Revue Sources

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Pour illustrer l’apport des Pères du désert à la spiritualité des moines de Tibhirine, voici un petit extrait de la nouvelle Constitution des moines de l’Ordre Cistercien de la Stricte Observance – les trappistes. Dans le chapitre 3, intitulé « L’esprit de l’Ordre », les paragraphes 2 et 3 disent: Par la parole de Dieu, les moines sont formés à une maîtrise du cœur et de l’action qui leur permet, en obéissant à l’Esprit, d’atteindre à la pureté du cœur et au souvenir incessant de la présence de Dieu (…).

Les Constitutions de l’ordre décrivent le parcours spirituel auquel est invité le novice. Ils ont été lus et relus par chaque moine de Tibhirine. Dans ces paragraphes, on rencontre les sujets majeurs de la spiritualité des Pères du désert. Et cette spiritualité était une source importante pour les moines – soit par une voie directe, soit indirecte. Directe, parce qu’on sait que les apophtegmes ont été lus par les moines, en commun, au réfectoire ou en Chapitre, ou médités, seuls dans leur cellule. Mais aussi indirecte, car les Pères du désert sont la racine de la tradition monastique. En effet, Saint Benoit se base sur eux – et les trappistes sont une branche réformée des bénédictins. Ceux qui connaissent les textes de Christian de Chergé ou de Christophe Lebreton vont tout de suite reconnaître des liens, même s’ils n’explicitent pas leurs sources.

Le désert, c’est le lieu de révélation du vrai moi face à mon idole

Dans cet article, je vais commenter ce texte fondamental pour démontrer les nombreux liens avec la spiritualité des Pères du désert et ainsi éclairer certains aspects. Mais d’abord, il me faut lever un éventuel malentendu:

Dans beaucoup des textes sur les Pères du désert – mais aussi dans des œuvres sur les moines de Tibhirine, on peut lire qu’au IVème siècle, les Pères du désert quittèrent la société chrétienne, dont l’ardeur tiédissait, pour manifester l’absolu du désir de Dieu. Les Pères du désert auraient donc quitté le monde pour ainsi critiquer l’Eglise et la chrétienté de cette époque pour leur goût du luxe, leurs mauvaises mœurs et leur laxisme.
Il n’en est rien. La société chrétienne du IVème siècle n’est pas une société tiède. Comme la fumée témoigne du feu, les Pères du désert témoignent d’une chrétienté brûlante pour Dieu.

Notre société d’aujourd’hui est tiède, l’ardeur et l’enthousiasme à vivre avec et pour le Christ ont diminué ces dernières décennies – et selon la logique de cet argument, les déserts devraient héberger des milliers de chrétiens mécontents de leur société sécularisée, leur église – mais nos déserts, nos monastères sont vides… Critiquer les autres pour leur laxisme ne suffit pas pour quitter le monde et vivre comme ascète dans le désert.

Mais alors, d’où vient cette idée, celle d’une société chrétienne tiède au IVème siècle? « Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur » (Mt 6:21) – et la peur de le perdre. L’avare s’accuse de son gaspillage, car il adore l’argent. Le travailleur acharné s’accuse de sa paresse, car son travail prend la première place. La société du IVème siècle avait peur de la paresse. Nous par contre, nous vivons dans une époque où on se montre très critique envers toutes les convictions religieuses.

1. Les moines suivent les traces de ceux qui dans les siècles passés ont été appelés par Dieu au combat spirituel dans le désert

Les premiers moines n’ont pas quitté les villes, villages et fermes pour fuir le laxisme, mais avant tout pour suivre l’appel de Dieu. Et sous l’inspiration de l’Esprit Saint, ils se sont tournés vers le désert.Dès le début, la vocation monastique était un appel au désert. La vie d’Antoine en témoigne: dans l’église de son village, Antoine a entendu la parabole du jeune homme riche, et c’était comme si ces paroles n’avaient été lues que pour lui. Il voulait suivre le Christ et s’en alla aussitôt vers le désert.

Pourquoi le désert? La Bible nous fournit des exemples: Le Christ lui-même s’est retiré dans le désert, mais également Moise, Jean-Baptiste, Elie. Le désert, c’est le lieu de carence, d’absence d’eau, d’abri et, de l’isolement. Le désert est le lieu du manque, et plus important encore: le lieu de la prise de conscience de ce manque.

