catéchèse – Revue Sources https://www.revue-sources.org Wed, 04 Jan 2017 13:38:34 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.3.1 La pastorale d’engendrement https://www.revue-sources.org/la-pastorale-dengendrement/ https://www.revue-sources.org/la-pastorale-dengendrement/#respond Sun, 01 Apr 2012 11:55:31 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=145 [print-me]

Pastorale d’engendrement. Cette expression a été forgée par un groupe de théologiens français: Philippe Bacq, Jean-Marie Donegani, Christoph Theobald. Par le nom qu’elle porte, il est signifié que cette pastorale a un lien profond avec la naissance. Bien sûr, il ne s’agit pas de la naissance biologique, mais de la nouvelle naissance qu’évoque l’Evangile de Jean.

Une définition

Cette nouvelle naissance est donnée par l’Esprit, dans la mesure où l’homme consent à en recevoir le souffle. Elle est aussi donnée en Dieu (le Père), en qui nous avons la vie, le mouvement et l’être (Actes 17). Elle est encore donnée en Christ, qui est le Chemin, la Vérité et la Vie. Une naissance trinitaire, en quelque sorte.

En un sens strict, ce n’est donc pas l’Eglise, ni ses ministres qui engendrent ou qui donnent la nouvelle naissance. Que font-ils alors? Ils sont appelés à offrir les meilleures conditions de possibilité pour que cette naissance advienne.

Permettre aux personnes de faire l’expérience vivante du Christ et de l’Esprit. Faire route avec les personnes, pour qu’elles accueillent en elles la présence agissante et vivifiante du Christ dans l’Esprit et qu’ainsi elles trouvent des horizons nouveaux de générosité, d’intelligence et de réconciliation. Offrir les moyens que l’Eglise a reçu, pour que cette naissance soit évoquée et communiquée: le respect de l’homme et l’entraide fraternelle, la vie communautaire, la Parole de Dieu, les sacrements, l’eucharistie. Comme le dit Christoph Theobald, les ministres de l’Eglise sont invités à être les passeurs de la présence du Christ et de l’Esprit.

Deux illustrations

Le deuxième exemple est plus inhabituel. Il ne se passe pas dans le giron de l’Eglise. Il est athématique, en ce sens qu’il n’est pas explicitement orienté sur la présence du Christ, bien que cette présence affleure partout.

Il s’agit d’Etty Hillesum, cette femme juive hollandaise morte à Auschwitz en 1943, dont on connaît la fulgurante évolution spirituelle. Au départ de son journal, elle semble mener une vie assez dispersée, avec des recherches tous azimuts, y compris dans le domaine affectif. Puis, elle fait la rencontre d’un psychologue, spécialiste de la lecture des traits de la main: Julius Spier. Par sa médiation, elle se met à faire une croissance humaine et spirituelle fulgurante, en lien avec le peuple juif, avec Rilke, et même à certains moments avec l’Evangile. Elle échappe aux sentiments de haine et de désespoir; elle entre dans une profonde compassion pour le sort de son peuple et même, ô paradoxe, pour le sort de Dieu lui-même qui semble bien abandonné. Elle devient, dans les pires situations des camps de transit, « le cœur pensant de la baraque« . Elle dit cette parole si profonde: « mon Dieu, tu as fait tout ce que tu as pu ; c’est à nous de garder un peu de toi dans le cœur des hommes« .

Que l’horizon de la vie de l’homme soit la résurrection et non pas seulement les petites patries de cette terre.

Le chemin d’Etty Hillesum est vraiment un chemin de mise debout de la personne, un chemin de résurrection, de croissance devant Dieu et les hommes. Un grand moment d’engendrement, dont Julius Spier fut le passeur, malgré et avec toutes ses limites. La première est la rencontre entre Jésus le Ressuscité et les disciples d’Emmaüs (Luc 24). Les disciples d’Emmaüs sont à terre ; leurs espoirs ont été anéantis par la mort de Jésus. Et pourtant, ils marchent. Il leur reste encore assez de puissance de vie pour pouvoir marcher. Jésus les rejoint et, longuement, fait route avec eux. Il leur explique les Ecritures. Leur cœur devient brûlant ; en quelque sorte, il revient à plus de vie. Ce n’est pas seulement à cause de l’explication des Ecritures mais surtout du fait de la Présence vivante, fraternelle, patiente, chaleureuse de Jésus. Présence qui s’atteste autour de la table par le partage du pain et remet debout avec enthousiasme. Cet épisode évangélique nous indique deux aspects importants de la pastorale d’engendrement: le patient compagnonnage fraternel en Christ mort et ressuscité et le partage (au sens fort de ce mot) des Ecritures et de l’eucharistie.

Le nouvel accent de cette pastorale dite d’engendrement pourrait tenir en un slogan: que l’homme soit mis debout (au sens fort de ce terme, qui fait allusion à la résurrection). Que l’homme puisse accéder à sa dignité et à l’exercice de sa liberté (Galates 5). Et s’il est tombé, que l’homme puisse accéder à la réconciliation qui est une forme de renaissance. Que l’horizon de la vie de l’homme soit la résurrection et non pas seulement les petites patries de cette terre.

Un peu d’histoire

Comment en est-on arrivé à mettre l’accent sur une telle manière de voir la pastorale? Un peu d’histoire peut être utile.

