France – Revue Sources https://www.revue-sources.org Fri, 01 Jun 2018 08:56:30 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.3.1 Rwanda. La fin du silence. Témoignage d’un officier français https://www.revue-sources.org/rwanda-la-fin-du-silence-temoignage-dun-officier-francais/ https://www.revue-sources.org/rwanda-la-fin-du-silence-temoignage-dun-officier-francais/#respond Fri, 01 Jun 2018 04:12:58 +0000 https://revue-sources.cath.ch/?p=2607 Guillaume Ancel: «Rwanda. La fin du silence. Témoignage d’un officier français» Les Belles Lettres, Paris 2018.

Journal de bord d’un officier français qui prit part à l’opération militaire Turquoise au Rwanda en juillet 1994. Selon l’auteur, le premier objectif de cette intervention était de «sauver» ce qui restait de l’armée et du gouvernement rwandais mis à mal par l’offensive du FPR. Elle se transforma par la suite en «opération humanitaire», désarmant les milices extrémistes, ainsi que les militaires infiltrés parmi les réfugiés en fuite vers le Zaïre.

L’auteur ne relate que des faits, rappelle des lieux, des circonstances où il fut impliqué. Ce qui donne à son récit couleur de vérité. J’admirer le courage et l’abnégation de cet homme marié et père de trois enfants, qui expose sa vie pour sauver une galère en perdition. Rien ne l’attachait au Rwanda, si ce n’est l’obéissance aux ordres de sa hiérarchie militaire et une dose d’humanité héritée peut-être de son grand oncle, Alfred Ancel, fondateur du Prado lyonnais.

L’opération qui aurait dû rendre la capitale du Rwanda à ses anciens maîtres devint une opération «humanitaire» dont l’objectif n’était pas clair. En fait, selon le capitaine Ancel, elle se limita à sauver du génocide une poignée de tutsis, tout en facilitant le refuge au Zaïre de militaires gouvernementaux. L’ordre avait été donné de les désarmer au passage, quitte à leur restituer leurs armes dès qu’ils auraient passé la frontière.

Donc grande confusion, aussi bien au sein de la population rwandaise qui ne savait plus qui état ami ou ennemi que dans les rangs militaires français surpris par des ordres contradictoires. Selon Ancel, ce fut le Président Mitterand qui intervint personnellement pour arrêter en plein vol le raid de ses avions contre les positions du FPR.

Ce renversement d’alliances fut trop tardif pour sauver la francophonie et la francophilie du Rwanda qui tomba dès lors dans l’escarcelle anglo-américaine. Lamentable!

Guy Musy

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Le populisme est-il démocratique? https://www.revue-sources.org/le-populisme-est-il-democratique/ https://www.revue-sources.org/le-populisme-est-il-democratique/#comments Mon, 24 Jul 2017 07:40:17 +0000 https://revue-sources.cath.ch/?p=2322 [print-me]«Démocratie» vient du grec et veut dire «pouvoir du peuple». Dans les mots «démocratie» et «populisme», nous entendons le terme «peuple» décliné à partir du grec et du latin. Le populisme, lui aussi, revendique le «pouvoir du peuple». La démocratie et le populisme devraient donc être synonymes, du moins si l’on en croit l’étymologie. Or tel n’est pas vraiment le cas, le populisme étant plutôt une caricature, voire une perversion, de la démocratie, comme l’écrit Marcel Gauchet: «Le populisme est une forme de démocratie corrompue, qui tente de faire croire, de façon illusoire, à l’unité du bon peuple débarrassé de ses parasites et défendu par un bon pouvoir.» [1]

Le populisme fleurit sur les terres en jachère d’une démocratie à bout de souffle. Le besoin de sécurité et le désir d’un pouvoir protecteur semblent aujourd’hui primer sur l’aspiration à la liberté face aux menaces du terrorisme et aux craintes souvent fantasmatiques d’une immigration massive qui supplanterait notre culture. En France, pays des libertés, une enquête Ipsos pour Le Monde publiée le 7 novembre 2016 montre qu’un Français sur cinq serait prêt à choisir un régime autoritaire plutôt que le modèle démocratique actuel. Et lors des dernières élections législatives, l’abstention est devenue majoritaire.

Qui est encore prêt dans notre vieil Occident à mourir pour la liberté? Beaucoup préfèrent se replier en toute sécurité dans une bulle en se réfugiant derrière un écran où ils deviennent les proies de cupides marchands qui les manipulent. Ils ressemblent aux prisonniers enchaînés au fond de la caverne de Platon en train de contempler un jeu d’ombres programmé par d’habiles marionnettistes.[2] La question de l’achat de telle ou telle marque ou du dernier produit technologique obnubile les esprits au point de leur faire oublier l’enjeu de la liberté qui brille dans l’air pur, hors de la grotte. Bref, on peut parler de «dépérissement démocratique» (Dominique Reynier) ou de «démocratie à l’état gazeux» (Gilles Finchelstein), fruit amer d’un profond désenchantement.