Endurez la faim, la soif, la nudité, les veilles; soyez dans l’affliction et les larmes, gémissez en vos cœurs. Eprouvez si vous êtes dignes de Dieu. Méprisez la chair afin de sauver vos âmes. (Jean 39)

Le désert est par conséquent le lieu de la probation et de la tentation; déjà Moïse et son peuple l’ont vécu: «prouvez si vous êtes dignes de Dieu!» Quiconque n’a pas subi de tentation ne peut entrer dans le Royaume des Cieux. En effet, ajouta-t-il, supprime les tentations, et personne n’est sauvé. (Antoine 5) Mais le désert est également le lieu de l’élection. Ce n’est pas un hasard si Dieu y choisit son peuple, beaucoup de ses prophètes et de ses disciples.

«Le moine doit être comme les Chérubins et les Séraphins: uniquement un œil.»

Et bien sûr, le désert est le lieu de la rencontre avec Dieu. Dans le silence du désert, l’homme peut entendre Dieu qui lui parle au cœur. Et souvent, c’est une double révélation: D’abord il s’agit de la révélation du vrai Dieu face aux idoles. Moïse déjà est présenté comme celui qui reçoit cette révélation face aux faux dieux d’Egypte, avec toutes ses exigences. Jésus lui-même, au terme de ses 40 jours au désert, repousse le Tentateur, en prenant partie pour le seul Dieu qui est son Père. L’adoration du vrai Dieu qui en résulte est l’attitude juste qui dit à la fois, proximité et distance, intimité et respect. L’adoration dans l’amour évite la fusion avec le vrai Dieu ou la mainmise sur Lui; on ne dispose pas de Dieu, on se pose devant lui dans l’attente qu’il vienne à nous.

Mais c’est aussi le lieu de révélation du vrai moi face à mon idole: au désert personne n’échappe à sa propre vérité car tout est mis à nu, tout est à découvert. Le Dieu révélé ici ne permet plus les ruses et les dissimulations: il fait connaître le fond du cœur. Grave moment pour l’homme qui se voit enfin tel qu’il est; il n’est pas rare qu’une telle révélation entraîne la conversion, dans l’expérience de la miséricorde de Dieu.

Mais tout d’abord, avant les révélations, pour les novices, les nouveaux venus, le désert est un lieu de recueillement: Refuge pour les persécutés, silence pour les stressés, miséricorde pour les miséreux. La découverte souvent inattendue du fond de misère qui habite le cœur de l’homme est un moment décisif. Elle va lui permettre de faire une autre découverte plus importante encore: celle de la miséricorde.

2. Vivant dans la solitude et le silence ils aspirent à cette paix intérieure

Celui qui vit en solitaire dans le désert est débarrassé de trois combats: de l’ouïe, du bavardage et de la vue. Son seul combat est la fornication. (Antoine 11) Comme Antoine le dit, le désert est en même temps refuge et lieu du combat. Pour se préparer à rencontrer Dieu, il faut cette pureté du cœur qui est le but même de la vie monastique; avoir le cœur pur – ou en voie de purification – c’est se rendre capable d’écouter la parole de Dieu par laquelle s’accomplit la révélation. Antoine, comme le raconte Saint Athanase, a quitté le monde pour trouver la solitude et le silence pour prier – et aussitôt, il a été attaqué par les démons. Le désert est le lieu du combat avec les forces du mal.

Abraham, celui d’Abba Agathon, interrogea Abba Poemen, disant: « Comment les démons me combattent-ils? » Et Abba Poemen lui dit: « Les démons te combattent? Ils ne combattent pas avec nous aussi longtemps que nous faisons nos volontés propres. Car nos volontés deviennent des démons, et ce sont elles qui nous affligent, afin que nous les accomplissions. Mais si tu veux voir avec qui combattaient les démons, c’est avec Moïse et ceux qui lui ressemblent. » (Poemen 67)

Quitter le monde et vivre dans le désert n’est pas un acte simple, c’est un combat, car le monde et ses démons sont en nous. Nous emportons nos démons avec nous dans le désert, et la paix extérieure, le silence et le manque de distractions les réveillent.