Au point de départ, une crise: celle de la transmission de la foi. Aujourd’hui, la foi et l’identité chrétiennes ne se transmettent que très difficilement. Cette crise n’est pas nouvelle. Déjà, en 1943, Godin et Daniel, en écrivant La France, pays de mission?, avaient tiré la sonnette d’alarme. De larges pans de la société étaient fort éloignés de l’Eglise, en particulier dans la classe ouvrière. Les aumôniers militaires avaient dû constater combien les jeunes hommes avaient oublié le catéchisme de leur enfance. Il fallait alors, dans le langage de l’époque, « reconquérir les masses » ; l’un des moyens privilégiés était l’Action catholique. Visiblement, le projet n’a pas abouti

Affrontée à cette nouvelle donne, l’Eglise s’est orientée dans les vingt dernières années vers une nouvelle stratégie pastorale, qu’elle appelle –du moins en France– la proposition de la foi. L’Eglise se rend compte qu’elle ne peut plus insuffler à la société, voire aux personnes, ce qu’elle tient à transmettre de son identité structurelle, doctrinale et morale. Elle ne peut plus être dogmatique et prescriptive. Elle se risque donc simplement à proposer sa manière de voir le monde, la société, la personne devant la face de Dieu. L’Eglise se rend compte qu’elle ne peut pas s’isoler dans sa tour d’ivoire. Dès lors, elle doit consentir à dialoguer avec les tendances les plus diverses qui traversent les sociétés occidentales. Finalement, l’Eglise se rend compte qu’elle n’a pas réponse à toutes les sollicitations nouvelles de la modernité. Dès lors, elle doit se mettre à chercher avec les autres, en faisant valoir la voix de l’Evangile.

Proposer la foi est donc un acte d’humilité. L’Eglise consent à donner et à recevoir. C’est aussi un acte de reconnaissance du pluralisme des visions du monde et des représentations religieuses. C’est aussi un acte d’offrande de sa propre vision et de sa propre représentation. Proposer la foi, est un acte de patience face à la recherche tâtonnante de chaque homme en son individualité. C’est un acte de respect de la liberté de chaque personne.

Comment proposer la foi?

Proposer la foi est donc une autre manière de faire Eglise, de positionner l’Eglise dans la société et de construire l’identité chrétienne. Plus précisément, comment se réalise la proposition de la foi? En quatre moments qui ne sont pas forcément successifs:

Proposer la foi est un acte d’humilité.

Ensuite, l’offrande de la foi (ou de l’interprétation que la foi donne à la vie). Cette offre de la foi devrait avoir une couleur existentielle, consister en témoignage, plutôt qu’en enseignement. Elle ouvre sur un dialogue. Elle permet un « chercher ensemble » dans la vérité, à partir des convergences et des différences.D’abord l’accueil des personnes, de leurs histoires, de leurs demandes. Cet accueil doit être empathique ou, pour employer un terme plus évangélique, fraternel. Cela signifie qu’il doit permettre d’entrer dans la problématique, le désir, la demande, la quête de l’autre.

La proposition de la foi implique aussi un cheminement. Il ne suffit pas d’une discussion, il faut faire route ensemble. La raison en est que la foi n’est pas seulement une connaissance, pour laquelle suffirait une argumentation. Elle est une vie, qui s’apprend avec d’autres qui essaient d’en vivre et qui par là même en sont témoins. L’Eglise des premiers temps avait magnifiquement compris cela, en inventant des processus de type catéchuménal. Cette intuition commence à être reprise à nouveaux frais aujourd’hui dans le cadre de l’acheminement au baptême, à l’eucharistie, au mariage.

Enfin, si la proposition arrive à sa complétude, elle aboutit au moment de « faire communion ». C’est un moment de célébration, où le cheminement se trouve scellé devant Dieu, où il est en même temps relancé, car la route de la foi n’est jamais finie. C’est aussi un moment ecclésial qui manifeste le caractère communautaire de la route de la foi où tous ont donné et reçu. Même les personnes avec un handicap mental sont parfois des guides pour les catéchistes virtuoses. Chacun reçoit ce qu’il peut et veut. Il établit son identité chrétienne. Il la « bricole », comme disent les sociologues de la religion. Car, aujourd’hui, « la synthèse est dans l’individu« . L’identité n’est pas quelque chose que l’on reçoit, mais le fruit d’une recherche.

Questions à la proposition de la foi

Aujourd’hui, les tenants de la proposition de la foi pensent qu’il faut aller plus loin. Que l’identité chrétienne soit le consentement plus ou moins libre aux prescriptions de l’Eglise ou qu’elle soit le bricolage subjectif du chemin de sens et de bonheur offert en Christ, n’est-ce pas finalement passer à côté de l’essentiel? N’est-ce pas quelque peu égocentrique, au sens littéral de ce mot?

La question était déjà posée dans les années 60. Qu’est-ce que l’essentiel chrétien? Je me souviens que les réponses que j’entendais alors ne m’avaient pas satisfait. On essayait de trouver le spécifique chrétien dans les évangiles, dans les comportements sociaux, dans les déterminations existentielles et morales. On trouvait alors une collection plus ou moins large d’originalités chrétiennes, comme l’amour des ennemis ou la conception d’un Dieu Père. Mais cela ne me paraissait pas bouleverser le cœur.

Aujourd’hui, certains affirment – et j’en suis – que l’identité chrétienne tient dans cette formule de Paul: « Pour moi, vivre, c’est le Christ« . Ou dans celle de Jésus que rapporte Jean: « Demeurez en moi« . Autrement dit, l’identité chrétienne tient essentiellement dans la rencontre intime et vivante avec le Christ. Elle est d’abord une relation interpersonnelle (et mystique) avec Celui qui est le chemin, la vérité et la vie ; une relation qui se joue au plus intime de l’être: « interior intimo meo« , comme disait saint Augustin. Tout le reste en découle: connaissance aimante de l’Ecriture et de la Tradition, rites, sacrements, appartenances communautaires, service des pauvres et de la justice, etc. Une fois que la rencontre est faite, la vie se trouve transformée en Christ ; c’est une nouvelle naissance. Saint Augustin, encore lui, en est un admirable exemple.

