Revue Sources

Jérôme Gastaldi: Rwanda 1994. La parole de Sœur Gertrude, ed. Saint-Augustin, Saint-Maurice 2018, 222 p.

Sœur Gertrude n’avait pas 40 ans lorsque ses sœurs l’élurent comme première prieure africaine du monastère des Bénédictines de Sovu dans le Sud du Rwanda, une communauté fondée par l’Abbaye belge de Maredret. Son élection fut l’objet de convoitises affichées par certaines de ses sœurs qui l’accuseront lorsque elle dut comparaître quelques années plus tard devant une juridiction pénale belge qui s’était attribuée le droit de juger les crimes contre l’humanité, commis partout dans le monde, y compris donc au Rwanda.

En effet, en 1994 au Rwanda, au cours des premières semaines de massacres qu’on appellera plus tard «génocide des Tutsis», le monastère de Sovu connut l’horreur: extermination de nombreux voisins et même de parents de certaines soeurs venus les uns et les autres chercher refuge dans cet enclos que l’on croyait respecté. Il n’en fut rien, malheureusement. La paix revenue, on fit porter la responsabilité du crime sur la jeune prieure qui n’aurait pas protégé ses hôtes et même les aurait livrés aux bourreaux sanguinaires qui assiégeaient son couvent. Arrêtée en Belgique où elle s’était réfugiée, Gertrude fut condamnée à 15 ans de réclusion, puis libérée sous condition, après 7 années de détention dans une prison namuroise. Elle a aujourd’hui épuré la totalité de sa peine et repris sa vie de moniale dans un couvent belge, mais sans toutefois bénéficier d’un permis d’établissement, donc à la merci d’une expulsion.

C’est une amie qui a fait connaître à l’auteur l’ancienne «détenue». Il lui propose les entretiens qui font l’objet de ce livre. Dès sa première rencontre, l’«intime conviction» de Jérôme Gastaldi est faite: Gertrude n’est pas le «monstre» montré du doigt par le procureur lors du procès. Aucune machination maligne, aucune complicité criminelle. Les témoignages portés contre elle se sont avérés mensongers; ils ont été même démentis par leurs auteurs. Mais alors, qui est Gertrude? Une jeune femme dans la tourmente dont l’autorité morale et religieuse ne pèse pas lourd face aux puissances du mal qui l’assaillent de toute part. Malhabile, c’est certain, elle tente de faire le peu qui est en son pouvoir pour sauver son couvent et ceux et celles qu’il héberge. Ecrasée par ce qui lui arrive et par ce qu’on lui reprochera plus tard, plus encore par l’accusation que certaines de ses Sœurs portent contre elle, (Elle ira jusqu’à se réconcilier avec l’une d’elles), détruite par le régime carcéral, elle refait surface grâce à l’appui de personnes qui n’ont jamais douté de sa droiture. Ce livre est précisément l’histoire merveilleuse de ce relèvement. Gertrude retrouve un Dieu d’amour qui émerge de ses intolérables souffrances.

Entrecoupées dans le témoignage de Gertrude, l’auteur amorcer des réflexions générales sur la justice des hommes, si décevante quand elle est à l’écoute du pouvoir et de l’opinion qui a déjà condamné le prévenu avant même qu’il ne comparaisse au prétoire. Toutefois, l’auteur s’abstient avec raison de fournir lui-même une explication du génocide et des causes qui l’ont motivé. Pour satisfaire ses lecteurs sur ce point – ô combien délicat -, il recourt à l’Abbé Vénuste Linguyeneza, un homme d’Eglise rwandais qui a vécu de près ces événements et qui y a longuement réfléchi. Les pages nuancées, mesurées et honnêtes qu’il consacre à cette analyse sont parmi les plus éclairantes que l’on puisse souhaiter.

Guy Musy

 

Bonjour,

Le cas du Rwanda confirme bien l’adage bien connu : « Vaincu, tu as tout faux ; vainqueur, tu as tout bon. » Par ailleurs, l’écrivain français R. Brasilach l’a bien dit : « L’histoire est écrite par les vainqueurs. »
Qui sait qui aura le dernier mot ?

Kava


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