Beaucoup vivent sur la montagne et agissent comme les citadins, et se perdent. Il est possible, en vivant dans la foule, d’être solitaire par sa pensée, et, en vivant seul, de vivre avec la foule par la pensée. (Synclétique 1)

Le but du Combat spirituel est le silence. Garde ton silence, c’est un conseil permanent des Pères. Abba Macaire le Grand disait aux frères, à Scété, lorsqu’il congédiait l’assemblée: « Fuyez, mes frères. » Un des vieillards lui demanda: « Où pourrions-nous fuir au-delà de ce désert? » Lui, il mit son doigt sur sa bouche disant: « Fuyez cela. » Et il entrait dans sa cellule, fermait la porte et s’asseyait. (Macaire 16)

Et le silence en question n’est pas seulement fermer la bouche et laisser bavarder la petite voix intérieure. Il faut arrêter ce cortège interne des images, pensées, émotions. Comme un bon musicien devient un avec sa musique et plus rien autour de lui n’existe, comme un enfant plongé dans son jeu, le moine devient un avec Dieu dans sa prière.

Abba Bessarion, sur le point de mourir, dit: «Le moine doit être comme les Chérubins et les Séraphins: uniquement un œil.» (Bessarion 11)
Uniquement récepteur de la lumière divine, rien d’autre – voilà la perfection. En effet, c’est le retour à la condition primitive, à l’état dans lequel l’homme a été créé. Elle suppose que le moine est arrivé à dominer ses passions, à vaincre le démon, à triompher du péché. Nul ne parvient à ce degré que par une garde constance de son cœur, par une attention continuelle à son âme.

3. Ils se renoncent à eux-mêmes pour suivre le Christ.

Renoncer à soi-même pour suivre le Christ: pour les Pères du désert, c’est cela la véritable conversion. Ce n’est pas une affaire brève et facile, mais plutôt une tâche pour la vie entière. Car le Christ demande un prix qui est le prix plus élevé possible: nous, avec tout ce que nous sommes.
On interrogea Abba Ammônas: « Quelle est la voie étroite et difficile? » Il répondit: « La voie étroite et difficile est celle-ci: contraindre ses pensées et se dépouiller, à cause de Dieu, de ses volontés propres. Et c’est là aussi le sens de cette phrase: Voici que nous avons tout quitté pour te suivre. » (Ammônas 11)

Renoncer à soi-même c’est dire à Dieu: « Ta volonté soit faite, et non la mienne ». Les Pères du désert utilisent les images les plus dures pour le décrire: contraindre, dépouiller. Renoncer à soi-même, cela fait peur, cela fait mal: ce n’est plus moi qui dirige ma vie, c’est un autre qui – peut-être – me mènera où je ne voudrais pas. Mais le Christ est un maître plus prudent que nous le sommes avec nous-mêmes. A long terme, il nous traite mieux que nous nous traitons nous-mêmes. Il veut le meilleurpour nous. Supposons que le Christ apparaisse corporellement, séjourne dans notre maison pour nous guider: nous serions très étonnés s’Il nous disait: tu as bien travaillé aujourd’hui, et maintenant, va, amuse-toi.

Un homme qui chassait des bêtes sauvages dans le désert vit Abba Antoine qui se récréait avec des frères. Il s’en scandalisa. Voulant le convaincre qu’il fallait de temps en temps condescendre aux frères, le vieillard lui dit: « Mets une flèche dans ton arc, et bande-le. » Il fit ainsi. Le vieillard reprit: « Bande-le un peu plus », et le chasseur le fit. Le vieillard lui dit encore: « Continue à le bander. » Le chasseur répondit: « Si je bande mon arc au-delà de la mesure, je vais le casser. » Le vieillard lui dit alors: « Il en va de même dans l’œuvre du Seigneur; si nous tendons les frères outre mesure, ils seront bientôt brisés. Il faut donc de temps en temps condescendre à leurs besoins. » Entendant ces paroles, le chasseur fut pénétré́ de componction. Grandement édifié́ par le vieillard, il partit. Quant aux frères, ils retournèrent chez eux fortifiés. (Antoine 13)

Jean Cassien par contre raconte l’histoire d’un moine toujours épuisé par le travail et constate que: « Ce sont les démons qui nous poussent à de tels excès!» Venez à moi vous tous qui êtes affligés et qui peinez, et je vous donnerai le repos, dit le Christ (Mt 11:28). Et beaucoup d’histoires des Pères du désert se terminent avec une formule comme: Et Dieu, voyant sa peine, supprima de lui le combat et il eut du repos. (Olympios 2)

4. Par l’humilité et l’obéissance ils luttent contre l’orgueil et la révolte du péché.

Humilité et obéissance sont les vertus principales d’un moine, dit Saint Benoit. Il se révèle ici véritable héritier des Pères du désert.
Le cénobium a besoin de trois pratiques: l’humilité, l’obéissance et d’être stimulé comme par un aiguillon par les travaux du cénobium pour ne pas les mépriser. (Poemen 103)

Apprendre à obéir, la première tâche du disciple. Qui obéit à son maitre, obéit à Dieu. L’obéissance répond à l’obéissance. Si quelqu’un obéit à Dieu, Dieu répond à sa demande. (Mios 1) Quant à l’humilité, elle est souvent liée à la crainte de Dieu.