Cette affirmation n’infirme pas ce qui a été dit auparavant sur la proposition de la foi. Il faut souvent de longues et tâtonnantes recherches, pour qu’advienne la rencontre bouleversante. Il faut donc que de multiples chemins soient proposés et parcourus, au service de ces recherches. Cette affirmation indique le but ultime de la proposition de la foi: la personne devient vitalement être-en-Christ. Cette approche, théologique bien plus que sociologique de l’identité chrétienne doit prendre une place première. C’est pourquoi, en France comme en Suisse, on se tourne vers ce qu’on appelle la pastorale d’engendrement. En d’autres termes, la pointe de la pastorale devrait viser la nouvelle naissance en Christ qui est comme un engendrement nouveau. Dès lors, la pastorale devrait porter des accents nouveaux. Ce qui devient premier, c’est d’offrir à chacun les conditions de possibilité de cette rencontre intime avec le Christ et de vivre les conséquences qui en découlent: la justice et la charité fraternelle. Seulement les conditions de possibilité, car la rencontre échappe à nos prises ; elle relève du mystère de la personne dans son ouverture à l’Esprit.

Trois piliers indissociables: partager l’Ecriture, relecture de la vie, intériorité.

Pour ce faire, point n’est besoin d’être sainte Monique pleurant pour la conversion de son fils Augustin (même si c’est un bel exemple d’engendrement). Mais le chemin se joue d’homme à homme, de frère à frère, du cœur au cœur dans une rencontre interpersonnelle ou communautaire. Quelque chose de la flamme d’un fou de Dieu – ou d’une communauté de fous de Dieu – va toucher le cœur d’une personne et l’orienter vers le oui à la rencontre du Christ. Rien ne dit mieux cela que cette parole de Maurice Zundel: « Dieu transparaît plus qu’il n’apparaît« . Au travers de ceux qui vivent vraiment en Christ, Dieu transparaît. Il se donne à voir. Il peut toucher le cœur. La possibilité de la rencontre intime trouve une figure ou un visage.

Théologiquement, on retrouve ici la notion d’Eglise sacrement (cf. Lumen gentium 1). L’Eglise est sacrement de la rencontre de Dieu. La personne en Christ, à sa manière, est aussi sacrement de la rencontre de Dieu. L’exigence ici est celle de la sainteté. La pastorale d’engendrement implique donc une manière plus existentielle, plus engagée et même plus mystique de partager la foi. Aider les personnes à se mettre debout dans l’espérance et le pardon réclame un engagement du cœur et de l’esprit.

Quelques pas concrets

La pastorale d’engendrement repose sur trois modes d’accueil et sur trois piliers pratiques.

Premier mode d’accueil: accueillir ce que Christoph Theobald appelle la « foi de quiconque« . De quoi s’agit-il? C’est la foi basique en la vie, en l’orientation positive de la vie, en la vie reçue comme un don qui nous précède et qui peut s’ouvrir sur l’infini. Cette foi, même si elle n’est pas consciente, est présente au cœur de toute personne. C’est cette foi que l’on peut élucider, comme on met à découvert la source. C’est à partir de cette foi que l’on peut commencer le chemin de la nouvelle naissance en Christ. C’est tellement manifeste lorsqu’on a affaire à de jeunes parents. Devant le visage du nouveau-né, leur foi en la vie est manifeste, sauf accident. À partir de là, un chemin peut s’inaugurer. En revanche, si cette « foi de quiconque » n’est pas présente, comment bâtir plus avant?

Deuxième mode d’accueil: l’hospitalité. Pour être plus précis: vivre quelque chose ensemble qui puisse fonder une relation fraternelle. Par exemple, partager un repas et accueillir le questionnement existentiel de l’autre. Comme disent souvent les psychologues, accueillir l’autre comme autre, mais avec patience et chaleur. À cet égard, il est symptomatique de voir que de nouvelles manières de partager la foi, comme Alphalive, mettent un accent très clair sur la convivialité.

Troisième mode d’accueil: la crédibilité. Celui qui accueille doit être crédible. Autrement dit, sa foi doit avoir une épaisseur existentielle, de sorte qu’elle transparaisse, avant même qu’un mot ne soit prononcé. Les attitudes doivent correspondre autant que possible à l’évangile: respect, bonté, pardon, justice, espérance. Celui qui accueille doit oser être lui-même avec humilité et douceur, dans un profond respect de la liberté de l’autre.

Sur le fond de ces trois aspects du mode d’accueil, il importe de développer trois piliers pratiques qui devraient être indissociables: partage de l’Ecriture, relecture de la vie, intériorité.

La sainte Ecriture est parole vivante, comme nous le savons tous. Elle est au fondement de notre foi, bien avant le catéchisme. Le partage de l’Ecriture a quelque chose de vivifiant. C’est pourquoi, on ne peut se contenter d’un enseignement à propos de l’Ecriture. Il s’agit de faire découvrir qu’elle a une influence sur la vie. Il s’agit aussi de donner parole sur la Parole. Chacun doit pouvoir dire ses étonnements, ses questions et surtout ses découvertes existentielles à partir de la fréquentation de la Parole.

La relecture de vie est tout aussi importante. Saint Ignace de Loyola en fut un maître. L’Action catholique l’a développée sous la forme de la révision de vie. Il s’agit de voir ce que je vis, ce qui réjouit, ce qui donne à souffrir, ce que j’espère, de manière très concrète. Et de corréler cette lecture très réaliste avec la Parole de Dieu, pour que cette dernière éclaire ou déplace le sentiment ou l’action quotidienne dans le sens d’un plus grand amour, d’une plus grande justice, d’une plus ferme espérance. Cette relecture de vie s’est estompée dans la pastorale des quarante dernières années. Elle est pourtant nécessaire si l’on veut naître et renaître les yeux ouverts.

