Saint Dominique – Revue Sources https://www.revue-sources.org Wed, 21 Dec 2016 12:36:44 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.3.1 Les trois silences de Dominique https://www.revue-sources.org/les-trois-silences-de-dominique/ https://www.revue-sources.org/les-trois-silences-de-dominique/#respond Fri, 01 Jan 2016 15:13:02 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=435 [print-me]

Les Dominicains ont la réputation de parler, de parler beaucoup et sur de nombreux sujets. Ce n’est sans doute pas là un défaut pour des frères qui ont été institués pour être des prêcheurs. Mais de leur fondateur, paradoxalement, les Dominicains parlent peu.

S’il n’est pas rare d’entendre un Salésien dire que c’est bouleversé par l’exemple de saint Jean Bosco qu’il a poussé la porte du noviciat, un Jésuite que c’est à l’école des Exercices de saint Ignace qu’il est entré dans la Compagnie, ou un Franciscain que c’est la figure du poverello d’Assise qui l’a converti, il est assez rare de voir un Dominicain lier son entrée dans l’Ordre à la seule figure de Dominique.

Et pour cause, en dépit des travaux historiques menés depuis les années postérieures au Concile[1. On peut citer, sans prétention d’exhaustivité, les travaux des Dominicains Marie-Humbert Vicaire, Vladimír Koudelka ou encore Simon Tugwell.], c’est plus à travers l’Ordre qu’il a fondé qu’à travers un trait saillant de sa personnalité ou de ses écrits que saint Dominique est renommé dans le monde chrétien. C’est un élément que l’on ne peut pas évacuer quand on évoque l’intuition profonde de Dominique.

Accoutumer notre regard

Parfois, la tentation peut être grande, pour un Dominicain, de se rêver – et donc de se reconstruire – un fondateur aux écrits inspirants, porteur d’un charisme qui le distinguerait clairement des autres saints. Pourtant, il me semble qu’il faille assumer le fait que saint Dominique ne soit pas marqué par ces caractéristiques… ou plutôt que cet effacement, ce silence constituent précisément une de ses caractéristiques.

Mais qui dit effacement ne dit pas inconsistance, bien au contraire. Car l’effacement, le silence de Dominique ne sont pas des fins en soi, elles sont mises au service de la manifestation de plus grand que lui. En ce sens, le charisme de Dominique ressemble plus à une icône qu’à une statue baroque. Sa puissance et sa grandeur ne sautent pas aux yeux, mais en accoutumant notre regard à son apparente austérité, nous sommes portés à percevoir plus que ce qui s’offre à notre vue.

Une fois la prédication prononcée, la voix doit se taire pour que demeure la Parole.

Puisqu’il est question de regard, je vous propose un petit parcours à travers quelques représentations de saint Dominique. Elles nous aideront à saisir en même temps le silence de Dominique et toute la richesse que ce silence laisse transparaître à travers la Parole qu’il prêche, l’Ordre qu’il donne à ses frères et finalement l’amour qu’il porte à tout homme.

Le silence au cœur de la Parole proclamée

Les figures les plus célèbres de saint Dominique sont sans doute celles peintes par Fra Angelico tout au long du XVe siècle. Frère dominicain, le bienheureux artiste florentin a représenté très fréquemment le fondateur de son Ordre sur des fresques ou des tableaux et l’a mis en scène dans diverses attitudes. Pourtant, il ne l’a jamais représenté en train de prêcher.

Encore une fois, le paradoxe n’est pas mince quand il s’agit de figurer celui qui est précisément le fondateur de l’Ordre des Prêcheurs. Les attitudes du saint Dominique représenté par Fra Angelico sont la plupart du temps des attitudes contemplatives ou d’étude de la Parole. Evidemment, on pourra voir ici une volonté de l’artiste de rappeler à ses frères les impératifs de l’observance régulière, oubliée en son temps au profit d’une vie devenue trop mondaine. Mais au-delà du contexte singulier d’exécution de ces œuvres, c’est sans doute la phrase, attribuée à saint Antonin de Florence, confrère de Fra Angelico, indiquant que «le silence est le père des prêcheurs» qui est ici illustrée.