Avant d’être Pierre, Jacques ou Jean, une personne unique et libre, je suis allemand, français ou polonais

Nos démocraties libérales se sont de plus en plus livrées aux loups néolibéraux, adorateurs du Veau d’or. Qui commande? L’Etat ou la finance internationale et les multinationales? Le populisme prospère sur un sentiment de dépossession et d’impuissance. Il ne pourra être combattu efficacement que si l’on redonne un sens concret à l’idée de «démocratie libérale et représentative». Nous analyserons ici les quatre piliers du populisme: l’absolutisation du peuple, une identité d’exclusion, la disparition des contre-pouvoirs et la dérive émotionnelle.

Le génie des peuples?

Pour les populistes, le peuple forme une seule entité. Ils exaltent «l’esprit de la nation» ou le «génie du peuple», le célèbre Volksgeist des Allemands. Ce texte de Fichte datant du début du 19e siècle montre bien cette conception: «Pour les ancêtres germains, la liberté consistait à rester Allemands. (…) C’est à eux, à leur langue et à leur manière de penser que nous sommes redevables de tout notre passé national et tant qu’il restera dans nos veines une dernière goutte de leur sang, c’est à eux que nous devrons tout ce que nous serons à l’avenir.»[3] On connaît l’exploitation funeste d’une telle vision par les nazis. Il ne faut cependant pas confondre le populisme avec le nazisme qui en est une dérive extrême et criminelle.

Les peuples ont-ils une âme? Peut-être, mais elle n’est pas monolithique et, surtout, elle n’annule pas l’âme d’une personne. Or dans les doctrines populistes, l’individu tend à se définir par rapport au «tout national» dont il fait partie. Avant d’être Pierre, Jacques ou Jean, une personne unique et libre, je suis allemand, français ou polonais. L’autre est aussi décrit à partir d’un tout ethnique ou religieux, souvent pour mieux le stigmatiser comme arabe, juif ou musulman. Cette subordination de la personne à un tout dans lequel sa spécificité s’efface est dénoncée avec virulence par le philosophe Emmanuel Levinas dans son essai magistral Totalité et Infini où il cherche à comprendre les racines de «l’horreur nazie».

Dans un univers où domine la Totalité, comme c’est le cas chez les populistes, la personne n’existe que par rapport à un ensemble: x’ (l’individu) ne prend sa signification qu’à partir de X (le tout) de telle sorte qu’il existe d’autres entités singulières (x’’, x’’’…) qui se définissent aussi par rapport à X. Exemple : Pierre est français mais Marie, René et Marc sont aussi français. Comme si l’unicité (le caractère unique) de mon moi n’était que le “prime” du x. Comme si ma spécificité de personne – par quoi je diffère de toutes les autres – ne m’était donnée qu’en prime sur un fond commun préétabli. L’individu n’a aucun sens par lui-même Il n’a une signification que par rapport à un tout qui le précède et l’englobe (X): le particulier (la personne) n’existe donc pas en tant que tel. Il s’ensuit que les visages disparaissent: «L’être qui pense semble d’abord s’offrir à un regard qui le conçoit comme intégré dans un tout, écrit Levinas. En réalité il ne s’y intègre qu’une fois mort. La vie lui laisse un quant à soi, un congé, un ajournement qui est précisément l’intériorité.»[4] On comprend donc que « le monde de la Totalité» fasse le lit du totalitarisme, de gauche comme de droite.

Une culture fermée sur elle-même est une contradiction dans les termes.

Cette approche totalitaire dénoncée par Levinas se situe aux antipodes de la vision juive et chrétienne de la personne qui est aussi le fondement de celle des Lumières (Rousseau, Voltaire, Kant…) d’où provient notre démocratie. Avant d’être membre d’une nation ou d’un peuple, l’être humain est une personne unique créée «à l’image et à la ressemblance de Dieu» (Gn. 1, 26). Le génie propre de la personne, issu en droite ligne du Très-Haut, prime sur le génie d’un peuple qui n’existerait d’ailleurs pas sans celui des individus qui le composent et s’associent pour bâtir une civilisation. L’Eglise a toujours souligné cette prééminence de la personne qui a une valeur en elle-même, comme le redit le pape François: «Le bien commun présuppose le respect de la personne humaine, comme telle, avec des droits fondamentaux et inaliénables ordonnés à son développement intégral.» [5] Pour Emmanuel Kant, la personne humaine doit «toujours être considérée comme une fin en soi et jamais simplement comme un moyen». [6] Quant à Emmanuel Mounier, il résume sa philosophie personnaliste par cette belle formule: «La personne est un absolu à l’égard de toute réalité matérielle.»[7]

La démocratie est basée sur cet absolu de la personne et sur le respect de sa liberté. Nous avons donc face à face deux conceptions politiques antagonistes: le populisme et la démocratie libérale. Le premier défend une approche organiciste de la société comparée à un grand corps dont nous serions les cellules, soumises à l’influx du pouvoir central. Comme le dit le politologue Jean-Yves Camus, «la Nation n’est plus basée sur un contrat mais sur un ordre naturel, une communauté d’héritage et de destin à laquelle on ne peut échapper».[8] Les démocraties libérales se fondent au contraire sur la notion de contrat entre des personnes autonomes, comme on le voit chez Rousseau ou chez Kant. Elles sont des associations d’êtres indépendants.