L’intériorité enfin. C’est à l’intérieur de l’homme que se vit le cœur à cœur avec Dieu, ainsi que la transmission des énergies divines. Saint Augustin l’a montré avec une force inégalée. Il est donc fondamental que cette intériorité puisse être cultivée. Cela fait partie de la mission de l’Eglise que d’en montrer les chemins au travers d’une prière qui conduit au silence, qui offre le silence comme un contact intime avec Celui qui est la source de toute vie. En ce sens, la communauté de Taizé a trouvé des pratiques très simples et très belles: quelques « ostinati« , une Parole biblique assez brève, un commentaire bref lui aussi, un long temps de silence en commun, et encore quelques « ostinati« , ces chants longuement répétés qui appellent à la profondeur.

Parfois, quand on parle de pastorale d’engendrement, des prêtres et agents pastoraux déclarent: « rien de neuf sous le soleil!? ». Oui et non. Ces pratiques et ces attitudes sont connues, en effet. Augustin, Ignace et tant d’autres en sont les témoins. Mais, tout de même, il y a un changement de paradigme que la société d’aujourd’hui nous invite à faire: passer d’une pastorale enseignante, dogmatique, moralisatrice et prescriptive à une pastorale beaucoup plus inductive qui permette de faire route avec les personnes et de les aider à découvrir les sources de la vie. Mettre ensemble partage de l’Ecriture, relecture de la vie et intériorité, représente vraiment un grand changement pratique, du moins chez nous. Pour que ce changement ait lieu, il faut pouvoir le décliner dans une transformation progressive de notre manière de porter la charge pastorale.

En conclusion, j’aimerais dire que cette pastorale d’engendrement repose sur une parole toute simple de Jésus. Quand sa mère et sa famille viennent le chercher à Capharnaüm, parce qu’ils craignent qu’il aille trop loin, Jésus répond, en s’adressant à la foule: « Qui est ma mère? Qui sont mes frères? Celui qui fait la volonté de mon Père, voilà mon frère, ma sœur, ma mère » (Marc 3, 32). Si nous prenons cette parole dans son sens le plus fort, nous sommes appelés à devenir « la mère de Jésus ». Non pas comme Marie, bien sûr. Mais notre vie et notre action pastorale doivent avoir pour but que la présence vivante de Jésus soit engendrée au cœur de chaque homme, pour son bonheur et son espérance.

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L’Abbé Marc Donzé, après avoir été vicaire épiscopal pour le canton de Fribourg pendant six ans, vient d’être nommé Vicaire Episcopal pour l’Eglise catholique dans le Canton de Vaud par Mgr Charles Morerod, nouvel évêque du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg. Spécialiste de Maurice Zundel, il a été professeur ordinaire de Théologie pastorale à l’Université de Fribourg de 1986 à 1997 avant de retourner à la pastorale paroissiale, puis cantonale.

 

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Etre catéchète: un art qui donne à réfléchir https://www.revue-sources.org/etre-catechete-un-art-qui-donne-a-reflechir/ https://www.revue-sources.org/etre-catechete-un-art-qui-donne-a-reflechir/#respond Sun, 01 Apr 2012 11:43:18 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=141 [print-me]

Souvent, dans ma vie de catéchète, je me suis trouvée face à la même interrogation: pourquoi les enfants des dernières classes primaires sont-ils devenus indifférents, même ironiques, par rapport à ce qui, de près ou de loin, touche à la religion? Pourquoi rejettent-ils soudain ce Dieu qui fut le compagnon de leur petite enfance. Le passage de l’enfance à l’adolescence est-il si préjudiciable à Dieu?

Un constat amer

Pour essayer de comprendre, je suis allée à la rencontre d’une vingtaine de jeunes romands, âgés de 18 à 25 ans, impliqués dans la pastorale de leur région. Manifestement, la catéchèse n’a pas été déterminante dans leur engagement. L’appel de Dieu est passé par d’autres médiations. Un membre de la famille croyant, un groupe de prière, une retraite au désert ont été plus convaincants et montrent l’importance de la relation.

Pour moi, catéchète depuis plus de vingt ans, le constat a été un peu amer: tant d’énergie déployée pour ces chères têtes blondes qui n’ont pratiquement rien retenu, sauf peut-être les retraites de première communion et quelques farces faites à la catéchiste.

La découverte de la catéchèse biblique symbolique, que je pratique maintenant depuis quatre ans, m’a poussée à une remise en question de ma pratique. Elle m’a fait prendre conscience de l’importance de respecter chaque étape du développement spirituel de l’enfant et d’être très attentive à un passage crucial entre 9 ans et 11 ans. C’est le moment où l’enfant passe d’un univers mental à un autre. Là se joue l’avenir de la foi de l’adulte qu’il est appelé à devenir.

La Bible dit-elle vrai?

Le petit enfant entre de plein pied dans la relation avec Dieu, tant que l’esprit cartésien ne fait pas encore obstacle à son imagination et à sa capacité d’émerveillement. Traditionnellement, on dit qu’entre 3 et 7 ans, l’enfant se situe dans la pensée magique. Il explique tous les phénomènes en inventant la réponse qui le satisfait momentanément. Que les animaux parlent ou avalent un être humain pour le recracher ensuite ne le dérange absolument pas.

Mais, un jour vient où l’enfant rejette le merveilleux. « Depuis Piaget, on sait que sur le plan psychologique, aux alentours de 7 ans, l’évolution du cerveau de l’enfant se parachève. Il acquiert alors en quelques semaines la ‘réversibilité mentale’, c’est-à-dire la possibilité du retour sur soi, qui aura de multiples conséquences sur son développement. »[1] Il déploie peu à peu la capacité de s’interroger, de structurer la réalité de façon rationnelle, de prendre du recul par rapport à ses propres réactions. Les apprentissages scolaires vont accentuer encore cette tendance. Est vrai ce qui se voit, se démontre, se prouve.

