Psaumes – Revue Sources https://www.revue-sources.org Wed, 14 Mar 2018 09:08:55 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.3.1 Mensonges et vérités https://www.revue-sources.org/mensonges-et-verites/ https://www.revue-sources.org/mensonges-et-verites/#respond Thu, 15 Mar 2018 02:00:47 +0000 https://revue-sources.cath.ch/?p=2518 Il est question d’enfants et de mensonges dans le dossier de ce numéro. Comme si le fait de mentir était propre au premier âge de la vie. Les enfants mentiraient pour se disculper, échapper à une punition, et donc pour survivre. Mais les adultes eux aussi luttent pour leur survie et se servent du mensonge comme d’un bouclier pour se protéger, eux et leurs amis. «J’ai l’impression de mentir toute la journée!», me disait récemment une personne respectable et… charitable. Il n’est pas certain que le couple biblique «amour et vérité» fasse toujours bon ménage.

Le mensonge serait-il un acte de bienfaisance?

Hors de la sphère individuelle, que de programmes politique fondés sur le mensonge! Notre dossier y fait largement référence. Et pas seulement en Afrique centrale, ainsi qu’une lecture rapide de ce numéro pourrait le faire croire. Le mensonge politique est un fléau notoire qui n’épargne aucun continents. L’article sur les fake news le prouve à l’évidence. Souvenons-nous du grossier mensonge diplomatique qui, il y a quelques années, provoqua au Moyen Orient une catastrophe aux conséquences néfastes incalculables et toujours irréparables. Moins graves et anodines, les promesses électorales mensongère qui n’abusent plus les citoyens des pays dits démocratiques, tant elles leur sont devenues familières. Ils ont fini par savoir les décoder et en faire le tri, avant même qu’elles ne soient soumises à leur consentement.

Le mensonge serait-il notre seconde nature et même – le plus souvent? – un acte de bienfaisance? Les dévots hypocrites reprochent à Voltaire d’avoir cyniquement recommandé l’usage universel du mensonge, jusqu’à déformer ses propos. L’exactitude des dires du châtelain de Ferney serait contenue dans la citation suivante: « Le mensonge n’est un vice que quand il fait mal. C’est une très grande vertu quand il fait du bien. Soyez donc plus vertueux que jamais. Il faut mentir comme un diable, non pas timidement, non pas pour un temps, mais hardiment et toujours. Mentez, mes amis, mentez, je vous le rendrai un jour. » (Lettre à Thiriot, 21 octobre 1736).

Grave question que l’on agitait autrefois dans les cours de théologie morale portant sur la «restriction mentale»[1]. Terme abstrait et aujourd’hui rétrograde qui peut se traduire en proverbe: «Toute vérité n’est pas bonne à dire». Non pas forcément pour se disculper, mais pour ne pas faire souffrir et même pour faire plaisir. Le médecin est-il tenu de révéler à son patient la gravité de sa maladie. Encore faut-il qu’il le sache avec précision et n’engage pas son autorité dans des révélations douteuses et incertaines. Et si c’était le cas, comment le fera-t-il savoir au malade sans lui mentir? Comment l’homme de l’art s’y prendra-t-il avec l’entourage inquiet de la santé de l’un des siens ? Et la famille saura-t-elle répéter le verdict médical au malade? Un exemple parmi des milliers d’autres sur l’usage des connaissances et leur communication appropriée. Quelle intention poursuit-on en taisant ou en affirmant une «vérité» de portée très grave?

J’ai l’impression d’ouvrir une porte que notre dossier ne fait qu’entrebâiller. Notre désir est que nos amis et amies internautes poursuivre ce débat et s’interrogent pour savoir si vraiment toute vérité est bonne à dire. Nous serions même heureux de recueillir leurs avis.


[1] La restriction mentale est une façon de tromper les gens sans être un mensonge pur et simple. Elle a été discutée comme une façon de concilier l’obligation de dire la vérité et de ne pas révéler des secrets à des personnes qui ne sont pas habilitées à les connaître.

