortir», signe qu’ils vivent d’une liberté intérieure qui leur donne de ne pas s’enfermer dans les préoccupations habituelles pour s’ouvrir à une approche de la foi toujours plus attentive aux situations particulières des personnes. Et cela demande d’avoir la disponibilité de pourvoir passer du temps avec les jeunes pour éveiller le désir de vie qui sommeille au fond de leur cœur.

Sortir des chemins établis consiste aussi – et ce pourrait être le troisième enjeu – à ne pas se contenter d’une pastorale de guichet, ni d’une pastorale faite d’activités «qui marchent» parce qu’elles rencontrent un certain succès de fréquentation mais qui ne sont pas inscrites dans un processus de croissance. Annoncer et accompagner, stimuler la croissance et consolider l’approfondissement[7]: telle est la dynamique de ce processus qui veut servir un chemin de croissance. Ce processus ne se réduit pas simplement à l’activité pastorale de celles et ceux à qui l’Eglise confie un ministère, car elle est aussi l’œuvre des différents membres des communautés chrétiennes. Oui, il s’agit vraiment d’une conversion de la pastorale.


L’Abbé Nicolas Glasson est vicaire épiscopal dans le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg, plus particulièrement chargé de la pastorale, du discernement et de l’accompagnement des vocations. Il est également directeur du séminaire diocésain.


[1] Cf. Pape François, Evangelii gaudium nos 222 et 231; Amoris laetitia no3; Document préparatoire III, 4.
[2] Cf. Document préparatoire I, 1.
[3] Cf. Document préparatoire, II, 1.
[4] Document préparatoire III, 1.
[5] Pape François, Discours aux participants au Congrès de pastorale des vocations, 21 octobre 2016.
[6] Cf. Pape François, Evangelii gaudium, nos 20-24.
[7] Cf. Schönborn Ch., Entretien sur Amoris laetitia avec Antonio Spadaro, Parole et Silence/La Civiltà cattolica, Paris, 2016, p. 25.

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