Dans ce processus de maturation, il est un moment charnière et capital: l’âge de 10 -12 ans. L’enfant commence à manier la pensée rationnelle. Il entre dans un univers mental technique. L’école développe sa pensée logique. Il rêve moins et ressent de la difficulté à exprimer ses sentiments. Ce qui n’entre pas dans cet univers est considéré par lui comme invraisemblable et il le rejette. L’enfant de cet âge trouve souvent peu de soutien de la part de ses parents qui n’ont plus de réponses. Une question va immanquablement émerger: « Est-ce que c’est vrai, ce que dit la Bible? » ou encore « Est-ce que tu crois vraiment ce que dit la Bible? »

Si personne ne prend en compte les incohérences entre un discours de foi et la vie de l’enfant, si on esquive ses interrogations en donnant des explications toutes faites, si les catéchètes ne sont pas préparés à accompagner ce questionnement, le passage critique, mal négocié aboutit à de la révolte, de l’ironie ou à un sentiment désabusé chez les jeunes. Car tôt ou tard, l’enfant va devoir se positionner: accepter ou refuser la vérité de la Bible. L’art d’accompagner l’enfant et de le préparer à traverser cette période critique est primordial.

« L’autrement dit » du récit biblique

Catéchiser, c’est « faire résonner une parole à l’oreille d’un auditeur« . Katêchein en grec signifie « faire résonner (echein) de manières multiples (kata) [la Parole].»[2]

Apprendre à écouter en soi l’écho de la Parole de Dieu

Le pape Benoît XVI, devant une conférence épiscopale européenne, a rappelé l’importance du travail sur la Parole de Dieu: « Je voudrais recommander l’antique tradition de la lectio divina à chaque fidèle. La lecture assidue de la Sainte Ecriture, accompagnée de la prière, réalise cet entretien intime dans lequel, en lisant, on écoute Dieu qui parle et en priant on lui répond, par la confiante ouverture du cœur et par la foi. Cette pratique, si elle est efficacement encouragée, apportera à l’Eglise, je suis convaincu, un nouveau printemps spirituel.« L’étymologie du mot pousse d’emblée à constater que la Parole de Dieu est mise au centre de l’action catéchétique. Résonner implique un son accompagné de résonnances: faire résonner une parole, ici la Parole de Dieu, apprendre à écouter en soi l’écho de la Parole de Dieu, de manières multiples, dans une diversité d’approches, « en soi » spécifiant bien que la Parole est entrée à l’intérieur, que l’enfant l’a intégrée.

Et le pape ajoute: « la lectio divina est l’élément fondamental dans la formation du sensus fidéi, du sens de la foi, et à travers la lectio divina on peut devenir un chrétien vrai, mûr et adulte.« [3]

La Bible est un laboratoire pour y apprendre à voir, à comprendre comment Dieu voit et agit. C’est un lieu d’apprentissage d’un savoir-vivre avec Dieu, en le fréquentant au gré des rencontres avec les différents personnages bibliques. Dieu parle, il faut l’écouter. Mais sa Parole n’est pas celle de notre monde positiviste, limitée à ce qui est visible, concret et matériel. Le monde de Dieu tient du mystère et pour comprendre sa Parole, il est nécessaire d’apprendre à entrer dans le double sens des images bibliques, dans «l’autrement dit » du texte. Quelle joie pour le catéchète quand un enfant s’exclame, après avoir discuté, creusé, ruminé avec ses camarades, une bizarrerie du texte: « Ah mais on peut comprendre autrement! ».

Comment l’enfant change-t-il dans sa tête?

Souvent, les parcours de catéchèse sont organisés par thèmes, thèmes de la foi chrétienne ou de la vie relationnelle de l’enfant, en famille, à l’école etc. Le récit biblique vient corroborer des idées déjà formulées. Or l’enfant, entre 7 et 11 ans, ne raisonne pas en idées, mais en images. Il est concret. Si nous commençons par raconter un récit biblique, sans a priori, l’enfant fera forcément des liens avec ce qu’il connaît et ce qu’il vit, et le récit lui permettra d’exprimer son expérience, à son niveau de parole, et non comme l’adulte l’attend.

L’enfant qui, à 7 ans, adhérait au fait qu’un poisson puisse avaler un homme puis le recracher ensuite, réalise, deux ans plus tard que cette situation est invraisemblable, et il le dit. C’est alors que l’adulte lance la discussion dans le groupe en faisant circuler la parole, en suscitant des rapprochements avec d’autres récits bibliques ou des situations de vie et en s’abstenant surtout de donner sa propre réponse afin de respecter le rythme de l’enfant et son niveau de parole. Progressivement, ce dernier comprend qu’il y a quelque chose à décrypter: cet homme dans les entrailles du poisson, trois jours et trois nuits, peut lui ouvrir un nouvel espace de sens. L’enfant évolue par lui-même, en changeant d’univers mental, grâce à la recherche commune menée par le groupe en faisant des liens avec d’autres récits bibliques mis en mémoire.

Les pédagogues nous le disent, l’enseignement conçu de façon à faire acquérir un message essentiel, théologique ou moral est peu efficace: « Les activités les plus susceptibles de provoquer des apprentissages signifiants et permanents chez l’élève sont des activités de résolution de problèmes (…) C’est un contexte idéal d’apprentissage parce que chaque phénomène est présenté dans toute sa complexité et que l’élève doit établir de nombreuses relations entre ses connaissances. ».[4]

Genèse de la catéchèse biblique symbolique

Cet enjeu-là, Claude et Jacqueline Lagarde, un couple de catéchètes français, l’ont repéré dans les années septante déjà. Depuis plus de trente ans, ils proposent une pédagogie de la Parole qui n’est pas nouvelle, mais inspirée par l’exégèse rabbinique dans sa méthode, et par celle des Pères de l’Eglise dans son orientation: la catéchèse biblique symbolique. Elle permet de dépasser le sens littéral de la Bible pour découvrir le sens spirituel. Il se trouve que cette démarche a une parenté évidente avec le programme de catéchèse Porte Parole, émanant du diocèse de Montpellier, appliqué depuis peu dans les classes de 4e, 5e et 6e primaire du canton de Fribourg.