 

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Les pauvres, la justice et nous https://www.revue-sources.org/les-pauvres-la-justice-et-nous/ https://www.revue-sources.org/les-pauvres-la-justice-et-nous/#respond Mon, 01 Oct 2012 09:55:59 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=706 [print-me]

Nous sommes à la fois confrontés quotidiennement à toutes les injustices de nos sociétés, les pauvres sont nombreux, et Dieu dans tout cela? Et notre foi?

Pour avoir une perspective correcte, il faut commencer par le Décalogue (les Dix Paroles) et le Code de l’Alliance (Ex 20-23). Ces lois expriment la pensée du Seigneur puisqu’elles le révèlent. Et voilà que ce sont des lois humanistes qui protègent les pauvres. C’est une charte donnée par Dieu, sur laquelle le peuple d’Israël doit fonder sa vie.

La Bible montre ainsi que la justice, c’est-à-dire la protection des faibles et des pauvres, est le souci premier de Dieu. Dans la pensée du Seigneur, son peuple, le peuple élu, devrait servir de modèle, de prototype d’une société juste pour les autres peuples. Ceux-ci pourront apprendre de ce peuple comment faire pour établir une société humaine telle que Dieu la souhaite, qui corresponde à son idée de l’homme et du bonheur des hommes. Pour cela, la place faite à la justice est essentielle.

Et les prophètes, ne jouent-ils pas un rôle de premier plan pour rappeler ce projet de Dieu qui doit s’incarner dans la société israélite?

Effectivement, ils sont chargés par le Seigneur d’insister auprès du peuple élu sur cette mission de mettre en œuvre la justice qui sera exemplaire pour l’humanité toute entière. Cette mise en œuvre de la justice n’est pas un luxe ou un rêve. Elle est la vocation du peuple de Dieu.

La Bible montre ainsi que la justice, c’est-à-dire la protection des faibles et des pauvres, est le souci premier de Dieu.

Lorsque Juda et Israël trahissent cette vocation, aussi bien du côté du peuple que de ses dirigeants, alors les prophètes sont envoyés et élèvent leur voix. Et en particulier quand la justice n’est pas respectée par arrogance (le riche triomphant et méprisant) ou par hypocrisie (un fidèle injuste qui se sent en règle avec Dieu parce qu’il dépense beaucoup d’argent pour une liturgie fastueuse).

Pourriez-vous évoquer quelques textes particulièrement forts?

On peut commencer par une des Dix paroles, le 4e commandement: « Honore ton père et ta mère » (Dt 5,16). Puisque les dix paroles s’adressent à des Israélites adultes, ce qui est en jeu n’est pas l’obéissance que les enfants doivent à leurs parents. Ce qui est visé ici, c’est la situation de parents devenus âgés, qui à cause de leurs infirmités ne peuvent plus se faire respecter eux-mêmes. C’est la raison pour laquelle ils dépendent de leurs enfants adultes qui doivent reconnaître cette dignité d’un père ou d’une mère, quelle que soit la faiblesse de l’âge et quelle que soit la charge que des parents âgés peuvent représenter pour la génération suivante.

Sans ce respect dû aux faibles au sein même de la famille, la société devient inhumaine et brutale. Or un commandement comme celui-ci ne veut pas seulement parler de ce seul cas de personnes âgées qui méritent respect et reconnaissance, mais de tous les cas semblables: des enfants qui méritent respect et protection alors qu’ils ne peuvent pas les imposer eux-mêmes, d’une veuve, d’un orphelin, de personnes invalides etc. De tels commandements ou lois ont une fonction d’exemplarité plus que d’exhaustivité. Les parents représentent ici toute personne méritant le respect, surtout quand elle ne peut plus se défendre elle-même mais dépend de la bonté d’autrui.

Le Seigneur considère le pauvre comme un membre de sa famille.