En quoi consiste ce contrat social? Il s’agit d’abandonner ma «liberté folle» qui a tendance à piétiner celle de l’autre mais aussi à être menacée par plus fort que moi pour la retrouver dans les limites d’une «coexistence des libertés» sauvegardée par l’Etat. Le rôle de ce dernier est donc de garantir un maximum de liberté pour tous, ma liberté s’arrêtant là où commence celle d’autrui. Nous voici donc à l’opposé du néolibéralisme où le puissant écrase le faible et où l’Etat est sommé d’en faire le moins possible. À l’opposé aussi du populisme où un homme fort, petit père du peuple, veut imposer à tous telle ou telle idéologie du bonheur au nom d’une volonté populaire gravée dans le marbre de la tradition qu’il prétend incarner.

L’idéal et le modèle d’une démocratie authentique se trouve très bien décrit dans la splendide vision du Règne des fins chez Kant. C’est une communauté de personnes qui, en tant que «fins en soi», s’associent librement sous un régime de lois nées de la pure raison basée sur l’autonomie de leur volonté délivrée de la servitude des pulsions. Un idéal loin d’être réalisé mais qui n’en demeure pas moins le paradigme de toute démocratie comme le précise Jean-Luc Nancy: «La démocratie, c’est l’Idée de l’homme se considérant comme intégralement autonome.» [9]

Une identité d’exclusion

Le populisme joue à la tortue et se replie sous sa carapace mais aussi au hérisson qui se met en boule en hérissant ses piquants contre les dangers externes. Ces menaces sont clairement pointées du doigt: la globalisation et l’immigration qui en découle. Elles mettent en péril à la fois notre niveau de confort (risque de dumping salarial) et notre façon de vivre en affaiblissant nos traditions. La question identitaire tend d’ailleurs aujourd’hui à tout dominer, y compris l’aspect économique, suite notamment aux attentats terroristes.

Face à cela, les populistes veulent réaffirmer l’identité nationale ou religieuse pour défendre nos valeurs contre ce qu’ils perçoivent comme une invasion mortifère menant à une perte totale de nos repères et même à «un grand remplacement» de notre culture par l’islam, grâce à la démographie galopante des populations immigrées. D’où l’appel à un retour à nos racines, à une «vraie Suisse» ou «vraie France» qui serait de race blanche et chrétienne. On met alors en avant la supériorité de la civilisation européenne venue de Jérusalem et d’Athènes, berceau de la démocratie.

Pour asseoir leur pouvoir, les populistes cherchent donc à discréditer les contre-pouvoirs, notamment la justice et les médias

Le problème ici n’est évidemment pas l’enracinement dans des valeurs chrétiennes ou humanistes qu’il convient en effet de redécouvrir. Le danger, c’est de réaffirmer ces valeurs contre d’autres, en préconisant un choc des cultures et des identités, voire une guerre des civilisations pour promouvoir une tradition qui serait seule valable et aurait seule droit de cité. Cette attitude du hérisson n’est-elle pas une perversion du christianisme et de l’humanisme des Lumières? Il faut l’affirmer avec force: une culture fermée sur elle-même est une contradiction dans les termes. La culture ne se réduit pas à une monoculture et l’enracinement n’exclut en aucun cas l’ouverture comme nous le montre l’image de l’arbre: plus ses racines sont profondes, plus il s’ouvre largement vers les quatre horizons et vers le ciel. L’ouverture est donc proportionnelle à l’enracinement. Une culture qui se replie sur elle-même est condamnée à dépérir, comme un arbre qui se rabougrit.

Plus grave: une identité qui se ferme et se pose contre les autres peut devenir meurtrière, pour reprendre le titre d’un célèbre livre d’Amin Maalouf, mon condisciple du Collège de Jamhour au Liban: «Il suffirait à chaque personne de se poser quelques questions pour se découvrir complexe, unique, irremplaçable. Si j’insiste à ce point, c’est à cause de cette habitude tellement répandue et fort pernicieuse d’après laquelle, pour affirmer son identité, on devrait simplement dire «je suis arabe», «je suis français», «je suis noir», «je suis musulman» ou «je suis juif.» [10] J’ai moi-même assisté à la montée des «identités meurtrières» au Liban qui a débouché sur une guerre terrible. S’enfermer dans une appartenance devient une source de violence. On le voit même dans les rixes entre supporters de clubs sportifs. Bref, avant d’être suisse, français ou fan de telle équipe, je suis une personne unique, un composé unique de nombreuses identités mais aussi un être humain doué de raison, citoyen du monde relié à tous mes frères et sœurs en humanité.