Claude et Jacqueline Lagarde ont écouté et enregistré des centaines d’enfants et d’adultes de tous âges lorsqu’ils parlent à partir de textes bibliques. Ils ont retranscrit et analysé ces enregistrements pour comprendre comment les enfants comprennent et ils ont découvert qu’en fonction de leur âge, les enfants utilisent différents niveaux de parole. Forts de cette constatation, ils ont mis au point une grille opérationnelle qui permet de comprendre les divers univers mentaux à l’œuvre chez l’enfant et de dialoguer avec lui selon le niveau de parole dans lequel il se trouve. Ainsi, il est possible d’adapter l’apprentissage de façon à ce que l’enfant ou l’adolescent puisse progresser au mieux dans la découverte du sens de la Parole de Dieu et de la prière. Les adultes aussi passent d’un niveau de parole à l’autre.

Les niveaux de parole

« Le niveau de parole d’un être humain est le rapport, souvent inconscient, qu’il entretient verbalement avec un langage entendu, ou bien avec un texte.« [5]

Voici les quatre étapes que Claude et Jacqueline Lagarde ont mises en évidence:

– la parole anecdotique qui crée la mémoire biblique engrange le trésor de la Révélation. C’est le sens littéral du texte. L’enfant de 3-4 ans en est capable et a plaisir à entendre et à redire les histoires

– la parole analogique qui relie telle image biblique à telle autre. Elle fait des liens entre l’Ancien et le Nouveau Testament, entre les récits et l’expérience personnelle, la liturgie ou les sacrements et enrichit le sens. Entre 5 et 8 ans, l’enfant peut commencer à trouver ces liens

– la parole qui s’étonne devant telle bizarrerie du texte biblique; elle arrête le lecteur, le fait creuser, chercher pour comprendre ou provoque le doute. « La prise en compte de la parole critique n’est pas chose courante dans les pratiques catéchétiques actuelles. Souvent perçue comme menace pour la foi, la pensée critique est rarement valorisée » remarque Colette Beauchemin.[6] Cette remise en question apparaît vers 9-10 ans, c’est précisément le moment crucial à ne pas négliger

– enfin, la parole que les anciens nommaient sens spirituel qui est métaphorique puisqu’elle évoque toujours le ciel avec la terre, l’homme avec Dieu, l’Alliance. Elle peut être possible dès l’âge de 11-12 ans.

Le passage de l’extériorité vers l’intériorité

L’observation des niveaux de parole réactualisés par les Lagarde permet de faire la distinction entre « deux sortes de parole » humaines.

Une parole en extériorité: « la parole qui explique (le langage de la science) (…) selon ce type de parole ou de langage, le monde, les choses sont pour nous des objets dont nous prenons possession (…); cette parole par laquelle nous les maîtrisons, ne nous atteint pas personnellement, elle ne nous change pas (…). » C’est la parole de l’enfant qui a enregistré les données qui l’entourent mais qui ne sont pas de lui. L’implication est superficielle.

Une parole en intériorité: « la parole qui crée » (le langage de la relation entre les personnes; le langage de l’amour). (…) « Ici on ne ‘possède’ pas l’autre comme un objet; l’autre est quelqu’un qui nous interpelle, à qui on répond: on sort de soi pour aller vers lui, on ‘existe’. (…) C’est de ce dernier type qu’est la Parole de Dieu. »[7] Elle exprime la vérité de ce que je suis. C’est la parole de l’adolescent qui veut s’appartenir et se construire et qui se sert de sa parole pour dire sa quête d’identité intérieure. Cette parole est consistante et structurante, c’est la parole en Alliance. « Les mots et le langage ne changent pas mais la façon de s’y rapporter est tout autre; ils ne veulent pas dire la même chose pour celui qui les emploie. Par exemple lorsque le mot ‘feu’ est utilisé dans une parole en intériorité, il prend une valeur symbolique et analogique pour évoquer une expérience intérieure. On comprendra que le langage biblique et liturgique nécessite une implication personnelle du sujet pour pouvoir déployer son sens existentiel et spirituel.»[8]

Le catéchète doit devenir animateur, accompagnateur

Quelles qualités le catéchète doit-il cultiver?L’Alliance, cette union intime du Créateur et de sa créature, suppose l’engagement de tout l’être créé. Une pédagogie explicative, comme on l’a beaucoup pratiquée depuis le 17e siècle jusqu’à maintenant, reste en extériorité. Elle n’oriente pas l’enfant vers la relation à Dieu, la prière et la foi, mais vers le monde extérieur et ses règles. Pour permettre ce passage, Claude et Jacqueline Lagarde proposent une initiation à la Parole et à la prière biblique. Ce passage de la parole biblique à la prière est capital. L’enfant nourri par les Ecritures, habitué à les parler, les prier, se les approprie pour la vie et éduque son regard.

Il faut un temps d’adaptation pour entrer dans cette démarche. L’enfant doit faire intervenir sa mémoire, sa foi, sa faculté de déduction, ses connaissances bibliques, son imagination, sa persévérance, c’est nouveau. Le catéchète, lui aussi, doit quitter la posture de celui qui enseigne et reproduit une rencontre que l’on a préparée pour lui pour devenir animateur, accompagnateur de chercheurs de sens.

Le catéchète doit captiver l’attention de l’enfant par sa façon de raconter les récits et pour cela il doit les avoir travaillés et médités avec d’autres adultes.