C’est au cœur de cet effacement de Dominique, de ce silence, que va naître l’Ordre des prêcheurs

Ce silence n’est pas uniquement le silence des lèvres, c’est plutôt celui qui proclame que l’on ne peut annoncer l’Evangile à coup d’arguments, de formules-chocs ou d’actions éclatantes, mais uniquement par le témoignage crédible de toute une vie. On rapporte que Dominique aurait dit pour corriger la manière dont un évêque souhaitait lutter contre les Albigeois: «on confondra plutôt les hérétiques par l’exemple de l’humilité et des autres vertus que par l’apparat extérieur ou les joutes verbales»[2. Saint Dominique et ses frères, évangile ou croisade?, Textes du XIIIe siècle présentés et annotés par M-H. Vicaire, Paris, Editions du Cerf, 2007 (1967), p. 76.].

Si le refus de l’apparat extérieur et son remplacement par la mendicité est souvent souligné, on est moins enclin à rappeler la réticence de Dominique à l’égard des joutes verbales. Pourtant celle-ci procède du même mouvement que la pauvreté mendiante. Mendier implique un double abandon: à la Providence, mais aussi à celui à qui le pain est demandé et qui se trouve précisément constitué, s’il l’accepte, instrument de la Providence. Le mendiant pour le Royaume suscite en ce sens la rencontre entre Dieu et l’homme. Il en va de même pour la prédication et Dominique le manifeste dans toute sa vie. S’il prêche, il sait aussi se retirer, laisser à la conscience de son auditeur et à la Parole de Dieu l’intimité nécessaire pour qu’elles puissent – ou non – s’unir. Une fois la prédication prononcée, la voix doit se taire pour que demeure la Parole: «il faut que Lui grandisse et que moi je décroisse» (Jn 3,30).

De fait, Dominique vit une longue expérience de «silence», de 1208 à 1215, alors que sa prédication paraît marquée par un certain échec et que, retiré auprès des sœurs du monastère de Prouilhe, il s’en tient strictement à son activité apostolique, refusant de prendre une part active à la croisade contre les Albigeois. Or, c’est au cœur de cet effacement de Dominique, de ce silence, que va naître l’Ordre des prêcheurs, un ordre de prédicateurs mendiants. Ce premier silence de Dominique est donc un silence face à la Parole, un espace ouvert à la Parole pour qu’elle accomplisse son œuvre dans le cœur des hommes, libres de l’accueillir ou de la refuser.

Le silence au fondement de l’ordre des prêcheurs

Matisse_Saint_Dominique_1950Dominique fait silence aussi dans le rapport qu’il entretient à l’égard de ses frères et sœurs. On pourrait dire qu’il obéit aux membres de son Ordre, au sens étymologique du terme. Le saint Dominique que Matisse peint pour la chapelle de Vence, à partir d’avril 1948, manifeste bien ce second aspect. Dominique y est représenté par une silhouette sans visage, uniquement composée de traces noires sur des carreaux de céramique blancs, placé sur toute la hauteur du mur en face duquel les sœurs dominicaines prient. En quelques traits, beaucoup du fondateur de l’Ordre des prêcheurs est ici signifié: ne pas imposer sa marque, mais circonscrire un espace autour duquel une communauté peut se rassembler et se tourner vers Dieu.

En effet, saint Dominique est un homme d’institution, dans le bon sens du terme. On dit parfois que ce qu’il a légué à son Ordre, ce sont d’abord les Constitutions de celui-ci qui seraient en grande partie de sa main. S’il n’est pas possible de l’affirmer avec certitude, il est clair que Dominique était attaché à la structure institutionnelle et juridique de l’Ordre.

Ainsi, dès 1215, il décide de se rendre à Rome pour faire approuver sa fondation par le Pape. Un tel geste le distingue beaucoup de ses contemporains, plus marqués, au moins dans un premier temps, par une certaine liberté à l’égard de la hiérarchie ecclésiastique. Par ailleurs, même si une série de bulles de décembre 1219 lui confère le titre de «prieur de l’Ordre des prêcheurs», Dominique remet tous ses pouvoirs sur l’Ordre entre les mains du chapitre général des frères quand celui-ci se réunit.

