Revue Sources

[print-me]La visite du pape à Lund à l’occasion de l’ouverture du jubilé du 500ème anniversaire de la Réformation a de quoi surprendre. L’événement que représente la visite du pape François et la commémoration commune à la cathédrale de Lund du jubilé de la Réformation et du 70ème anniversaire de création de l’Alliance Luthérienne Mondiale en 1947 permet de mesurer le chemin parcouru dans le dialogue luthéro-catholique, depuis l’excommunication prononcée le 3 janvier 1521 contre Martin Luther par le pape Léon X. Il aura fallu attendre 1967 pour que catholiques et luthériens reprennent le dialogue.

Cinquante ans de dialogue

Depuis le début, l’objectif du dialogue luthérien-catholique est la recherche de l’unité visible de l’Église. La première phase du dialogue (1967–1971) avait porté principalement sur l’Évangile et l’Église. La seconde phase (1973–1984) s’était penchée sur la question de l’Eucharistie et du Ministère dans l’Église. La troisième phase (1986–1993) eut pour thème l’Église et la Justification. La quatrième phase (1995–2006) est marquée par l’année 1999 avec la Déclaration conjointe sur la Doctrine de la Justification, solennellement signée à Augsbourg, en Allemagne par la Fédération luthérienne mondiale et l’Église catholique. La Commission a poursuivi son travail en abordant le thème de l’apostolicité de l’Église.

Et maintenant?

Dans la phase actuelle du dialogue (2009 – 2017), la Commission internationale a publié en 2013 un document intitulé Du conflit à la communion: commémoration luthéro-catholique commune de la Réforme en 2017. Ce document porte sur la commémoration de 2017. Il invite les luthériens et les catholiques à relever le défi de dialoguer en débattant des questions soulevées par la Réforme de Wittenberg liées à la personne et à la pensée de Martin Luther. Une invitation à développer des propositions pour une commémoration et une appropriation de la Réforme aujourd’hui. Le programme de réforme de Luther représente un défi spirituel et théologique pour les catholiques comme pour les luthériens de notre temps. (cf. Introduction du Document §3)».

« La chance d’être une Église minoritaire est que nous découvrons la nécessité d’aller vers les autres chrétiens »

Et le Document de conclure: «Ce sera une célébration légitime des débuts de la Réforme lorsque luthériens et catholiques écouteront ensemble l’Évangile de Jésus-Christ, et se laisseront entraîner à une communion renouvelée avec le Seigneur. Ils se rassembleront alors dans une mission commune que la Déclaration commune sur la doctrine de la justification définit ainsi: «Ensemble, luthériens et catholiques ont pour but de confesser partout le Christ, de placer en lui seul leur confiance, car il est le seul Médiateur (I Tm 2,5), par lequel Dieu se donne lui-même dans l’Esprit Saint et offre ses dons» (cf. Document § 18 et §245).

Impact local de cette commémoration

Je voudrais témoigner pour ma part de l’impact local qu’a eu cet événement. La communauté catholique de Lund dans laquelle je vis comme frère dominicain comprend environ 5000 membres, la plupart issus de l’immigration. Nous sommes une Eglise jeune et très multiculturelle, avec une minorité de Suédois convertis du luthéranisme. Pour exemple, le dimanche nous célébrons la messe en suédois, en anglais, en espagnol et en polonais. Pour animer cette paroisse, nous sommes une communauté dominicaine de cinq frères. A Rögle, à dix kilomètres de Lund, se trouve aussi un monastère de dominicaines comprenant cinq sœurs.

Vêpres oecuméniques au monastère de Rögle

Le 2 octobre dernier, les Moniales de Rögle ont invité les chrétiens des églises issues de la Réforme (Église de Suède, Pentecôtistes, Baptistes, Adventistes, Anglicans) à les rejoindre pour célébrer des Vêpres œcuméniques et partager un repas. Nous étions une soixantaine à répondre à cette invitation. Ce fut à la fois le temps de la prière sous le conduite de l’Esprit Saint et celui de la réconciliation. Les participants ont pu mieux se connaître et apprécier les dons que nous pouvons nous offrir mutuellement. Le repas a été marqué par un échange fructueux sur la place de la prédication dans nos vies.