Il doit être directif au niveau des consignes à faire respecter pour permettre à la parole de circuler. Son rôle consiste à aider les enfants à s’approprier la Parole que Dieu leur adresse, les aider à chercher des liens entre les récits, des liens avec leur vie, avec ce qu’ils ressentent de leur relation à Dieu Père, Fils et Esprit, avec la liturgie et les sacrements pour ceux qui les connaissent. Autrement dit, il doit savoir poser les bonnes questions, mais ne pas donner des réponses ou des explications pour faire passer un message, ne pas donner le sens d’un récit que l’enfant ne peut pas comprendre et qui ne restera, (s’il reste…) qu’un sens appris.

Le catéchète doit apprendre à repérer le niveau de parole dans lequel évolue l’enfant et lui tendre des perches afin de l’aider à trouver sa solution à sa question et peut-être l’aider à faire un pas de plus dans sa relation à Dieu.

Le catéchète favorise l’accès des enfants à l’intériorité, par l’apprentissage du silence, en présence et à l’écoute de Dieu. Le catéchète reformule tout simplement le vécu de la rencontre et l’offre à Dieu. Il invite les enfants à continuer sur cette lancée, peut-être en évoquant aussi l’actualité, un événement qu’un enfant lui a signalé mais il évite de formuler des affirmations que les enfants doivent répéter et qui ne leur correspondent pas nécessairement.

En conclusion

Par ce petit exposé issu de mes recherches et expériences en lien avec celles d’amies proches, j’ai essayé de démontrer comment la Parole de Dieu, travaillée dès la petite enfance, permet, avec des outils qui induisent le passage de l’extériorité vers l’intériorité, la croissance de la foi de l’enfant, puis celle de l’adulte.

Il y a bien des façons de penser la catéchèse, j’en suis bien consciente. J’ai présenté la catéchèse biblique symbolique, une parmi d’autres, parce qu’elle m’a ouvert des horizons inespérés. J’y ai vu les fruits dans mon cheminement personnel, dans celui des enfants de mes groupes de catéchèse et plus récemment, dans celui des catéchètes que j’accompagne. Elle a le mérite de centrer les personnes sur l’écoute de la Parole de Dieu et de rendre accessible, par une pédagogie de dialogue et de prière, le lieu de rencontre entre Dieu et l’homme.

« Le Verbe s’est fait chair et il est venu parmi nous » (Jn1,14). Il vient toujours aujourd’hui, habiter notre réalité la plus banale et y tracer ses chemins les plus inhabituels.

La vie de l’Eglise a tout à gagner de ces expériences de la Parole partagée, vécues en petits groupes, entre adultes ou avec des enfants. Des personnes nourries par cette Parole vont la mettre en œuvre dans leur vie et se rapprocher de la communauté ecclésiale au moment où elle prendra sens pour elles.

Une communauté vivifiée par l’engagement de croyants qui articulent leur expérience de foi à partir de la Bible, c’est une communauté qui se rapproche de celle décrite en Ac 2,42 où se vit une diaconie vivante au service du frère.

Pour aller plus loin:

A ma connaissance, les programmes de catéchèse qui s’inspirent de cette pédagogie de la Parole, sont les suivants:

Un Chemin d’Emmaüs, du Diocèse Saint-Jean-Longueuil au Québec (2009) (catéchèse des 8-11 ans).

Ce programme est utilisé dans les classes d’enseignement spécialisé du canton de Fribourg. Il est traduit en italien et utilisé aussi dans des paroisses de Turin et Florence.

Inter-Parole: http://interparole-catholique-yvelines.cef.fr/

Porte Parole: http://www.collection-porteparole.catholique.fr/ (catéchèse de la petite enfance à l’âge adulte)

[1] ALBY, Isabelle, Au caté, comment les intéresser?, Points de repère, n. 213, (septembre-octobre 2006), p. 26.

[2] HOUTEVELS-MINET, Reinhilde, De quelques difficultés actuelles de la pratique catéchétique et de la manière d’y faire face, Lumen Vitae, n. 4 (2004), p. 462.

[3] BIANCHI, Enzo, L’Eglise trouve sa mission dans le service de la Parole de Dieu, in CD, Ecclesia, (2007).

[4] TARDIF, Jacques, Pour un enseignement stratégique, L’apport de la psychologie cognitive, Ed. Logiques, Montréal, 1997, p. 21.

[5] LAGARDE, Claude, Construire le Christ en soi, La symbolisation catéchétique, catechese.free.fr, (10 mars 2009), p. 3.

[6] BEAUCHEMIN, Colette, Une catéchèse qui ouvre la’ parole’ pour ouvrir la ‘Parole’?, Lumen Vitae, n. 2 (2005) p. 211.

[7] CHARPENTIER, Etienne, Christ est ressuscité!, Cahiers Evangile, n. 3 (1973), p. 12.

[8] BEAUCHEMIN, Colette, Une catéchèse qui ouvre la ‘parole’ pour ouvrir la ‘Parole’, Lumen Vitae, n. 2 (2005), p. 209.

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Elisabeth Piller, mère de trois enfants, œuvre depuis plus de 20 ans dans un service de catéchèse. D’abord au sein d’une paroisse de la ville de Fribourg, puis, après un diplôme à l’Institut de Formation aux Ministères (IFM), elle assume une charge d’animatrice au Service catholique de catéchèse du canton de Fribourg.

 

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De l’encadrement à l’engendrement https://www.revue-sources.org/de-lencadrement-a-lengendrement/ https://www.revue-sources.org/de-lencadrement-a-lengendrement/#respond Sun, 01 Apr 2012 11:38:57 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=139 [print-me]

Les parents transmettent à leurs enfants un code génétique, un patrimoine, une entreprise, des biens. Leur grand-mère leur transmet son argenterie, ses bijoux. Ce sont des choses que les enfants vont posséder. Les parents ont-ils la possibilité de transmettre la foi? Pour cela il faudrait que la foi soit quelque chose que l’on puisse posséder. Or la foi ne se possède pas.