Aujourd’hui, certains pensent qu’être trop attaché au droit dans l’Eglise et à la vie commune consiste à être atteint d’une pathologie peu digne d’un chrétien, libéré du «joug de la Loi». Certes, les excès de légalisme constituent toujours un écueil dangereux. Mais l’exemple de Dominique rappelle que la vie des hommes réunis en communauté, si elle prétend faire l’économie de structures institutionnelles, court le risque d’écraser les plus petits et de voir grandir un pouvoir uniquement centré sur les choix subjectifs de quelques-uns. Si la miséricorde est première, elle est suivie comme en écho, y compris dans la prière d’intercession de Dominique, par la justice. Saint Dominique sait aussi que le charisme d’un ordre ou d’un fondateur n’a de sens que dans la mesure où il est vécu au cœur de l’Eglise, dans un esprit de complémentarité et non de concurrence avec les autres.

Léguer à ses fils et ses filles le contour simple mais ferme des structures de son Ordre est pour Saint Dominique une marque d’amour de l’Eglise et l’ouverture pour eux d’un espace de liberté où la diversité est perçue comme une grâce, un reflet de la grandeur de Dieu.

Le silence pour entendre les cris du monde

Ces deux silences devant la Parole proclamée et devant son Ordre s’articulent enfin avec un silence de Dominique à l’égard du monde. Ce silence à l’égard du monde ne signifie pas que Dominique se retire du monde, mais plutôt qu’il se laisse saisir par le monde tel qu’il est et non tel qu’il voudrait le voir.

Pour appréhender ce dernier silence, nous pouvons, encore une fois, retourner à Vence. Photographiée hors de son contexte, la représentation de Dominique évoquée plus haut peut sembler austère. Mais contemplée dans la chapelle pour laquelle elle a été réalisée, il en va tout autrement.

marisseEn effet, cette œuvre est comme vivifiée quand la lumière du soleil frappe ses vitraux jaunes, bleus et verts. Ce Saint Dominique de Matisse est coloré de différentes manières en fonction de son contact avec un environnement changeant. A travers cette composition, l’artiste a su très bien manifester le fait que de Dominique on ne connaît que quelques traits, mais que sa figure ressort dans la mesure où ces quelques traits qui la composent accueillent ce qui vient du monde, de l’extérieur. Dominique n’est un prêcheur de la Parole puis un fondateur d’ordre que parce qu’il sait vibrer à l’unisson avec ceux qui l’entourent, parce qu’il sait non pas tant écouter le monde, mais reconnaître à travers la voix du monde un appel de Dieu.

Un témoin cité au procès de canonisation rapporte ainsi cet épisode connu, mais qui mérite d’être rappelé in extenso: «Etant prieur ou sous-prieur de l’Eglise d’Osma dont il était le chanoine, frère Dominique se livrait à Palencia à l’étude des Divines Ecritures. Sur ces entrefaites, vint à sévir dans la contrée une affreuse famine, à tel point que les pauvres mouraient de faim en grand nombre. Tout ému de compassion et de miséricorde, frère Dominique vendit ses livres annotés de sa main et en donna le prix aux pauvres. (…) Le bienheureux, quelques jours après, vint avec l’évêque d’Osma dans le pays toulousain pour y prêcher, spécialement contre les hérétiques. Et c’est là qu’il institua et organisa l’ordre des Frères Prêcheurs.»[3. Déposition du Frère Etienne au procès de Bologne le 13 août 1233, rapportée dans Saint Dominique: la vie apostolique. Textes présentés et annotés par M-H. Vicaire, Paris, Editions du Cerf, 1983 (1965), p.61.]

On ne connaît de Dominique que quelques traits, mais sa figure accueille ce qui vient du monde, de l’extérieur.