Le populisme cherche à nous ligoter dans une seule appartenance. En ce sens aussi, il se situe à l’opposé du christianisme qui rejette toute identité fermée et tout nationalisme exacerbé, comme l’écrit magnifiquement saint Paul: «Il n’y a plus ni Juif ni Grec, ni esclave ni homme libre car vous êtes tous un en Jésus-Christ.» (Gal. 3, 28).

Un homme, un peuple: la disparition des contre-pouvoirs

Toute démocratie digne de ce nom implique des contre-pouvoirs. Au 19e siècle déjà, Tocqueville mettait en garde contre ce qu’il appelait une «tyrannie de la majorité» dérivant directement d’une opinion publique manipulée. Sous un régime vraiment démocratique, le pouvoir ne doit pas être concentré dans les mains d’un seul homme ou d’une seule instance, même s’ils prétendent être l’émanation du «peuple authentique». D’où l’idée élaborée par Locke (1632-1704) puis par Montesquieu (1689-1755) de la séparation des pouvoirs pour lutter contre les abus. On distingue ainsi le pouvoir législatif qui fait les lois, le pouvoir exécutif qui gouverne et le pouvoir judiciaire exercé par les juges. On y ajoutera aujourd’hui le pouvoir médiatique basé sur la liberté de la presse et qui est censé apporter un regard critique sur le fonctionnement de l’Etat.

Or le populisme entend restaurer l’unité du «vrai» peuple autour d’un «vrai» chef qui l’incarne et qui se présente comme le protecteur de la nation. «Privilégier le lien direct entre le peuple et le dirigeant est la définition même du populisme» écrit Jean-Yves Camus.[11] Plutôt que de faire appel à des assemblées législatives et à des juges, on préférera le recours aux référendums dans le but de plébisciter le pouvoir en marginalisant tous les corps intermédiaires. Le leader charismatique veut le monopole de la représentation populaire. Louis Napoléon Bonaparte, en 1844, résume très bien ce projet: «On ne peut gouverner qu’avec les masses; il faut donc les organiser pour qu’elles puissent formuler leurs volontés et les discipliner pour qu’elles puissent être dirigées et éclairées sur leurs propres intérêts.»[12] Des intérêts que seul le grand chef comprend réellement, contrairement à tous les parasites qui hantent les parlements! Ne sommes-nous pas ici en train de nous éloigner de l’Etat de droit?

Pour asseoir leur pouvoir, les populistes cherchent donc à discréditer les contre-pouvoirs, notamment la justice et les médias, dans le dessein de les affaiblir. Le principe de la séparation des pouvoirs est menacé. Le cas de Donald Trump est exemplaire: tout au long de sa campagne et encore maintenant comme Président, il ne cesse de stigmatiser les médias, les juges et même les législateurs. Tous plus ou moins pourris! Mais heureusement qu’aux USA les contre-pouvoirs existent et résistent. Par exemple, de simples juges ont réussi à mettre en échec les premiers décrets sur l’immigration de Monsieur Trump.

Notons que ces dérives populistes contaminent actuellement la plupart des partis. Ainsi, en France, les affaires Fillon et Ferrand, tous deux accusés d’avoir abusé de leur position politique pour s’enrichir, dévoilent au grand jour une tentative de court-circuiter le système judiciaire pour s’en remettre au suffrage du brave peuple. «Les médias et les juges veulent notre perte, entend-on. Ce sont les électeurs qui trancheront.» Mais le peuple a-t-il toujours raison et surtout est-il compétent en ces matières judiciaires? À ce petit jeu populiste, Fillon a perdu puisqu’il ne fut pas élu tandis que Ferrand, réélu dans sa circonscription en surfant sur la vague du nouvel Emmanuel, a lui remporté la mise. N’est-ce pas une forme d’injustice?

Nous sommes à nouveau ici face à deux conceptions démocratiques, dont la deuxième n’est qu’une caricaturede la première: la démocratie libérale ou parlementaire et le populisme qui revendique une démocratie directe comme dans l’Antiquité mais qui devient une démagogie autoritaire. Autrefois en effet, par exemple à Athènes, un peuple peu nombreux et qui n’était pas plongé dans les tâches multiples de notre époque, avait le temps de se réunir sur la place publique pour choisir ses lois puis élire directement son gouvernement. C’est sur cette image mythique et idyllique que s’appuient certains populistes. Mais aujourd’hui, des millions de citoyens sur-occupés n’ont plus le loisir de prendre soin directement des affaires publiques.

D’où la nécessité d’une délégation du pouvoir populaire à des instances représentatives tels les parlements. Les théoriciens du libéralisme l’avaient bien compris dès le 19e siècle, comme le précise le philosophe Florent Guénard: «Les penseurs libéraux substituent au modèle antique de la démocratie directe celui du gouvernement représentatif: les citoyens, concentrés sur leurs activités propres, consentent à déléguer leur pouvoir à des représentants élus.»[13] En l’absence de ce principe de délégation, on aura tendance à considérer le peuple comme une seule masse à «éclairer» puis à plébisciter, souvent à coups de slogans simplistes.