Etre humble, c’ est pouvoir répondre correctement à la question «Qui suis-je moi devant Dieu?»

Un frère interrogea un vieillard disant: « Comment la crainte de Dieu vient-elle dans l’âme? » Et le vieillard dit: « Si l’homme possède l’humilité et la pauvreté, et qu’il ne juge pas, la crainte de Dieu vient en lui. (Anonyme 5) Cette crainte n’a pas une connotation négative. Peut-être faudrait-il mieux traduire ce terme par « respect ». L’humilité et le respect de Dieu sont étroitement liés, ils se recoupent et se conditionnent mutuellement. Car l’humilité envisagée ici n’est pas l’humilité de ce monde, qui consiste à se mettre à la dernière place par espoir d’être élevé ensuite – ou par complexe d’infériorité.

L’humilité vraie consiste à prendre la dernière place (ou n’importe quelle autre place) parce que ces classements n’ont pas de valeur devant Dieu. C’est pourquoi le moine doit renoncer à tout jugement. Juger veut dire: respecter les hiérarchies de ce monde. L’humilité va au-delà du jugement, et se définit comme le respect de Dieu et des lois divines.

Si tu veux trouver du repos ici-bas et plus tard, dis en toute occasion: Qui suis-je moi? Et ne juge personne. (Poemen 2)
La question « Qui suis-je? » apparait plusieurs fois dans les textes des Pères du désert – comme les deux autres questions fondamentales du monachisme primitif « Que faire? » et « Comment être sauvé? ». Pour les Pères du désert, elles sont toutes les trois liées étroitement avec le salut – et n’ont rien à faire avec ces idées modernes de la réalisation de soi. Les Pères du désert diraient que celui qui se réalise soi-même réalise un démon. Car nos volontés deviennent des démons, disait Abba Poemen précédemment (Poemen 67). Il faut réalise la volonté de Dieu.

La question du soi vise en fait celle de l’humilité. Etre humble, c’est pouvoir répondre correctement à la question «Qui suis-je moi devant Dieu?». Seul celui qui s’abaisse sera élevé, dit le Christ, mais pas en face de n’importe qui. L’être humain doit se courber humblement devant Dieu, et devant Dieu seulement. Donc, quand un bon musicien dit qu’il est mauvais cela n’a rien à voir avec l’humilité. Lorsque, par exemple, quelqu’un compose la plus belle pièce de musique et qu’ensuite il s’en réjouit en oubliant qu’il en est l’auteur, car il sait que c’est un don de Dieu, voilà en quoi consiste l’humilité. Avec une sincérité étonnante, Abba Jean le Perse dit, tout humblement:

Pour ma part, j’ai confiance d’obtenir en héritage la Jérusalem d’en haut, qui est inscrite dans les cieux. Et pourquoi n’aurai-je pas con­fiance? Je suis devenu hospitalier comme Abraham, doux comme Moïse, saint comme Aaron, endurant comme Job, humble comme David, ermite comme Jean, rempli de componction comme Jérémie, maître comme Paul, croyant comme Pierre, sage comme Salomon. Et comme le larron, j’ai confiance que celui qui, par sa bonté naturelle, m’a donné cela, et me procurera aussi le royaume. (Jean le Perse 4) L’humilité, par respect de Dieu, consiste à se voir avec les yeux de Dieu, et à renoncer aux hiérarchies de ce monde.

5. Dans la simplicité et le travail ils sont en quête de la béatitude promise aux pauvres.

Pauvreté, simplicité désignent le cadre dans lequel le moine vit. Comme le dit Abba André: Ces trois choses conviennent au moine: le retrait dans un pays étranger, la pauvreté et l’endurance dans le silence. (André 1) La pauvreté, la simplicité, la vie dans le désert donnent la possibilité de se concentrer sur les aspects fondamentaux de la vie. Certes, ils donnent une liberté – mais pour ne pas se perdre dans cette liberté, le moine a besoin d’une structure.