Il est saisissant de relire, dans cet extrait, la manière dont l’enchaînement des évènements est présenté. Il y a d’abord un geste courageux de charité, puis l’activité de prédication (située par le témoin quelques jours après la vente des livres à Palencia) et enfin la fondation de l’Ordre. Tout est lié chez Dominique qui correspond bien, en ce sens, à cette définition du chrétien que donne le Concile Vatican II: «il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans [le] cœur [des disciples du Christ]»[4. Gaudium et Spes ,1.]. Dominique n’est pas homme qui impose sa vision des choses, mais il sait se laisser interpeller par la détresse de ses contemporains, y compris dans ce qu’elle a de plus concret. Il sait se détourner de ses projets, s’effacer à l’égard de ce qu’il avait prévu pour saisir la grâce de l’instant.

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Le frère dominicain Jacques-Benoît Rauscher, après un doctorat en sociologie et une agrégation en sciences économiques et sociales, poursuit des études théologiques à l’Université de Fribourg. Il est assigné au couvent St-Hyacinthe de cette ville.


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Confirmation de l’Ordre des Prêcheurs https://www.revue-sources.org/confirmation-de-lordre-des-precheurs/ https://www.revue-sources.org/confirmation-de-lordre-des-precheurs/#respond Fri, 01 Jan 2016 10:14:35 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=437 [print-me]

Le pape Honorius III loue le zèle du prieur Dominique et des frères de Saint-Romain, prêcheurs au pays de Toulouse. Il les exhorte à persévérer avec courage et leur accorde le privilège d’être les «fils spéciaux» du Saint-Siège. Bulle donnée au Latran, le 21 janvier 1217.

Honorius, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu, à ses chers fils le prieur et les frères de Saint-Romain, prêcheurs au pays de Toulouse: salut et bénédiction apostolique.

Nous rendons de dignes actions de grâces au dispensateur de toutes grâces pour la grâce de Dieu qui vous est donnée dans laquelle vous restez et resterez établis, nous l’espérons, jusqu’à la fin.

En effet, brûlant à l’intérieur de la flamme de la charité, vous répandez au-dehors le parfum d’une réputation qui réjouit les âmes saines et rétablit les malades. A celles-ci, vous présentez en médecins zélés les mandragores spirituelles pour qu’elles ne demeurent pas stériles, vous les fécondez par la semence de la parole de Dieu par votre éloquence salutaire. Ainsi, comme de fidèles serviteurs, vous placez les talents qu’on vous a confiés, pour en rapporter le double au Seigneur. Ainsi, comme des athlètes invaincus du Christ, armés du bouclier de la foi et du casque du salut, sans craindre ceux qui peuvent tuer le corps, vous tirez avec magnanimité contre les ennemis de la foi la parole de Dieu, plus pénétrante qu’un glaive à deux tranchants. Ainsi, vous haïssez vos âmes en ce monde, afin de les garder pour la vie éternelle.

que confirmés de plus en plus dans le Seigneur, vous vous appliquiez à annoncer la parole de Dieu en insistant à temps et à contretemps

Du reste, parce que c’est le succès et non pas le combat qui obtient la couronne et que seule la persévérance, parmi toutes les vertus qui concourent dans le stade, remporte le prix proposé, nous adressons à votre charité cette demande et cette exhortation pressante, vous en faisant commandement par ces lettres apostoliques et vous l’imposant en rémission de vos péchés: que confirmés de plus en plus dans le Seigneur, vous vous appliquiez à annoncer la parole de Dieu en insistant à temps et à contretemps, pour accomplir pleinement et de manière digne d’éloge votre tâche de prédicateur de l’Evangile. Si vous avez à souffrir des tribulations pour cette cause, ne vous contentez pas de les supporter avec une âme égale: tirez-en gloire, avec l’apôtre et réjouissez-vous en elles de ce qu’on vous a jugés dignes d’endurer des outrages pour le nom de Jésus car cette affliction légère et temporaire produit un immense poids de gloire auquel on ne peut comparer les souffrances du temps présent.

Nous aussi, qui désirons vous réchauffer de notre faveur comme des fils spéciaux, nous vous demandons d’offrir au Seigneur à notre intention le sacrifice de vos lèvres pour obtenir peut-être par vos suffrages ce que nous ne pouvons par nos mérites.

Donné au Latran, le XII des calendes de février, l’an premier de notre pontificat.