La dérive émotionnelle: bouc émissaire et théories du complot

Le populisme fait davantage appel aux émotions qu’à la raison et à ses concepts universels. Pour les populistes, l’être humain se définit avant tout comme une somme de pulsions qu’il s’agit d’exploiter au mieux en vue du pouvoir. Les citoyens sont appelés à voter avec leurs tripes. Comme un seul homme. Cette dernière expression est significative car l’individu se fond dans une même masse en fusion sous la domination d’une émotion comme la colère contre l’étranger ou l’enthousiasme pour le chef. Il se dépersonnalise en cessant de réfléchir pour adhérer sans réserve à des mots d’ordre.

Comment les populistes s’y prennent-ils pour souder leurs troupes? Ils désignent un bouc émissaire à la vindicte populaire et sollicitent nos plus bas instincts comme la jalousie, l’égoïsme ou la haine pour les tourner contre lui. Ce bouc émissaire a le visage de l’immigré, du musulman assimilé à l’islamiste ou alors il est le financier international sans visage qui saigne le peuple. La personne humaine, nous l’avons vu, se réduit au rôle d’un mouton au sein d’un troupeau dans lequel il y a aussi quelques moutons noirs dénoncés par le berger attisant le ressentiment des autres brebis contre eux. Caricatural? Certes mais il n’en demeure pas moins que cette image du mouton noir à expulser figurait sur une célèbre affiche de l’UDC (Union démocratique du centre), principal parti de Suisse.

D’autres parlent de complot fomenté par les médias, les «gens de Bruxelles», les musulmans ou les juifs. Même François Fillon a parlé d’un «cabinet noir» en train de s’acharner contre lui et ses fidèles. Le populiste fait de lui et de ses ouailles des victimes pour mieux les rassembler autour de lui en suscitant un sentiment de révolte. Ajoutons que ce complot se trame toujours contre le «pays réel», par exemple la France profonde ancrée dans une tradition séculaire.

Pour conclure, le populisme est le nom latin de la démagogie plutôt que de la démocratie. L’appel à un peuple idéalisé, la culture du chef et surtout la sollicitation des émotions les plus basses nous éloignent à grands pas de la démocratie. Le populisme? Une perversion de la démocratie et de la notion de personne humaine.[print-me]


Jacques de Coulon a étudié la philosophie et les sciences des religions à l’Université de Fribourg, notamment auprès d’Emmanuel Levinas. Ancien recteur du Collège Saint-Michel à Fribourg , professeur de philosophie et de sciences religieuses, il a écrit une quinzaine d’ouvrages traduits dans plusieurs langues sur la spiritualité, la philosophie, l’éducation ou la poésie, dont La philosophie pour vivre heureux (Jouvence), Les méditations du bonheur, Soyez poète de votre vie ou Imagine-toi dans la caverne de Platon (Payot & Rivages). Chroniqueur à La Liberté, il donne des conférences et des séminaires, tant en Suisse qu’à l’étranger.


[1] In: L’Obs hors série numéro 95, Démocratie et populisme, printemps 2017, p. 9.
[2] Voir notre ouvrage Imagine-toi dans la caverne de Platon, Paris, Payot, 2015.
[3] Fichte: Discours à la nation allemande, 8ediscours, 1807-1808.
[4] Emmanuel Levinas, Totalité et Infini, Martinus Nijhoff, La Haye, 1972, p. 26.
[5] Pape François, Laudato Si, 156
[6] Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, trad. V. Delbos, Paris, Delagrave, 1979, p. 150.
[7] Emmanuel Mounier, L’engagement de la foi, Paris, Seuil, Livre de Vie, 1968, p. 34.
[8] In: L’Obs hors série numéro 95, Démocratie et populisme, printemps 2017, p.19.
[9] Ibidem, p. 55.
[10] Amin Maalouf, Les identités meurtrières, Paris, le Livre de Poche, 2001, p. 28.
[11] In: L’Obs hors série numéro 95, Démocratie et populisme, printemps 2017, p.19.
[12] Ibidem, p. 54.
[13] Ibidem, p. 46.

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Laïcité, une chance ou une catastrophe? https://www.revue-sources.org/laicite-une-chance-ou-une-catastrophe/ https://www.revue-sources.org/laicite-une-chance-ou-une-catastrophe/#respond Wed, 01 Jan 2014 13:17:05 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=187 [print-me]

Un roman drôle et enlevé peut servir de parabole. Il s’agit de comprendre le rapport paradoxal que les Français entretiennent avec la laïcité. Le Mobilier national de Laurence Cossé (Gallimard, 2001) raconte les affres d’un haut fonctionnaire du ministère de la Culture.

Le fardeau

Malgré les guerres de religion, les guerres civiles, les conflits ravageurs avec les Anglais et les Allemands (pas avec les Suisses – ouf!), d’innombrables et magnifiques monuments religieux se dressent toujours au cœur des villes, sur les collines du bocage, au bord des rivières. Ils sont l’un des signes du génie français. Ils font la fierté des citoyens, croyants ou athées. Ils inscrivent le paysage dans une histoire où la gloire et la foi faisaient jadis bon ménage.

