Revue Sources

[print-me]L’Atelier œcuménique de théologie a été fondé en 1972 par des théologiens protestants et catholiques, dans le souffle qu’a apporté Vatican II. Leur projet fut de rendre la théologie au peuple de Dieu, ensemble, dans un projet œcuménique. Ainsi fut créé l’AOT, qui offre à des croyants de toutes les confessions une formation théologique de base sur deux ans, à raison de deux heures par semaine.

En septembre 2017 va s’ouvrir la 23ème volée de formation, sur le thème «En quête de sens, d’identité… de Dieu?».

«A» comme Atelier

La force de l’AOT, c’est d’être en perpétuel chantier: d’où l’importance de ce mot «Atelier». En effet, lors de rencontres bimensuelles, les enseignants partagent leurs réflexions théologiques et leurs idées; ils réfléchissent ensemble et élaborent leurs programmes (différents pour chaque volée) ainsi que leurs cours.

« l’AOT est un lieu privilégié où des chrétiens de diverses confessions peuvent penser ensemble »

Les participants font eux aussi «Atelier» lorsque leurs représentations de Dieu, de la Bible, de la théologie et des Eglises sont questionnées et bouleversées. En effet, durant leur parcours de formation, l’AOT leur propose une alternance entre grands groupes et petits groupes qui permet à chacun de creuser des thématiques et de participer activement au chantier.

«T» comme Théologie

L’Atelier des fondateurs connut des dialogues épiques et des confrontations, l’ecclésiologie des uns venant se cogner à celle des autres. Les controverses étaient fréquentes produisant quelques étincelles mémorables, mais le projet était d’arriver au dialogue et de faire de la théologie ensemble.

Or, qu’est-ce que faire de la théologie? N’est-ce pas élaborer une parole sur Dieu, sur l’être humain et sur son lien à Dieu?

Toute théologie étant contextuelle, l’AOT permet à chacune et à chacun de questionner sa foi – ou son manque de foi – et son lien au Dieu de la Bible. Il offre un lieu de partage et de questionnement. Il donne des outils pour chercher à comprendre ce que peut bien vouloir dire la Bible à l’être humain. Il permet d’acquérir des connaissances théologiques de base pour comprendre comment et pourquoi les concepts théologiques ont évolué au cours de l’Histoire de l’humanité.

«O» comme Œcuménisme

Dès le début de l’aventure, l’AOT a surfé sur la vague des expériences acquises par la formation et le fonctionnement du Conseil œcuménique des Eglises et celle des ouvertures du Concile Vatican II, pour développer une réflexion de fond sur l’œcuménisme et sur l’identité de chaque confession.

Il s’agit pour les participants de quitter des préjugés sur l’«autre», mais aussi de questionner ses propres racines. Tout cela se vit dans un grand respect pour la diversité des traditions de chacun.

Quant aux enseignants, fonctionnant toujours en binômes de confession différente, ils cherchent ensemble, dans un dialogue constructif, même s’il est parfois musclé. Ensemble, ils approfondissent les points de friction pour comprendre et chercher à faire comprendre pourquoi le christianisme est si divers depuis les origines, et pourquoi l’unité n’est pas encore une réalité…Ils ne travaillent plus aujourd’hui dans la confrontation des débuts, mais dans une recherche commune de compréhension, en cherchant notamment à analyser les facteurs qui ont amené les divisions. Où en est l’AOT actuellement dans son projet œcuménique?

Où en est l’œcuménisme aujourd’hui?

Au début du mouvement oecuménique, des idéalistes visionnaires ont pensé pouvoir régler très vite les différents existants entre les Eglises. Avec beaucoup d’espoir ils ont été des pionniers, espérant voir se réaliser rapidement une unité visible. Ces premiers ouvriers de l’œcuménisme se sont mis en route pour que les différentes Eglises non seulement se côtoient, mais se parlent. Aujourd’hui ils sont déçus, car ils mesurent la réalité à leurs attentes: l’unité visible n’est pas réalisée…

Jean-Paul II et Benoît XVI ont introduit une lecture moins ouverte et courageuse des textes de Vatican II. Le protestantisme a connu des luttes intestines entre une lecture traditionnelle et une lecture plus libérale de sa doctrine et de sa pratique. Les Eglises orthodoxes ont oscillé entre une ouverture vers le monde chrétien et une crispation sur leur propre ecclésiologie. Tout cela a mis des limites au développement oecuménique et créé des mouvements de replis identitaires dans toutes les Eglises. Actuellement l’œcuménisme n’est qu’une option face à des mouvements conservateurs.