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Dominique manchot! https://www.revue-sources.org/dominique-manchot/ https://www.revue-sources.org/dominique-manchot/#respond Fri, 01 Jan 2016 09:44:19 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=429 [print-me]

Nous connaissions déjà un Dominique muet. Matisse l’avait privé d’orifice buccal et de cordes vocales. Supplice infernal, réservé aux prédicateurs bavards. Infamie pour le fondateur d’un Ordre de «prêcheurs». Et voilà qu’un frère provocateur glisse sous mon nez un Dominique manchot! Difficile d’épater un auditoire par des effets de manches. Mais Dominique en avait-il vraiment besoin?

Je ne saurais ni comparer ni rapprocher ces deux «icônes». La première est un chef d’œuvre devenu classique; la seconde, sortie d’un grenier de monastère, a subi l’épreuve du temps. A moins qu’elle ne fut la victime d’un iconoclaste impénitent.

Même sans voix et sans mains, il est encore possible de prêcher.

Mais rien n’est perdu. Même sans voix et sans mains, il est encore possible de prêcher. Le message évangélique n’a nul besoin d’être audible ou gesticulé. Dominique au pied de la croix ou penché sur sa Bible est à lui seul message et messager. Notre frère Angelico qui l’a peint dans cette double posture en était persuadé. Manchot ou non, le prêcheur fait corps avec Celui qui l’envoie. La prédication devient sublime quand le porte-parole est lui-même suspendu à la croix qu’il veut annoncer. Le témoin se confond alors avec son message. Même s’il n’est plus capable de le balbutier.

Ainsi Dominique prêchait-t-il, seul sur les sentiers caillouteux et épineux du Lauragais, à l’heure nocturne où le sicaire le guettait. Merveilleuse prédication aussi ce jour où il vendit ses parchemins pour nourrir des pauvres qui ne lui devaient rien. Prédication encore quand ses frères le portèrent sur une civière des hauts de Bologne vers le couvent où il voulait mourir et reposer sous leurs pieds.

Dietrich Bonhœffer aimait dire que le prédicateur avait mission d’accompagner la Parole. Parole en quête d’une terre en friche pour la féconder. Et si cette terre était d’abord la chair du prédicateur? Son corps, son âme et son histoire. Pour manifester la cohérence nécessaire entre la Parole qui vient de Dieu et le prêcheur qui la profère.

Le Matisse de Vence a voulu exprimer cette incarnation, légère, subtile et quasi décharnée. Un Dominique filiforme, réduit à quelques traits, comme une esquisse transparente et inachevée. Le prêcheur n’a nul besoin de bouche pour dire l’indicible. Il ne fait que le suggérer. Nul besoin non plus de mains pour le dessiner. Son cœur lui suffit.

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Dominique et François https://www.revue-sources.org/dominique-et-francois/ https://www.revue-sources.org/dominique-et-francois/#respond Fri, 01 Jan 2016 09:43:22 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=525 [print-me]

Bernard Cattanéo imagine la rencontre au Latran de Dominique et François, venus l’un et l’autre à Rome faire confirmer leur intuition missionnaire et évangélique. Cet événement, sans doute légendaire quoique vraisemblable, dit bien la convergence spirituelle des deux saints et la proximité des deux Ordres fondés par eux. Encore de nos jours, Franciscains et Dominicains se réclament, ne serait-ce que le jour de leur fête, de la double paternité de François et Dominique.

Le voyage à Rome que j’entrepris en ce temps-là fut pour moi l’occasion d’une rencontre dont je ne soupçonnais pas d’emblée l’importance: celle du frère François d’Assise. L’homme qui parlait aux oiseaux, telle était la façon dont on me le présenta. Il venait implorer le Saint-Siège pour la même raison que moi: habité d’une certitude et convaincu d’être appelé, il avait réuni quelques compagnons qui souhaitaient partir mendier sur les routes et prier pour le pardon universel.

Le rêve du pape

Il paraît, me dit-on, que le Pape a rêvé votre rencontre! Je ne pouvais le croire: comment moi, Dominique, petit religieux anonyme, aurais-je pu hanter les songes du Pontifex?