Rien que pour les cathédrales, une soixantaine de monuments imposants s’élèvent comme un axe au cœur des cités. Sans compter des basiliques rustiques, Vézelay et autres Mont Saint-Michel. Or ses monuments médiévaux coûtent une fortune. Il faut sans cesse les réparer, les restaurer, les entretenir. Ces cathédrales réclament les soins de centaines d’ouvriers spécialisés, d’artisans habiles, d’architectes et d’ingénieurs qui auscultent, diagnostiquent, prescrivent le traitement de sauvegarde. Or c’est l’Etat qui paye. La loi du 9 décembre 1905 a confisqué les bâtiments religieux dont l’Eglise était propriétaire. La république a sur les bras ces magnifiques, énormes et fragiles lieux de culte. Car l’Etat est contraint dorénavant d’entretenir des bâtiments qui servent principalement aux catholiques, et que ceux-ci utilisent gratuitement. La spoliation de l’Eglise se révèle finalement pour elle une libération. Jean-Léger Tuffeau sait que le budget rabougri du ministère de la Culture ne permet plus d’entretenir toutes ces basiliques, cathédrales, chapelles, abbayes, cloitres, clochetons. Il décide d’en sacrifier des dizaines à la dynamite, pour n’en conserver qu’une vingtaine, ceux que la politique de rigueur permet de maintenir en état.

La laïcité à la française est un accident de notre histoire.

Cette fable éclaire les rapports ambigus qu’entretiennent l’Eglise et l’Etat en France. La République laïcarde, en voulant brider la religion catholique, a soulagé celle-ci de l’entretien écrasant de son patrimoine. Elle a confisqué les bâtiments religieux en estimant qu’ils appartenaient au patrimoine commun de tous les français, pas seulement de ceux qui vont à la messe. Ce faisant, elle a offert à l’Eglise l’entretien de son gîte pour l’éternité. Quelques palais épiscopaux sont devenus préfectures, quelques bibliothèques conventuelles ont alimenté le fond poussiéreux des bibliothèques départementales. Mais les cathédrales, entretenues à grand frais par l’Etat sont confiées gratuitement à l’Eglise catholique pour l’exercice du culte. L’Etat prétend contrôler, maintenir les cultes dans un cadre qu’il impose, mais en fait l’Eglise tire admirablement son épingle du jeu.

Difficile laïcité à la française

Un candidat écologiste à la présidence de la république en 2002, Alain Lipietz, affirmait, la main sur le cœur, qu’il fallait défendre la laïcité à la française « que le monde entier nous envie ». On a le droit de douter que le monde entier envie ce particularisme hexagonal. En réalité, il n’apparait pas que cette fameuse laïcité à la française soit exportable, ni qu’elle fasse pâlir d’envie les autres peuples, sauf bien sûr ceux qui vivent sous le régime d’une oppression théocratique. Si les Français prenaient la peine d’observer les usages de leurs voisins européens, ils découvriraient que tous ont des rapports équilibrés si ce n’est pacifiés avec la religion. La laïcité à la française est un accident de notre histoire, un témoin des négociations laborieuses à la suite d’affrontements idéologiques, un compromis entre des fractions antagonistes. Elle n’est en rien la panacée du rapport entre la République et la religion. On peut même douter qu’elle soit un pilier de la République, comme l’affirmait Jacques Chirac, au même titre que la liberté, l’égalité et la fraternité.

La laïcité à la française, c’est un consensus prudent qui affirme que la République ne fait pas acception de la religion des citoyens. Elle ne favorise et ne finance aucun culte.

Sous prétexte de neutralité, la laïcité française considère de fait la religion une menace implicite, un danger permanent pour la vie sociale, une marmite spirituelle bien encombrante. Au lieu d’envisager tout ce qu’objectivement la religion apporte au lien entre les générations, à la vie sociale et culturelle, à l’équilibre des communautés, tout ce que la religion offre d’expérience et de réflexion sur l’éducation, sur la coopération internationale, sur l’accompagnement des personnes malades ou âgées, sur la place de la vie et de la mort, sur l’identité de la personne dans son rapport avec les pouvoirs, la Nation prend acte d’une réalité qu’elle n’a pu effacer, mais la tient à distance.

Une politique schizophrène

Au-delà des lois et du préambule de la Constitution qui rappelle avec vigilance que la France est républicaine et laïque, la question de la laïcité révèle une maladie bizarre des élus. A l’échelon local, le maire, le conseiller général, le député consacrent une grand part de leur pouvoir, de leur budget à la relation avec l’Eglise catholique. Pour un grand nombre de petites municipalités, l’entretien de l’église paroissiale concerne une part importante du budget de la ville. Le maire rencontre volontiers le curé au monument aux morts et à la fête patronale. Le conseiller général de gauche à Marseille et le maire de droite font concurrence pour savoir qui contribuera le plus généreusement à la restauration du couvent des dominicains. Le député socialiste de Lisieux est fier que le recteur de la basilique sollicite son appui financier afin d’agrandir le parking et d’installer des toilettes pour les pèlerins. Tout ça se passe dans la bonne entente, non dénuée d’arrière pensée électorale, parce que l’Eglise catholique est une réalité épaisse et incontournable de la vie française.