Le saint Abba Antoine, alors qu’il demeurait dans le désert, fut en proie à l’acédie et à une grande obscurité de pensées. Il dit à Dieu: « Seigneur, je veux être sauvé, mais mes pensées ne me lâchent pas; que faire en mon affliction? Comment être sauvé? » Et allant un peu dehors, Antoine voit un homme semblable à lui assis à travailler, puis levé de son travail pour prier, et à nouveau assis pour tresser une corde, puis encore debout pour la prière. C’était un ange du Seigneur envoyé à Antoine pour le corriger et l’affermir. Et il entendit l’ange lui dire: « Fais ainsi et tu seras sauvé. » Entendant ces paroles, il éprouva beaucoup de joie et de courage; et faisant ainsi, il fut sauvé. (Antoine 1)

Voilà le premier apophtegme du premier moine: Antoine. Et cet apophtegme est une sorte d’ouverture, où on souligne les thèmes principaux du monachisme. Antoine est dans le désert, de façon intérieure et extérieure. Au milieu du combat, attaqué par l’acédie et de mauvaises pensées, il pose la question fondamentale: « comment être sauvé? » Et la réponse: « ora et labora », prie et travaille. Mais pas n’importe comment: dans un rythme: il est assis pour travailler, il se met debout pour prier, il est assis pour travailler et se met debout pour prier. C’était un ange du Seigneur envoyé à Antoine qui lui dit: « Fais ainsi et tu seras sauvé. » Ceci est une vocation! Le premier moine est appelé par un ange à une vie simple et pauvre, une vie laborieuse, une vie rythmée.

6. Par leur hospitalité empressée ils partagent la paix et l’espérance que donne le Christ, avec ceux qui, comme eux, sont en marche.

L’Hospitalité joue un grand rôle dans le désert, avec l’aumône et l’amour du prochain. Un frère se rendit chez un vieillard et, en partant, il lui dit: « Pardonne-moi, Abba, car je t’ai distrait de ta règle. » Mais ce dernier lui répondit: « Ma règle, c’est de te donner du repos et de te renvoyer en paix. » (Anonyme 151) Partager la paix et être en marche avec d’autres, ce pèlerinage vers le monde à venir, légitiment l’existence de ces textes, aujourd’hui encore.

Les apophtegmes, cette fameuse collection des paroles des Pères du désert, ne sont pas conçus comme un livre « instructif », mais comme un livre « utile ». La nuance mérite d’être soulignée:

C’est moins un manuel, comme l’est la somme de saint Thomas d’Aquin, mais plutôt une sorte de Wikipédia monastique ouvert à tous et où tout le monde collaborait, jusqu’au point de trouver des textes contradictoires. Cet ensemble est à lire comme un recueil de poèmes, où l’on pioche selon ses questionnements. Le prologue de la série alphabétique des apophtegmes est, à cet égard, significatif.

Dans ce livre, on rapporte l’ascèse vertueuse et l’admirable façon de vivre, ainsi que les paroles des saints et bienheureux Pères. (…) Or, comme un récit fait par plusieurs est confus et sans ordre, et donc empêche l’attention des lecteurs dont l’esprit tiraillé de toutes parts, ne peut conserver le souvenir de ce qui est dispersé dans le livre, pour cette raison, nous avons été amenés à présenter la matière par chapitre. Cet ordre permet une meilleure compréhension, et dispose ceux qui le veulent à tirer profit de leur lecture. (Prologue au livre des paroles des vieillards)
L’organisation réalisée par le compilateur vise un seul but: non pas rendre l’enseignement plus facilement compréhensible, mais permettre au lecteur de tirer un plus grand profit d’une littérature jusqu’alors peu utilisable en raison de sa composition désordonnée. D’ailleurs, tout au long du texte, cette même nuance est encore marquée: lorsque le frère a reçu la parole qu’il sollicitait de l’ancien, on ne nous dit jamais qu’il rentre dans sa cellule « solidement instruit », mais toujours « grandement édifié ». Les apophtegmes veulent être un livre essentiellement pratique, à l’usage ce ceux qui sont en route.

Aujourd’hui encore, les paroles des Pères du désert n’ont pas achevé́ leur rôle éducatif. Ils constituent toujours un irremplaçable instrument de formation. Par la variété́ des expériences mentionnées, ils contribuent à initier le lecteur.

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Dr.Gregor Emmenegger, Maître d’enseignement et de recherche en patristique et histoire de dogme.

bonsoir mon pere je suis ravi de votre congregation et surtout de votre spiritualité. alors que faire- je pour adherer? je suis congolais(DRCongo) merci j’attends votre favorable reponde. merci


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