Il y a ensuite la trilogie des faibles: l’étranger, la veuve et l’orphelin. Ces personnes reviennent souvent dans la Bible et sont présentées comme les privilégiés de Dieu qui se dit d’ailleurs  » père des orphelins ». S’ils n’ont pas d’avocats ici-bas, alors Dieu prendra ce rôle. Un proverbe biblique dit: “Opprimer le pauvre, c’est outrager son Créateur, être bon pour les malheureux l’honore” (Pr 14,31), et un autre: “Qui donne en partage au pauvre prête au Seigneur, lequel paiera le bienfait en retour” (Pr 19,17).

On voit que le Seigneur considère le pauvre comme un membre de sa famille (comme le faisait dans l’Antiquité le patron vis-à-vis des pauvres de son village qui recouraient à lui), si bien que celui qui est bon ou juste envers le pauvre est bon et juste vis-à-vis du Seigneur lui-même. C’est l’anticipation de la parole de Jésus en Matthieu dans la scène du jugement dernier où le Fils de Dieu, en tant que Juge, appelle expressément les pauvres  » ses frères »: Le roi (apparaissant comme le Juge, qui est le Fils de l’homme dans sa gloire) dira: « En vérité, ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères c’est à moi que vous l’avez fait» (Matt 25,40).

Bien sûr, il y a là comme une utopie, mais c’est une utopie provocatrice. Dieu rappelle aux croyants qu’il en est ainsi, et qu’il en sera ainsi au jour du jugement. La parabole du riche et du pauvre Lazare en Luc 16,19-31 montre que l’indifférence à la justice, alors qu’on pourrait faire quelque chose en sa faveur, ne restera pas impunie.

La justice est un fruit de la présence de Dieu sur la terre.

Je désire encore citer le Psaume 85 où Dieu est comme un grand personnage accompagné d’une suite, composée de quatre ministres ou chefs de service: ce sont Amour et Vérité, Justice et Paix. C’est comme une procession qui précède et suit le souverain roi. Il faut noter que ces quatre personnifications s’inscrivent dans deux dimensions fondamentales: la terre et ciel:  » la Vérité germera de la terre (à partir d’en-bas, des entrailles de la terre), et des cieux se penchera la Justice (à partir d’en-haut, descendant du cielcomme l’Apocalypse le dira de la nouvelle Jérusalem, cité de paix qui descend du ciel) » dit encore le Psaume (v. 12).

Ces deux mouvements se rencontrent: un Dieu créateur et fidèle à ses créatures qui leur apporte du haut du ciel le bien inestimable de la justice. Il n’oublie pas les plus petits et ceux qui sont écrasés par l’injustice. La justice et la paix viennent chacune de son côté, l’une vers l’autre, et s’embrassent dans un baiser d’amitié (v. 11). Cette amitié scellera le salut des délaissés car ensemble elles vont se soucier d’eux et les envelopper de leur sollicitude. C’est l’œuvre qui doit se réaliser sur la surface de la terre,  » à l’horizontale », là où les hommes vivent, travaillent et sont en contact les uns avec les autres. Ce Psaume montre de façon poétique la justice et la paix comme deux femmes (ou comme une femme – la justice – et un homme – la paix est masculin en hébreu) qui se rencontrent, comme deux amis ou deux époux, dans la joie de se retrouver, créant ainsi la joie et l’épanouissement de ceux qui auparavant étaient dans la souffrance: c’est une image qui suggère la grâce et la beauté qui entourent la vraie justice et la vraie paix.

On voit ainsi que la justice est un fruit de la présence de Dieu sur la terre. Chaque fois qu’un croyant le prend au sérieux, c’est à la fois Dieu qu’il honore et le monde des hommes qu’il libère de ses fractures et de ses mutilations. Cela concerne chacune et chacun d’entre nous, dans le quotidien le plus immédiat de nos vies. Mais il y a une autre conséquence à tirer. Elle est importante lorsqu’on regarde le monde et les hommes. La voici: quiconque travaille à plus de justice s’approche de Dieu, qu’il le sache ou non.

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Le frère dominicain Adrien Schenker est Professeur émérite d’Ancien Testament à l’Université de Fribourg.

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