Pourtant, de nombreuses expériences œcuméniques à différents niveaux font sens pour les chrétiens. L’œcuménisme est un donné au-delà des discussions théologiques et des écueils.

La Commission Foi et Constitution du COE et le groupe des Dombes, par exemple, ont élaboré des documents prophétiques, comme le BEM (Baptême-Eucharistie-Ministère), documents qui ont été très loin dans les propositions théologiques concrètes. Dans le monde protestant, ces documents ont permis des accords entre certaines traditions. Des dialogues bilatéraux ont permis d’obtenir des résultats incroyables…Il suffit de penser à l’accord sur la justification entre catholiques et luthériens.

Mais, malgré ces succès, le dialogue semble aujourd’hui bloqué. L’Histoire reste encore et toujours un obstacle, et les héros des uns demeurent les hérétiques des autres…

Quel œcuménisme à l’AOT?

Dans ce contexte, l’AOT est un lieu privilégié où des chrétiens de diverses confessions peuvent penser ensemble, élaborer ensemble, dans une vivifiante vitalité du quotidien.

L’AOT est un microcosme dans le paysage chrétien et œcuménique actuel. Il a suivi le chemin de l’œcuménisme global et mondial qui n’est plus à la recherche d’une unité uniforme, mais d’une unité dans la diversité. Ainsi la recherche d’une diversité réconciliée permet de s’émerveiller de la richesse des autres. En ce temps où aucune Eglise n’est capable de reconnaître l’ecclésiologie de l’autre, l’AOT est un lieu où la reconnaissance du charisme de l’autre devient possible, dans une réflexion sur ce que ce charisme dit de l’ecclésiologie de l’autre.

L’AOT est un laboratoire de sens où, tant les enseignants que les participants, font l’expérience de l’autre, posent des questions pertinentes et impertinentes, mais où personne ne cherche à donner une solution œcuménique finale.

C’est une école qui bouleverse. Et parfois ce bouleversement rend compliqué le retour des participants dans certaines paroisses qui ne répondent plus à leurs attentes, suite aux découvertes qu’ils ont faites durant leur parcours. Beaucoup s’engagent alors dans des lieux ecclésiaux divers et y témoignent de la richesse de leur expérience.

Aujourd’hui, l’AOT continue à défricher des chemins et à accompagner des personnes en recherche, à tisser des liens entre les chrétiens, à permettre un dialogue toujours plus riche et respectueux, à vivre une réelle expérience œcuménique.

Et le projet œcuménique de l’AOT?

Parler de Dieu…parler sur Dieu… parler à Dieu… ensemble
Parler de ses représentations de Dieu… ensemble
Parler de sa rencontre avec des textes qui parlent de Dieu…ensemble
Parler de son expérience de Dieu, du Dieu de Jésus-Christ… ensemble
Ecouter ensemble… un Dieu qui parle à l’être humain… ensemble
Ecouter ensemble…des théologiens qui parlent de Dieu… ensemble
Ecouter l’autre partager son expérience de Dieu… ensemble
Dialoguer ensemble, se questionner ensemble, célébrer ensemble[print-me]


Les inscriptions pour la 23ème volée sont ouvertes.
Plus d’information sur le site internet www.aotge.ch.


Anne Deshusses-Raemy et Georgette Gribi sont les deux co-directrices, catholique et protestante, de l’Atelier Oecuménique de Théologie (AOT) de Genève.

Là où le bât blesse, de mon point de vue, c’est ce qui est exprimé dans la phrase : « Actuellement l’œcuménisme n’est qu’une option face à des mouvements conservateurs. »

Le jour où les leaders de nos églises respectives – qui, je crois,ne sont pas si conservateurs que cela – imposeront, dans leur programme de formation de leurs élites, une formation oecuménique de style A.O.T. ou de style Cursillo oecuménique (c’est plus rapide, 3 jours seulement), on pourra alors affirmer: « L’oecuménisme est une nécessité face à des mouvements conservateurs, et une réponse aux fondamentalisme religieux de toutes sortes ».

Je sais, je l’ai dit plus avant : « Qui va doucement, va plus sûrement, et plus loin ; et qui va trop fort, va à la mort », mais dans la vie de nos églises comme dans nos propres vies, il faut accepter de mourir un peu à ses convictions héritées de manière traditionnelle, pour renaître à quelque chose de bien plus fort ! 🙂


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