La liberté, don de la Grâce, lui est imposée par le régime de la laïcité.

Et puis soudain, lorsqu’on dépasse l’échelon d’une circonscription départementale, les mêmes qui remettaient hier la Légion d’honneur au Recteur de la paroisse de Plouarzé et offraient des subventions importantes au Secours catholique empruntent soudain la posture des Présidents du Conseil moustachus de la IIIème République pour partir (verbalement) en guerre contre les menaces qui pèseraient sur la laïcité, se préoccupent du coût du voyage du pape et de la surface du voile que portent les femmes musulmanes aux marchés de Sarcelles. On peut en sourire, même si ce réflexe révèle un manque de compréhension des enjeux profonds et qu’il blesse parfois les croyants. Jean-Pierre Machelon, doyen de la Faculté de Droit de l’université Paris Descartes et auteur d’un rapport sur les relations des cultes avec les pouvoirs publics, le constate, désabusé: « Depuis une vingtaine d’années, la bannière laïque a réapparu sur le forum, à la faveur de confrontations inédites et de surenchères. »

L’Islam en embuscade

Si notamment la gauche française, en mal de projet, se rabat sur ses vieux poncifs inusables et consensuels auprès de leurs militants les plus obtus, la méfiance sourcilleuse vis-à-vis de la religion s’explique aujourd’hui par le surgissement de l’Islam dans le paysage social et urbain. Une religion identitaire dans ses formes rituelles et qui modèle le croyant dans tous les aspects de sa vie inquiète et irrite. Beaucoup de Français, parce qu’ils ont une identité fragile (Qui suis-je? En quoi crois-je? Qu’est ce que je transmets? ) sont perturbés par les signes exotiques d’une religion qui s’affirme sans complexe. La laïcité française ne privilégiant pas (officiellement) une religion par rapport aux autres, elle réagit globalement face au phénomène religieux en invoquant une menace diffuse qui en fait concerne l’Islam.

D’où la tentation pratique de vouloir « reléguer le religieux dans la sphère privée », quitte à ignorer la place que le religieux occupe intensément ou de manière diffuse dans la vie sociale et relationnelle de la majorité des citoyens. Avec une audace qui a pu dérouter les partisans d’un statu quo vermoulu, le Président Nicolas Sarkozy n’a pas hésité pour sa part à souhaité que la laïcité, arrivée à maturité, « ne considère pas les religions comme un danger mais comme un atout. » (Discours du Latran, 20 décembre 2007). Son projet de « laïcité positive » qui invitait les religions à travailler en synergie avec les pouvoirs publics dans les domaines où « le sens de la vie » est en jeu, n’a guère reçu d’échos, ni du côté du monde politique, ni du côté de l’épiscopat.

Une chance incroyable pour l’Eglise catholique

La laïcité à la française a offert à l’Eglise catholique un mode d’existence précaire qui se révèle une chance. La fragilité de ses ressources contraint l’Eglise catholique à la pauvreté, excellente et stimulante vertu évangélique. Elle oblige les fidèles à la responsabilité, car sans le soutien de l’Etat, l’Eglise dépend intégralement du souci des chrétiens.

L’Eglise catholique ne reçoit aucun subside de l’Etat, et se trouve libre vis-à-vis des pouvoirs publics. La liberté, don de la Grâce, lui est imposée par le régime de la laïcité.

Enfin la laïcité, qui proclame l’indépendance de la religion et de l’Etat, oblige l’Eglise à se penser « dans le monde, mais pas du monde ». La laïcité est une doctrine qui se présente comme un retrait, comme un creux. Cette position offre à l’Eglise le défi stimulant de remplir ce creux. A une pensée qui se veut neutre par rétraction, l’Eglise peut proposer à tous l’hospitalité du Christ. L’Etat laisse le champ libre à la proclamation rafraichissante de l’Evangile, sans prosélytisme mais comme un supplément d’âme.

Aujourd’hui, les catholiques français sont soucieux de s’impliquer avec force et talent dans la vie sociale et politique française. Engagés dans le tissu social et associatif, ils ne se posent pas en retrait, mais au contraire comme des citoyens sans complexe. Ils apportent une singularité revigorante dans le consensus laminant du conformisme intellectuel. Dans le scepticisme ambiant qui atteint la politique, le sport, le syndicalisme et les modèles économiques, leur foi les rend originaux. Bien que pauvre et déconsidérée, l’Eglise est solide parce qu’elle croit.

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Philippe Verdin

Philippe Verdin

Le frère dominicain français Philippe Verdin a été conseiller religieux au cabinet du Président de la République française en 2007 et 2008. Il avait auparavant publié un livre d’entretiens avec Nicolas Sarkozy sur la laïcité positive (La République, les religions, l’espérance, Cerf, 2004).