Mais si, insistait-on, il t’a vu qui retenait les colonnes branlantes de l’Eglise, puis rejoint par François qui te serrait dans ses bras. Que je fusse très sceptique ne m’empêcha pas de demander au Seigneur, si telle était sa volonté, de me donner les moyens de répondre à cette attente. Et je manifestai le désir de voir François d’Assise, petit frère de Dame pauvreté. Dans les prémices de la nuit romaine, rafraîchie par le souffle léger de l’automne commençant, nous nous rejoignîmes dans la basilique Saint-Jean.

« Frère Dominique, dit-il, si tu doutes trop de toi, tu n’avanceras pas dans le Seigneur »

Le Latran était calme, déserté par les prélats du concile au soir d’une rude journée. Frère François, tout menu dans sa bure grise, pieds nus sur le pavé froid, s’avança vers moi bras ouverts. Je fus saisi par son sourire et la profondeur de son regard. Nous nous donnâmes l’accolade en silence. Ainsi rencontrais-je cet apôtre du Seigneur qui marchait sur la même route que moi.

«Que Dieu te bénisse, frère Dominique, je suis heureux de te connaître», me dit-il de sa voix chantante. A genoux, nous rendîmes grâce, puis, deux heures durant, nous disputâmes en arpentant en tout sens l’église et le cloître. Chacun de nous, dans sa soif ardente de suivre Jésus-Christ, insistait sur les principes de vie qui lui semblaient essentiels. Je me surpris à vanter longuement les vertus de la réflexion, de la prédication, de la charité. François répondait prière, adoration, pauvreté. Il m’écoutait gravement quand j’expliquais comment j’imaginais la vie des prédicants, et j’étais fasciné par la poésie de ses paroles quand il me racontait ses découvertes des merveilles de la création sur les chemins de l’Italie.

Nous étions d’accord!

Nous étions d’accord pour mettre la pureté au centre de nos vies. Les rayons aveuglants de l’amour divin devaient traverser nos âmes et nos corps pour irradier nos frères. Il fallait nous laver de toute poussière pour que rien ne pût entraver le passage de la lumière. Si nous en retenions fût-ce qu’une parcelle, quelle perte c’était pour les hommes qui attendaient de nous leur salut! En écoutant frère François, je pris conscience de ma médiocrité. Je le vis si translucide que je le suppliai d’intercéder pour moi auprès du Tout-Puissant afin que je ne fusse pas trop indigne de la mission qui m’était confiée.

Il me sourit: «Frère Dominique, dit-il, si tu doutes trop de toi, tu n’avanceras pas dans le Seigneur, aie confiance, aime, et tu pourras à jamais chanter la gloire de Dieu». A son tour, il sollicita ma bénédiction. Il ne savait pas encore si le Pape reconnaîtrait son œuvre, et sa confiance fût-elle totale dans la bonté du Très-Haut, il me demanda quand même de prier pour lui. Comment pouvais-je refuser, moi qui, non moins inquiet, attendait aussi le verdict de Rome? Et du long moment d’adoration que nous passâmes ensemble prosternés au pied de l’autel demeure pour moi le souvenir intense d’une communion parfaite entre deux hommes arrivant d’horizons différents, brûlant d’une même flamme et destinés à une mission semblable. Réconcilier les ennemis de Dieu, accorder le pardon des péchés, enseigner la vraie foi, régé-nérer le monde dans le secret des cœurs: François et moi y étions consacrés. Puis, à regret, nous nous quittâmes. [1. Extrait de Bernard Cattanéo, Moi Dominique, Paris, DDB, 2001, p. 112-114.]

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Dominique ou la grâce de la parole https://www.revue-sources.org/a-lire-dominique-grace-de-parole/ https://www.revue-sources.org/a-lire-dominique-grace-de-parole/#respond Fri, 01 Jan 2016 07:55:42 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=405 Guy-Thomas Bedouelle, Dominique ou la grâce de la parole, préface de Marie-Humbert Vicaire. Nouvelle édition et avant-propos de PaulBernard Hodel, Cerf, Paris 2015, 408 p.


