Revue Sources

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Etre avec le malade sur son chemin, aller à son rythme et dans sa direction. Rester là, assis sur une chaise où un coin de matelas et offrir un temps de silence dans une attention parfaite. Autrement dit, accompagner c’est « être avec », ne rien faire et même parfois ne rien dire. Là se loge toute la difficulté; Tant il est difficile de comprendre qu »être » n’est pas «faire», mais écouter de tous ses sens, de tout son esprit, de tout son coeur. Ainsi, devient-on proche du malade, prêt à anticiper sa demande, deviner son attente, l’aider à s’exprimer. Le malade doit se sentir entouré – la solitude est la pire des maladies -, respecté, considéré, aimé.

Gilles

Je me souviens de Gilles contaminé par le virus du sida, le corps couvert de pustules purulentes. Lors de notre première rencontre il m’a dit : «Quelqu’un va-t-il m’aimer encore?». Je lui répondis que j’étais là pour l’aider et l’aimer tel qu’il était… Durant quatre ans nous avons cheminé ainsi et Gilles est parti dans la paix et la sérénité. Au moment du passage de la mort à la Vie, son visage et son corps sont redevenus très beaux. Les pustules avaient disparu. J’appelle cela le miracle de l’amour. Une forme de compassion. Demeurer auprès du souffrant, attentif à ce qu’il vit profondément, le rejoindre dans son silence. Et même, permettre à ses regrets de s’exprimer sans que vous ne les sollicitiez ou les freiniez.

Les malades sont nos maîtres et, à leur chevet, nous apprenons la patience, la puissance de l’amour et la force de la prière.

On ne peut être souffrant à la place du malade, mais nous marchons à ses côtés. Les malades sont nos maîtres et, à leur chevet, nous apprenons la patience, la puissance de l’amour et la force de la prière. Ce sont des sentiments de compassion. L’Eglise, à la suite du Christ, rejoint ainsi toute personne dans sa souffrance, sans la juger. La compassion est donc un sentiment très fort qui a habité le coeur de Jésus et qui nous habite aussi. L’apôtre ne dit-il pas : « Ayez entre-vous les mêmes sentiments qui sont dans le Christ-Jésus » (Ph. 2, 5)?

Rachid

En présence du malade, nous sommes souvent démunis. Que faire, sinon nous laisser habiter par la compassion? La compassion peut conduire à l’extrême de l’amour. Comme celle de Jésus: «ma vie nul ne la prend, mais c’est moi qui la donne».

Nous avons aussi accompagné Rachid, jeune musulman que sa communauté avait rejeté parce qu’homosexuel et malade du sida. Notre équipe toulousaine (Sida, Espérance, Lumière et Foi) l’a visité, soutenu, entouré durant trois ans et quelques semaines. Avant de mourir, Rachid nous a livré ce message que je conserve dans la mémoire du coeur : «Frère Jacques, nous marchons vers la même Lumière». «Celui qui se met au service des pauvres, se met au service de Dieu», disait Gandhi. Le plus grand des maux de notre siècle est le manque d’amour. «Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde » (Mt 5, 7);

Responsabilité sociale

En fait, la miséricorde et la compassion nous convoquent chacun, bien plus qu’on ne l’imagine, à une responsabilité sociale et à une réflexion profonde sur le devenir de l’humain dans nos sociétés. L’accompagnement d’une personne malade ou exclue, touchée ainsi au plus profond de son être physique mais aussi psychique et spirituel, mobilise autant l’élan du cœur que l’engagement de notre intelligence à chercher des réponses…Rejoindre l’autre dans ses fragilités, sa vulnérabilité et sa différence, n’est-ce pas déjà essayer de porter avec lui mais aussi de témoigner aux yeux du monde, de sa dignité d’être humain et faire reconnaître ainsi l’image et la trace de l’invisible Présence du mystère de Dieu…?

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Jacques Ambec

Jacques Ambec

Jacques Ambec est un frère dominicain coopérateur de la Province de Toulouse. Il réside au couvent de Toulouse comme «Portier» et collabore à la pastorale de la santé avec le groupe Santé Saint-Luc, l’équipe du Service Evangélique des Malades et la structure associative SELF (Sida, Espérance, Lumière et Foi). Il est l’auteur de plusieurs ouvrages au travers desquels il partage son expérience d’accompagnants et de religieux confronté à la souffrance, à la maladie et à l’exclusion…

Biographie:

Marie-Christine Nouaux, Jacques Ambec, «Jacques, le combat de la vie», 1996, Ed. St Paul
Jacques Ambec, «L’Evangile de la compassion», 2001, Ed. St Paul
Jacques Ambec, «Témoins de la compassion», 2003, Ed. St Paul
Jacques Ambec, «Saint Martin de Porrès. Au service de la compassion», 2005, Ed. Pierre TEQUI
Jacques Ambec, «Vivre l’Evangile avec Saint Martin de Porrès», 2009, Ed. Pierre TEQUI
Jacques Ambec, «Vivre le mystère du Christ en méditant le Rosaire», 2009, Ed. Pierre TEQUI

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