 

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Les chemins de la foi sur France 2 https://www.revue-sources.org/chemins-de-foi-france-2/ https://www.revue-sources.org/chemins-de-foi-france-2/#respond Tue, 01 Jan 2013 10:53:44 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=373 [print-me]

Et si nous nous engagions sur les «chemins de la foi», titre générique des émissions religieuses que nous propose la télévision française ce dimanche 18 novembre …

Même en nous concentrant sur la foi chrétienne, nous n’oublions pas l’Ancien Testament. Nous entamons donc notre démarche avec le quart d’heure: «Judaïca». L’émission est consacrée au psaume 18 «que nos frères chrétiens récitent avec nous», dit le rabbin. Très vite, les commentaires tournent à la pure érudition.

«Foi, espérance et traditions des Chrétiens orientaux». L’émission porte bien son nom. Elle proclame la foi de manière émouvante à l’heure où on la sait menacée dans les pays de l’Orient chrétien. Si je ne devais en retenir qu’un élément, ce serait les mots de Mgr Gemayel, nouvel évêque maronite en France, fustigeant le «je m’en fichisme» et rappelant que nous partageons «la même foi catholique», même si la liturgie diffère. «On doit trouver ensemble le chemin du Seigneur», dit-il, faisant écho aux mots de Jean-Paul II: «Il est temps que l’Église respire de ses deux poumons, l’oriental et l’occidental».

«Présence protestante»: un documentaire sur une figure missionnaire, certes attachante, à savoir Eugène Casalis qui a apporté la foi au Lesotho.Mais est-ce un cours d’histoire ou une émission religieuse? L’émission s’achève toutefois par trois minutes intenses de prière à partir d’un texte d’Isaïe: Dieu va supprimer la mort de ceux qui nous sont chers.

«Le Jour du Seigneur». Première partie: un commentaire biblique sur Aggée. Intéressant, mais trop bref. On enchaîne avec une exposition sur la pratique religieuse, dont le «but est de comprendre, mais pas de faire du prosélytisme». Toutes les religions sont dans la même salle. Le reportage aurait mieux trouvé sa place dans un quelconque magazine d’actualité plutôt que dans «Le Jour du Seigneur».On y parle de sociologie, mais pas de foi. Le pire est dans le commentaire: «Le Christ est une divinité parmi d’autres. Il faut que le chrétien s’habitue à ce regard porté sur lui!» Je dirais le contraire: il faudrait que le chrétien se réhabitue à être fier de sa foi. Tolérance oui, syncrétisme non! Cette rubrique fait place à la chronique «Vatican II», puis aux témoignages de personnes vivant dans le village d’où sera diffusée la messe. L’église du village est présentée comme une amie fidèle par un couple qui vient de fêter ses noces de platine. Quant à ce restaurateur, travaillant sur le rétable de saint Joseph, il insiste sur le fait que pour lui son travail est une manière de transmettre la foi. La conviction de ces gens nous élève à temps. C’est le moment de la messe.

La messe, précisément. Des nouveaux baptisés sont accueillis. Ils représentent l’espérance «dans ces temps où la transmission de la foi est difficile». Au moment de l’homélie, j’ai comme une crainte. Souvent, lors de messes télévisées (ou non télévisées) j’eus l’impression de revivre ce que saint Paul disait: «C’est du lait que je vous ai donné à boire et non une nourriture solide» (I Cor.3,2), tant il me semblait que la prédication était simpliste. Aujourd’hui, rien de tel. L’homélie est brève, mais puissante. «Il faut avoirles pieds sur terre, mais le cœur au paradis». «La fin des temps, c’est la vie, et non la mort». «La maison du ciel est bâtie avec nos pierres». Autant de paroles qui ne peuvent que réveiller la foi si celle-ci s’était assoupie.

Le magazine qui suit la messe est consacré à la «nouvelle évangélisation». Par sa nature-même, cette partie d’émission doit laisser une place importante à l’information. Les propos de MgrCarré, archevêque de Montpellier, et ceux de Raphaël Cornu-Thénard, créateur du festival Anuncio, vont néanmoins bien au-delà de l’information. Le premier en appelle à la conversion de tous les chrétiens. Le second est allé à la rencontre de personnes éloignées de l’Eglise. Une présence, dit-il, qui évangélise.

L’émission s’achève. Mon sentiment? Oui, la foi était bien présente. Oui, il y a eu de grands moments d’émotion. Oui, la télévision sait proposer la foi. Mais qu’elle ne soit pas timide. Sinon, les émissions religieuses perdent leur raison d’être. Quant à l’érudition, elle est nécessaire et je l’apprécie. Mais elle n’est qu’un véhicule de connaissances qui devraient nous permettre de mieux vivre notre foi.

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Roland Pillonel

Roland Pillonel

Le professeur Roland Pillonel, membre de notre comité de rédaction, est responsable à l’Université de Fribourg de la formation des enseignants du secondaire I et II.

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