La foi est-elle transmissible?

On peut transmettre des valeurs, des notions, des pratiques, on peut apprendre aux jeunes générations le sens de l’accueil, du respect, l’importance des rites, des symboles, on peut enseigner des attitudes, des gestes, des postures, on peut faire mémoriser des prières, des répons, des psaumes. Cela favorisera certainement une sensibilité à la chose religieuse, mais cela transmettra-t-il la foi, une foi vivante dans le Christ Sauveur? La plupart des théologiens actuels réfléchissent à cette question pastorale, car le modèle ancien de transmission ne fonctionne plus. Je laisserai le soin à d’autres de se poser la question de savoir s’il n’a jamais fonctionné…

Qu’est-ce que la foi? Une confiance fondamentale et fondatrice en Dieu? Qu’est-ce qui peut la faire naître? Si quelqu’un a la foi, d’où lui vient-elle? Comment l’a-t-il reçue? Lorsque quelqu’un dit « J’ai perdu la foi », qu’a-t-il perdu? Une confiance fondamentale en la vie? Une certaine représentation de Dieu? Des certitudes? Le Dieu de Jésus-Christ est-il un Dieu que l’on peut posséder? Un Dieu que l’on peut perdre?

Tenter de répondre à ces questions, c’est un peu – si l’on me permet un début d’analogie – comme si on essayait de savoir comment un enfant apprend à lire. Tous les pédagogues vous diront que c’est un mystère. L’enseignant transmet une boîte à outils, pas la lecture! Il montre à ses élèves tous les outils utiles à la lecture, il en décline les fonctionnements, il les aide à expérimenter leur usage. Il met en place des conditions de possibilité de lecture, mais il ne sait jamais ce qui fait que la lecture advient à un élève. L’illettrisme est la difficulté pour l’apprenant d’utiliser les outils proposés. L’analphabétisme est le manque total de transmission de ces outils : les conditions de possibilité de lire n’existent pas.

On ne transmet que la boîte à outils

De cette analogie, je tire l’affirmation que la transmission ne concerne pas la foi, mais ce que j’appelle la « boîte à outils ». Cette transmission d’outils – qui n’est pas à dénigrer – n’a pas forcément plus de chance de trouver du sens si la personne baigne dans un milieu religieux ou non. Dieu surprend même celui à qui nul n’aurait transmis de boîte à outils.

La pastorale actuelle cherche à faire évoluer les pratiques et les représentations vers une catéchèse de cheminement.

Car ce qui n’est pas transmissible, c’est la rencontre personnelle que chaque chrétien fait avec une personne, le Dieu de Jésus-Christ, c’est la révélation qui s’offre à tout être humain, c’est la transformation qui s’opère lorsque quelqu’un touche du doigt le mystère de l’Amour de Dieu, transformation qui peut couver sous la braise très longtemps ou être fulgurante dans le cas d’une conversion brutale.

Il devient donc difficile de parler de « transmission de la foi ». En pastorale on parle maintenant d’engendrement à la foi, de mise en place de conditions de possibilité pour que quelque chose naisse en quelqu’un et/ou pour que quelqu’un naisse à quelque chose. Ce quelque chose étant de prime abord la vie. Puis, parfois, il survient que ce soit la Vie de Dieu, la Vie en Dieu.

Une catéchèse de cheminement

En Eglise et particulièrement en catéchèse, il faut être attentif à la mise en place de ces conditions de possibilité. Plusieurs pistes s’offrent à nous. Tenter d’être un canal pour que l’autre perçoive quelque chose du divin. Entrer en résonance avec l’autre, avec son vécu. Témoigner, dire en mots même maladroits l’indicible de la rencontre, vivre ouvertement du feu intérieur allumé par cette rencontre. Marcher avec les personnes sur leurs chemins de vie, accompagner, guider, précéder par moments, suivre à d’autres. Enseigner lorsque l’on est questionné, se taire souvent. Tout ceci me semble pouvoir permettre que l’autre, rencontré en vérité, découvre sa foi en la vie, l’exprime, laisse entrer la vie de Dieu en lui, choisisse de se plonger dans sa Parole, expérimente la prière… Mais quoi qu’il arrive, le catéchète n’aura rien « transmis ».

Dans la pratique, cela implique de passer d’une pastorale d’encadrement à une pastorale d’engendrement. Encadrer, c’est monter des projets pour des gens qui vont y participer. Tout autre est l’engendrement qui n’a rien d’autre à proposer que de faire route avec des personnes qui ont envie de se mettre en chemin vers la vie et la Vie. La pastorale actuelle cherche donc à faire évoluer les pratiques et les représentations vers une catéchèse de cheminement.

Ce qui peut se passer dans la rencontre et le cheminement est hors de la volonté humaine. C’est quelque chose de l’ordre de l’Esprit qui arrive en nous et révèle à l’autre ce même Esprit qu’il a déjà en lui. Il arrive, plus souvent qu’à son tour, que ce qui se passe chez l’autre fasse vibrer en nous un espace non encore reconnu, comme le Magnificat a pu jaillir de Marie lors du tressaillement d’Elisabeth. Rien de tout cela ne s’appelle transmission, rien de tout cela n’est mesurable. Il ne s’agit que de la Vie toujours en mouvement, déjà-là et toujours à venir.

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Anne Deshusses-Raemy fut enseignante de musique, puis enseignante primaire spécialisée avec des enfants ayant des troubles de personnalité. Après ses études de théologie à Strasbourg, nommée assistante pastorale à Genève, elle enseigne à l’Atelier Oecuménique de Théologie et travaille au Service catholique de catéchèse.

 

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