Le cher frère Guy-Thomas Bedouelle qui nous a quittés voici deux ans s’inscrit dans la grande lignée des historiens dominicains francophones qui, à l’instar de Mandonnet et Vicaire, ont illustré sans discontinuité la chaire d’histoire de l’Eglise de l’université de Fribourg pendant quelques décennies. Ces trois frères ont ceci de commun qu’ils ont voulu chacun à sa manière, et compte tenu de l’état des sources à sa disposition, restituer pour notre temps la figure du fondateur des Prêcheurs.

Nous devons au frère Paul-Bernard Hodel, nouveau maillon de cette chaîne d’historiens dominicains, la réédition de «Dominique ou la grâce de la parole», ouvrage édité par Guy Bedouelle en 1982 et préfacé par le Père Vicaire. Guy Bedouelle avait ajouté un post-scriptum à la seconde édition de la version anglaise parue en 1994. Il en avait aussi corrigé les notes et adapté les références bibliographiques aux dernières recherches.

L’édition de 2015 intègre ces précieux ajouts. Paul-Bernard Hodel y inclut également une chronologie succincte et surtout un important répertoire bibliographique mis à jour jusqu’en 2014. Ce même historien collabore activement à une nouvelle traduction des sources dominicaines «totalement renouvelée et considérablement augmentée» dont nous attendons la parution au cours de cette année jubilaire. Son titre pourrait être: Saint Dominique et la fondation de l’Ordre des Prêcheurs. Ecrits, vies, témoignages. Le frère Hodel évoque cet important travail dans la note qui suit cette recension.

Quant à l’ouvrage de Bedouelle, il se présente davantage comme un portrait spirituel de saint Dominique plutôt que comme un récit biographique. Nous sommes reconnaissants au frère PaulBernard et à sa communauté de nous avoir offert cette édition. Un très beau cadeau d’anniversaire!

 

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Saint Dominique de l’Ordre des Frères Prêcheurs https://www.revue-sources.org/a-lire-saint-dominique-de-lordre-freres-precheurs-temoignages-ecrits-fin-xiie-debut-xive/ https://www.revue-sources.org/a-lire-saint-dominique-de-lordre-freres-precheurs-temoignages-ecrits-fin-xiie-debut-xive/#respond Fri, 01 Jan 2016 07:53:43 +0000 http://revue-sources.cath.ch/?p=403 Témoignages écrits (fin XIIe – début XIVe)

Le frère dominicain suisse Paul-Bernard Hodel est professeur d’histoire de l’Eglise à la Faculté de théologie de l’université de Fribourg. Il réside au couvent de l’Albertinum de cette même ville.


La traduction des premiers témoignages sur saint Dominique et les débuts de l’Ordre des Frères Prêcheurs est un projet neuf, difficile et essentiel.

Il y a plus de soixante ans, le Père Vicaire avait déjà ouvert la voie avec ses travaux de traduction. La collection de textes que nous avons réunie enrichit considérablement le dossier: elle mêle témoignages issus de l’Ordre dominicain et autres témoignages contemporains. La plupart des textes n’ont jamais été traduits.

Contrairement à la tradition relative à saint François, les éditions critiques des textes dominicains sont très peu nombreuses: il a fallu souvent recourir à des éditions anciennes, voire aux manuscrits.

Cette première publication d’une telle collection de textes traduits éclaire de façon nouvelle la figure de saint Dominique, plutôt évanescente dans les lectures antérieures qui en avaient été proposées. Elle permet aussi de faire ressortir la cohérence dans les pratiques d’écriture des frères. Elle fait voir les convergences et les écarts entre les regards portés sur Dominique et la fondation des Prêcheurs, de l’intérieur et de l’extérieur de l’Ordre.

Traductions, présentation et annotation ont été assurées par une équipe d’universitaires, sous la direction de Nicole Bériou, professeur émérite (Université de Lyon), directrice honoraire de l’IRHT, et Paul-Bernard Hodel, professeur à l’Université de Fribourg.


Le frère dominicain suisse Paul-Bernard Hodel est professeur d’histoire de l’Eglise à la Faculté de théologie de l’université de Fribourg. Il réside au couvent de l’Albertinum de cette même ville.

 

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