Revue Sources

Rumeur dans les couloirs. Il semblerait que la fumée soit blanche ce soir sous le ciel romain. Agitations. Remue-ménage. Bruits de chaises devant le poste TV. Effectivement, un panache blanchâtre produit par un mystérieux calorifère envahit notre petit écran. Et nous voilà tout excités, oubliant notre repas, mettant à plus tard des tâches qui méritaient jusque là une impérieuse et urgente priorité. Les yeux rivés sur la loggia encore esseulée, nous nous amusons du babil du pauvre journaliste condamné à meubler le vide de… l’attente. Surtout, nous échangeons nos pronostics sur les chances respectives de nos favoris. Pour être franc, je mise davantage sur les «combinazione» cardinalices que sur la surprise du Saint-Esprit.

Je fus «déçu en bien»

Il me semble, ce conclave-ci, prendre part à la projection d’un film à suspens, plutôt qu’attendre pieusement la révélation d’une joyeuse bonne nouvelle susceptible de bouleverser le cours de ma vie. Rien à voir avec l’anxiété fébrile qui précéda l’«Habemus papam» un certain soir d’avril 2005 et, je le confesse, de la déception qui alors m’envahit. Ce soir du dernier 13 mars, échaudé, j’étais simplement un spectateur curieux et même amusé par l’événement. Comme dans les minutes qui précèdent le journal télévisé de 20 heures, un jour d’élection présidentielle chez nos amis français. Désabusé? Je ne le dirai pas. J’ai appris depuis longtemps que le sort de l’Eglise ne dépend pas d’un seul homme, fut-il évêque de Rome. Même s’il prend l’heureuse initiative de remiser au placard ses mules rouges et autres fanfreluches pontificales.

Au final, je fus «déçu en bien», selon le gai parler des Vaudois. Mon insolente indifférence fut vaincue par l’humilité d’un nouveau François, implorant pour lui notre bénédiction, avant même qu’il ne songe à nous faire part de la sienne. Un signe éloquent qui montre bien qu’un pape n’est rien sans un peuple qui prie avec lui et pour lui. J’ai donc bien fait d’attendre la révélation de son nom. Son geste prophétique m’invite à relire autrement mon code de droit canon.


Le frère dominicain Guy Musy, du couvent de Genève, est rédacteur-responsable de la revue Sources.

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