Paroissiens catholiques à la cathédrale luthérienne

Le dimanche 30 octobre à Lund, veille de la célébration œcuménique à la cathédrale, à la fin de leur messe, les paroissiens ont quitté en procession l’église catholique St. Thomas d’Aquin pour rejoindre la cathédrale (luthérienne) St. Laurent) de Lund. Nous avons été accueillis par sa rectrice, à la fin de la messe luthérienne. Ensemble, catholiques et luthériens, nous avons prié avec le président de l’Alliance luthérienne mondiale, l’évêque luthérien de Jérusalem Mounib Younan. Puis, sur le parvis, nous avons reçu la bénédiction de l’évêque luthérien de Lund Johan Tyrberg. Une première depuis la Réformation ! Nous répondions ainsi déjà à l’appel qui sera lancé le lendemain: «Nous lançons un appel à toutes les paroisses et à toutes les communautés luthériennes et catholiques pour qu’elles soient audacieuses et créatives, joyeuses et pleines d’espérance dans leur engagement à poursuivre la grande aventure devant nous. Au lieu des conflits du passé, le don de Dieu de l’unité entre nous devrait guider notre coopération et approfondir notre solidarité. En nous rapprochant dans la foi au Christ, en priant ensemble, en nous écoutant les uns les autres, en vivant l’amour du Christ dans nos relations, nous, Catholiques et Luthériens, nous nous ouvrons nous-mêmes à la puissance du Dieu Trinitaire. Enracinés dans le Christ et en témoignant de lui, nous renouvelons notre détermination à être des hérauts fidèles de l’amour sans limite de Dieu envers toute l’humanité[1]

Les réfugiés agents de réconciliation

Ces deux événements sont le fruit de quelque chose qui se vit déjà à Lund entre les communautés chrétiennes: la coopération pour venir en aide aux réfugiés. La Suède fait partie des pays européens qui ont accueilli le plus de réfugiés suite à la crise en Irak et en Syrie. Et les Églises se sont regroupés pour les aider à s’installer en Suède. Cette coopération nous a permis de franchir le pas et d’aller au-delà de nos préjugés pour prier ensemble. Lors de la soirée œcuménique chez les sœurs dominicaines, un des pasteurs pentecôtistes de Malmö me disait que jamais il n’aurait imaginé emmener un jour son équipe pastorale faire une retraite chez des sœurs catholiques et participer à leur liturgie. Cela rejoint ma conviction que le dialogue théologique ne peut se faire sans l’amitié spirituelle et missionnaire.

Cette amitié spirituelle continuera avec les Vêpres œcuméniques qui seront célébrées tous les quinze jours le samedi soir tantôt en la cathédrale luthérienne St. Laurent, tantôt en l’église catholique St-Thomas.

La chance d’être une Église minoritaire est que nous découvrons la nécessité d’aller vers les autres chrétiens et que, ce faisant, de participer à l’unité pour laquelle le Christ Jésus a prié.[print-me]


Le frère Pierre-André Mauduit est membre de la communauté dominicaine de Lund, dans le sud de la Suède. Un couvent fut fondé dans cette ville en 1221, supprimé en 1536 et rétabli comme «maison» en 1947.

[1] Déclaration conjointe à l’occasion de la commémoration commune luthéro-catholique de la Réforme, Lund 31 octobre 2016.

Magnifique! Du concret, des pas les uns vers les autres, voilà tout ce que doivent faire les Chrétiens sensibles à l’appel du Christ « que tous soient un » ! Merci, frère Pierre-André de ce réconfortant témoignage !


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