Revue Sources

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Au bout d’un sentier, sur une hauteur fréquemment ensoleillée de la Terre sainte, entre Jérusalem et Tel Aviv, se trouve un coin de verdure original qui a pris le nom d’ »Oasis de Paix« .

Il se veut une réponse modeste à l’inspiration prophétique: « Mon peuple habitera dans une oasis de paix »(Is 32,18). En arabe, l’expression « wahat al-salam » et celle en hébreu, « nevé shalom » disent un domaine paisible.

Tout commence à Latroun en 1972

L’idée prend corps à la suite du Concile Vatican II. Elle est née dans la tête d’un idéaliste qui désire construire des ponts de compréhension entre les hommes. Il s’agit du Dominicain Bruno Hussar (1911-1996) qui reçoit l’aval du Père Corbisier, moine trappiste de Latroun en 1972 pour établir sur un terrain de 40 hectares un village fondé sur la conviction qu’une coexistence dans l’égalité, la coopération et le respect mutuel est possible entre juifs, chrétiens et musulmans, arabes ou non, sans aucune affiliation à un mouvement politique, mais tous citoyens de l’État d’Israël.

Une crèche, un jardin d’enfants et une école primaire existent depuis 1983, où l’on enseigne l’arabe et l’hébreu moderne.

Est-ce un rêve ou un miracle? Toujours est-il qu’une crèche, un jardin d’enfants et une école primaire existent depuis 1983, où l’on enseigne l’arabe et l’hébreu moderne. Des lieux de réunion également pour se connaître, voire apprécier la culture de l’autre.

A travers des dessins, à l’occasion de certaines fêtes, les enfants expriment leur sensibilité respective et leurs valeurs propres dans le but de faire tomber les préjugés et stéréotypes trop fréquents dans le pays. De plus, depuis 1979, existe l’École pour la Paix, « The School for Peace », qui réunit des jeunes, encadrés par des Juifs et des Palestiniens d’Israël et met sur pied des programmes biculturels de littérature, comme « Deux peuples qui écrivent de droite à gauche ». Un « master » en résolution de conflits est par ailleurs en préparation.

Forte demande après des débuts difficiles

En 1989, après un lent démarrage, le village comptait 85 résidents, dont 18 familles et 40 enfants. En 2014, 34 nouvelles familles se sont installées. Parmi elles, 15 appartiennent à la deuxième génération de résidents. Le village compte un total actuel de 60 familles dont 30 de religion juive et 30 non juives: 20 familles musulmanes et 10 chrétiennes. On attend pour l’avenir un développement démographique qui pourrait doubler la taille du village d’ici à 2024.

Les élections annuelles du secrétaire, des membres du secrétariat et du comité de travail sont organisées sur des bases démocratiques « à l’israélienne ». Ces prises de décisions communautaires sont nécessaires. Elles assurent la transparence et obéissent à un souci de vérité. Si le projet se développe à ce rythme, il pourrait signifier que les destins des Juifs et des Arabes palestiniens sont liés sur cette terre. Mais il faut tout de même savoir que les jeunes militaires du village sont tenus de piloter des avions de chasse appelés un jour à bombarder leurs voisins. Ce qui, bien évidemment, contredit la volonté de paix et d’amitié.

La « Doumia » au centre du village

Aucun lieu de culte public au village, mais une salle en forme de demie sphère a été construite pour rappeler que la louange convient à Dieu. « Doumia », au début du Psaume 65 en hébreu peut se traduire par « silence ». C’est donc une bulle pour la méditation ou l’adoration silencieuse, accessible aux habitants comme aux visiteurs.

Un « master » en résolution de conflits est par ailleurs en préparation.

Depuis 1980, cette salle est dédiée à la mémoire du frère Bruno Hussar qui laissa ce testament spirituel: « La foi en la victoire finale de l’amour sur la haine est le but le plus vrai et plus profond de Nevé Shalom – Wahat al-Salam. » En appliquant les valeurs d’égalité, de justice et de réconciliation se profile une paix juste, durable et équitable. À côté de cette « Bet-Doumia – Bet as-Sakinah » qui fait référence à la « tranquillité du cœur » dans la sourate 48,4, il y a aussi le centre spirituel pluraliste, qui développe des activités de réflexion interculturelle et interreligieuse.

Les services sur place aujourd’hui

Plusieurs services pour s’ouvrir au monde: une hôtellerie, un restaurant et une auberge de jeunesse. Pour des conférences ou séminaires sont disponibles une bibliothèque et des salles. Et, comme mentionné déjà, une école primaire pour les enfants du village, ouverte aux enfants israéliens des environs. L’«École pour la Paix» est destinée à promouvoir le dialogue et la compréhension dans un but pacifique.

Pour conclure, on dira qu’il règne au village une atmosphère de sérénité, grâce à l’esprit et la volonté de ses habitants. L’évolution se poursuit. A preuve, la longue liste d’attente actuelle de possibles résidents au village. Mais la prudence des moines de Latroun se manifeste dans le conseil de gestion. Les moines en sont membres avec droit de veto. Ceci, pour éviter que le projet initié par le frère Bruno Hussar ne parte à la dérive.

Sur place, une équipe d’accueil et la pionnière française, Anne Le Meignen, qui publie un bulletin de liaison en français: La Lettre de la Colline. Les moines de la Trappe de Latroun sont représentés par le Père Paul qui fait le lien entre son Abbaye et les responsables du village.

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Le frère dominicain belge Christian Eeckhout vit au couvent St-Étienne de Jérusalem. Il participe aux Commissions épiscopales «Justice et Paix» de Terre Sainte et prend part aux activités de l’Ecole Biblique et Archéologique de Jérusalem.

 

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